Franceinfo - le mardi 2 juillet 2019
L'accord Mercosur-UE fait aussi grincer des dents côté brésilien
Le traité de libre échange entre les deux continents est critiqué des deux côtés de l'Atlantique
"Inacceptable" pour les agriculteurs et les écologistes français, l'accord entre l'UE et le Mercosur inquiète aussi au Brésil, où l'on craint l'impact sur une industrie moins compétitive que l'européenne et un recours excessif au "principe de précaution" visant les produits agricoles sud-américains. L'accord conclu vendredi soir après 20 ans d'âpres discussions entre l'Union européenne et les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) "ne profite pas à l'industrie sidérurgique brésilienne", affirme dans un communiqué l'Institut brésilien de l'acier (IAB).
En raison de la crise économique au Brésil et de l'offre excédentaire mondiale d'acier, cet organisme souligne que le secteur a déjà une marge de capacité inutilisée de 34% et pourrait donc produire un tiers en plus. Par ailleurs, le risque est grand pour la sidérurgie brésilienne de "voir des matériaux provenant de pays extérieurs au bloc de l'Union européenne entrer sur le marché (brésilien), par l'intermédiaire d'entreprises (européennes), déguisés en matériaux européens", ajoute l'IAB qui dénonce une "asymétrie concurrentielle".
Le "principe de précaution" redouté
"La productivité industrielle du Mercosur est inférieure à l'européenne. C'est une des raisons pour lesquelles l'accord n'avait pas été signé jusqu'ici, pour ne pas la pénaliser davantage", décrypte l'analyste indépendant Felipe Queiroz. "Si l'on ne met pas en place des garde-fous, le processus de désindustrialisation (...) et de re-primarisation de l'économie risque de s'accentuer" au Brésil, ajoute-t-il, jugeant que cela pourrait se traduire par une hausse du chômage. "Nous allons finir en n'exportant que des céréales, des poulets et de la viande de boeuf", conclut-il.
Un autre point de l'accord Mercosur-UE inquiète au Brésil : la référence au "principe de précaution" qui garantit que les autorités publiques pourront "agir pour protéger la santé humaine, animale ou végétale, ou l'environnement, face à un risque perçu, même lorsque l'analyse scientifique n'est pas concluante". "Historiquement, le Brésil a toujours été opposé à l'inclusion du principe de précaution, une revendication de l'UE, tant durant les cycles de négociation au sein de l'Organisation mondiale du commerce que lors des discussions bilatérales", explique à l'AFP Pedro Camargo Neto, ancien président de la Société rurale brésilienne et fin connaisseur des questions agricoles.
Le ministère des Affaires étrangères tente de rassurer
"Selon nous, les règles déjà existantes dans le cadre de l'accord multilatéral de l'OMC ont été et sont toujours suffisantes pour garantir la santé et la sécurité des populations de l'Union européenne", ajoute cet ancien responsable de la production et du commerce au sein du ministère de l'Agriculture (2000-2002). "C'est avec surprise que nous avons appris dans la presse que le Mercosur avait accepté cette forme de protection supplémentaire dans l'accord avec l'UE", conclut-il, traduisant l'inquiétude qui règne au Brésil dans le secteur agricole concernant cette clause. Une inquiétude que le ministère des Affaires étrangères a tenté de dissiper.
Tout a été négocié pour blinder le Brésil contre un usage inapproprié de cet instrument.au quotidien "Valor"
Selon le texte, les Sud-Américains bénéficient d'un accès accru au marché européen pour leur production agricole, en particulier leur boeuf. D'autres produits comme les chaussures, les vêtements, le jus d'orange, le café, le miel, le bois, le polyéthylène, le cuir ou les pièces détachées automobiles sont également concernés. Ce vaste accord, qui doit encore être validé par les Etats membres, touche près de 770 millions de consommateurs. Il doit permettre d'éliminer de nombreux droits de douane dans les domaines industriel et agricole, mais concerne aussi les services, les marchés publics, les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires et la propriété intellectuelle.
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