Irak
Pour comprendre ces crises, qui démarrent parfois comme des feux de paille et surtout pour voir où elles mèneront au fil du temps. Prenons l'histoire en marche !
Franceinfo - les mardi 17 et mercredi 18 novembre 2020
Irak : des roquettes visent l'ambassade des Etats-Unis, une fillette tuée
Les Etats-Unis vont réduire leur présence militaire en Afghanistan et en Irak
Image par ErikaWittlieb de Pixabay
Franceinfo - le vendredi 12 juin 2020
Washington va réduire ses troupes en Irak dans les "prochains mois"
L'annonce a été faite à l'issue d'un "dialogue stratégique" visant à ramener un peu de stabilité dans les relations houleuses entre les Etats-Unis et l'Irak
Le retrait aura lieu "au cours des prochains mois". Les Etats-Unis ont annoncé jeudi 11 mai qu'ils allaient "réduire" leur présence militaire en Irak, après avoir repris langue avec le gouvernement irakien désormais dirigé par un Premier ministre plus favorable à Washington, au terme de mois de tensions. Evoquant les "progrès significatifs" contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), raison de la présence américaine à la tête d'une coalition internationale, les deux pays ont affirmé dans une déclaration conjointe que "les Etats-Unis continueraient à réduire leurs forces en Irak".
Les gouvernements américain et irakien n'ont pas précisé l'ampleur ni le calendrier de ce retrait progressif. Washington va aussi "discuter avec le gouvernement irakien du statut des forces restantes", sans rechercher "une présence militaire permanente" – une position en ligne avec la volonté de désengagement du président Donald Trump, qui a promis de "mettre fin aux guerres sans fin".
5 200 soldats américains sur place en début d'année
Cette déclaration a été faite à l'issue d'un "dialogue stratégique" par visioconférence – en raison du Covid-19 –, visant à ramener de la stabilité dans les relations houleuses entre les deux alliés. Il s'agit d'une mise à jour du "dialogue" de 2008, quand les Etats-Unis avaient établi les conditions de leur départ après avoir envahi l'Irak. Depuis, leurs troupes sont revenues, bien moins nombreuses, contre l'EI.
Plus de deux ans et demi après la "victoire" sur les jihadistes côté irakien, les milliers de soldats américains dans le pays – ils étaient 5 200 en début d'année – étaient à nouveau au cœur des tensions. Le sentiment anti-américain a en effet flambé avec la mort en janvier du général iranien Qassem Soleimani et de son lieutenant irakien, tués à Bagdad dans un raid ordonné par le président Trump, après la multiplication de tirs de roquettes contre des intérêts américains, imputés par Washington aux forces pro-Iran.
Franceinfo - le lundi 30 décembre 2019
Irak : la révolte capillaire de la jeunesse
L'Irak est secoué depuis trois mois par une large protestation parfois durement réprimée par le régime. Une révolution dans les rues, mais aussi capillaire. Une façon pour les plus jeunes de montrer qu'ils se modernisent dans un pays réfractaire à toute évolution
À Bagdad (Irak), sur la place Tahrir, lieu de la révolte qui dure depuis trois mois, on sert le thé selon l'usage. Mais de nouvelles modes capillaires semblent braver la tradition. Les jeunes Irakiens arborent de plus en plus des crêtes de coq ou des coupes afros, d'impressionnantes coiffures symboles d'une révolution. "La société irakienne s'est débarrassée de son retard en terme de mentalité. Nous acceptons mieux la liberté des autres en général. Tout le monde est libre et peut dire ce qu'il veut. Nous nous sommes complètement débarrassés du harcèlement sexuel, surtout place Tahrir", assure Sajjad Alaa, manifestant irakien de 24 ans.
Un cocon sans harcèlement
Au bord du Tigre flotte le même sentiment de liberté sur la plage. "Le harcèlement a été effacé. Garçons et filles sont sur la plage et tout va bien", insiste Noor, une manifestante. La place Tahrir et ses abords forment un cocon pour tout esprit rebelle dans cet État où 90% des femmes portent un hijab et où le conservatisme religieux domine. Sous les coiffures, les jeunes ont des inspirations plein la tête. La contestation gronde depuis trois mois. Les manifestants défilent chaque jour pour réclamer la fin d'un système politique qu'il juge corrompu. Depuis octobre, la répression a fait 460 morts et 25 000 blessés.
Franceinfo - le vendredi 29 novembre 2019
Irak : six questions pour comprendre un mouvement de contestation inédit et réprimé dans le sang
Alors que plus de 400 personnes ont été tués en deux mois, le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, a annoncé vendredi qu'il allait présenter sa démission au Parlement
Un manifestant irakien, à Najaf, mardi 26 novembre 2019. (HAIDAR HAMDANI / AFP)
Un mouvement de contestation embrase l'Irak depuis le 1er octobre. La révolte populaire s'est propagée à Bagdad, la capitale, mais aussi dans les bastions chiites de Najaf et Kerbala, ainsi que dans les villes du Sud du pays, comme Nassiriya. En deux mois, elle a fait près de 400 morts et plusieurs milliers de blessés, selon le décompte des agences de presse AFP et Reuters, qui s'appuient sur des sources policières et hospitalières. Pour la seule journée du jeudi 28 novembre, 43 personnes on été tuées, tombées sous les balles des forces de sécurité.
Sous la pression, notamment du très écouté ayatollah Ali al-Sistani, le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, a annoncé vendredi qu'il allait présenter sa démission au Parlement.
Après la chute du régime baasiste de Sadam Hussein et l'invasion américaine, en 2003, puis le départ de ces troupes en 2011 et l'implantation, trois ans plus tard, de l'organisation Etat islamique, défaite à partir de 2017, l'Irak n'a connu que violences et troubles successifs. Or, ce mouvement populaire, qui fédère plusieurs strates de la société irakienne, pourrait marquer le début de la fin de cette page de l'histoire politique irakienne ouverte il y a seize ans.
Que se passe-t-il depuis deux mois ?
Tout a commencé le 1er octobre. Ce jour-là, plus d'un millier de manifestants se rassemblent à Bagdad et dans le Sud du pays pour manifester contre la corruption, le chômage et la déliquescence des services publics. Déclenchées par des appels sur les réseaux sociaux, les manifestations sont dispersées avec des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc, puis par des tirs à balles réelles. Dès le lendemain, les autorités ferment la zone verte, ce quartier de la capitale où siègent les plus hautes institutions et l'ambassade américaine, et instaure un couvre-feu. Le 3 octobre, les blindés des forces spéciales repoussent la foule, tandis que les forces de l'ordre tirent sur le sol des balles qui ricochent sur les manifestants.
Les manifestations réclamant "la chute du régime" sont réprimées dans le sang et internet est coupé dans une grande partie du pays. Fin octobre, au moins 63 personnes sont tuées en moins de 48 heures, en majorité dans le Sud, où les manifestants attaquent ou incendient des QG de partis, de responsables politiques et de groupes armés.
Après des réunions sous l'égide du puissant général iranien Qassem Soleimani, les partis au pouvoir se mettent d'accord, début novembre, pour maintenir le gouvernement Abdel Mahdi en place et en finir avec la contestation, quitte à recourir à la force. A Bagdad, les manifestants se sont emparés d'un immeuble à l'abandon, le "restaurant turc", devenu le QG de la contestation, et occupent la place Tahrir ainsi que des ponts du centre-ville. Barrages routiers, blocages, sit-in... Dans le Sud du pays, des administrations sont fermées et des consulats iraniens attaqués par les manifestants. Ainsi, en dépit d'une répression sanglante, la contestation s'implante et s'organise.
Qui sont les manifestants ?
"Semblable communion n'avait pas été observée en Irak depuis la révolte de 1920 contre l'occupation britannique !", s'enthousiame l'écrivain irakien Sinan Antoon, cité par Le Monde. Et pour cause : le mouvement est particulièrement hétérogène. Pour Adel Bakawan, directeur du Centre de sociologie de l'Irak (CSI) à l'université de Soran et interrogé par France 24, la mobilisation rassemble des jeunes nés autour de l'an 2000 qui "n'ont connu qu'un Irak traversé par la 'milicisation' et la systématisation de la corruption", des "élites intellectuelles issues de la société civile", lesquelles "essayent de transformer la contestation en mouvement social" et, enfin, des partisans de l'opposition.
Les jeunes, particulièrement touchés par le chômage, sont en première ligne. Des jeunes marchands de fruits et légumes côtoient ainsi des étudiants sunnites ou des ingénieurs kurdes, décrit un reportage du Monde dans les étages en béton du "restaurant turc". Sunnites, chiites, chrétiens, yézidis, kurdes, étudiants, mais aussi étudiantes... La mobilisation rassemble au-delà des clivages habituels de la société irakienne, clivages entretenus par des années de confessionalisme politique (un système qui répartit le pouvoir proportionnellement entre les communautés religieuses, accusé de favoriser la corruption et le clientélisme).
Les manifestants, quelles que soient leurs origines ou leur religion, assurent donc se rassembler derrière le seul drapeau irakien. A Bagdad, une seule revendication s'affiche sur les tee-shirts et les fresques, écrit Le Monde : "Je veux une nation !"
Que veulent-ils ?
"Depuis 2011, aucune des demandes des manifestants n'a été entendue, qu'il s'agisse de l'accès à l'électricité, à l'eau, à des services ou à des opportunités d'emploi, explique au Monde Sinan Antoon. "Ce régime n'a pas de programme de réformes. Beaucoup de scandales de corruption sont désormais connus de tous", ajoute-t-il. L'Irak est en effet l'un des pays les plus riches de la planète en pétrole, mais aussi l'un des plus corrompus. Un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté tandis qu'officiellement, 410 milliards d'euros ont été détournés ces seize dernières années (soit deux fois le PIB du pays). Les manifestants réclament donc le renouvellement du système et de la classe dirigeante.
"Leurs manifestations sont autant d'appels à une vie digne", abonde dans Libération la politologue Myriam Benraad, spécialiste de l'Irak.
Quelle est la réponse du pouvoir ?
Dès le 6 octobre, le gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, en place depuis à peine un an, a annoncé des mesures sociales. Une aide au logement et une allocation de pension aux jeunes sans emploi, mais aussi la construction de 100 000 logements et ordonne l'installation de halles pour les vendeurs ambulants, dans une tentative de créer des emplois. Pour Loulouwa al-Rachid, du Carnegie Middle East Center, ces réponses relèvent davantage du "déni" que de la promesse : l'Irak est "un Etat rentier qui n'a pas d'économie productive, où le secteur privé ne crée pas d'emplois (...)", explique-t-elle à Libération, pointant une promesse "matériellement impossible".
Ainsi, "le système est aux abois", explique dans un autre entretien à Libération la politologue Myriam Benraad. "Il est tellement dans l'incapacité de répondre aux demandes de la population que sa seule issue est de recourir à la répression violente." "La férocité de cette répression est à la mesure de la panique des cercles dirigeants face à une contestation qui remet en cause le principe même de la répartition confessionnelle du pouvoir", analyse enfin l'historien Jean-Pierre Filiu sur son blog, hébergé par lemonde.fr.
Officiellement, le gouvernement s'est d'abord déclaré ouvert à des discussions avec les manifestants. Mais en pratique, les violences, arrestations et enlèvements se poursuivent. Cette escalade fait suite à des discussions entre responsables irakiens et iraniens et à une réunion entre le Premier ministre et de haut gradés militaires, explique le quotidien libanais Daraj, traduit par Courrier International. Après l'attaque du consulat iranien de Najaf, incendié par les manifestants, les autorités ont procédé, jeudi 28 novembre, à un nouveau tour de vis. Le commandement militaire irakien a annoncé avoir dépêché des militaires pour appuyer les gouverneurs dans plusieurs provinces du Sud. "Une cellule de crise a été mise en place sous la supervision des gouverneurs" pour "imposer la sécurité et restaurer l'ordre", annonce un communiqué.
Qui mène la répression sanglante ?
Selon le chercheur Hosham Dawod, interrogé par Le Point, la répression est menée par des groupes armés constitués à l'époque de l'ancien Premier ministre chiite Nouri al-Maliki et "recrutés selon leur appartenance locale et leur dévouement politique. Leur but est plus de protéger le régime politique que la population", explique-t-il. "Ils ont été épaulés par des services de sécurité militaires, comparables à notre gendarmerie, mais aussi par des forces antiémeutes et des milices." Trois corps qui, explique-t-il, "dépendent du ministère de l'Intérieur irakien, qui est totalement noyauté depuis dix ans par la milice Badr [une structure proche de l'Iran]. D'autres milices, membres des unités de mobilisation populaire [et formées et armées par l'Iran], sont également derrière la répression des manifestants." Ces dernières témoignent de "la mainmise multiforme de Téhéran sur les institutions irakiennes", explique Jean-Pierre Filiu.
"Les manifestants n'ont pas face à eux, comme au bon vieux temps de Saddam, des troupes d'élite qui massacrent systématiquement et méthodiquement", ironise la spécialiste de l'Irak Loulouwa al-Rachid, citée par Libération. "Nous avons affaire à un Etat plus ou moins voyou qui se réfugie derrière des groupes paramilitaires ou miliciens, mais qui font partie intégrante de l'édifice étatique", fustige-t-elle.
Quel rôle joue l'Iran ?
"Iran dehors !" "Victoire à l'Irak !" Dans les manifestations, les slogans ne présentent aucune ambiguïté. L'attaque du consulat de la République islamique dans la ville de Najaf, bastion chiite visité chaque année par des millions de pèlerins iraniens, non plus. "Une écrasante majorité d'Irakiens s'estime malmenée par la présence massive d'Iraniens en Irak, notamment à travers les milices chiites", résume dans Le Point Hosham Dawod, qui pointe "un rejet de l'ingérence iranienne politique, idéologique et sécuritaire" par la société irakienne.
Car même de ce côté de la frontière, l'Iran est partout. Le 19 novembre, le quotidien américain New York Times et le site d'investigation The Intercept confirmaient que Téhéran menait une guerre d'influence chez son voisin en publiant de nombreux documents provenant du ministère des Renseignements iranien. Des fuites qui soulignent "la vaste influence" de l'Iran en Irak, en particulier depuis le départ des troupes américaines, il y a huit ans.
Ces documents détaillent enfin "des années de travail méticuleux par les espions iraniens pour coopter les leaders du pays, payer des agents irakiens (...) et infiltrer tous les aspects de la vie politique, économique et religieuse de l'Irak", écrit le NYT, cité par France 24.
Franceinfo - le vendredi 29 novembre 2019
Irak : le Premier ministre annonce sa démission, après deux mois de contestation contre le pouvoir et un bilan de plus de 400 morts
Le bilan des deux mois de contestation inédite contre le pouvoir politique a dépassé les 400 morts, indiquent l'AFP et Reuters, citant des sources médicales et policières
Des manifestants affrontent les forces de l'ordre irakiennes à Bagdad, le 28 novembre 2019. (AHMAD AL-RUBAYE / AFP)
Le Premier ministre irakien, Adel Abdel Mahdi, a annoncé, vendredi 29 novembre, qu'il allait présenter sa démission au Parlement. Aussitôt, sur la place Tahrir de Bagdad, la foule a explosé de joie, a constaté un correspondant de l'AFP. Un mouvement de contestation inédit réclame depuis deux mois la refonte du système et le renouvellement d'une classe politique jugée corrompue et incompétente.
Plus tôt dans la matinée, le grand ayatollah Ali Sistani, figure tutélaire de la politique irakienne, avait appelé à remplacer le gouvernement au lendemain d'une des journées les plus sanglantes depuis le début de la contestation. Le dignitaire chiite de 89 ans apporte ainsi pour la première fois clairement son soutien (nécessaire pour faire et défaire les Premiers ministres) aux manifestants, qui ont encore perdu un des leurs, vendredi, lors de heurts avec la police à Nassiriya.
Jeudi, 46 manifestants ont été tués et un millier d'autres blessés dans le sud du pays. Des combattants tribaux sont sortis pour protéger les manifestants à Nassiriya alors que des hommes en civil ont tiré sur la foule à Najaf. Le bilan des deux mois de contestation a dépassé vendredi les 400 morts, indiquent l'AFP et Reuters, citant des sources médicales et policières.
Franceinfo - le mercredi 30 octobre 2019
Irak : au moins 100 personnes sont mortes en une semaine de manifestations
Le mouvement de contestation a repris jeudi 24 octobre. Mercredi, une roquette a chuté près de l'ambassade américaine à Bagdad, tuant un soldat irakien
Des policiers font face aux manifestants et font usage de gaz lacrymogènes sur la place Tahrir de Bagdad, en Irak, le 30 octobre 2019. (MURTADHA SUDANI / ANADOLU AGENCY / AFP)
Le mouvement de contestation antigouvernementale en Irak avait repris, jeudi 24 octobre, après une pause liée à des célébrations religieuses. Une semaine plus tard, mercredi 30 octobre, la Commission gouvernementale des droits de l'Homme a communiqué un lourd bilan : au moins 100 personnes ont été tuées et 5 500 blessées.
Mercredi soir, une roquette est tombée sur un check-point de la Zone verte de Bagdad, près de l'ambassade des Etats-Unis, tuant un militaire irakien, ont indiqué à l'AFP des responsables de la sécurité irakienne, qui n'ont pas précisé l'origine de ce tir.
Les manifestants réclament la "chute du régime"
A l'issue du premier épisode de contestation, entre le 1er et le 6 octobre, le bilan officiel faisait état de 157 morts.
Les manifestants, notamment rassemblés jour et nuit sur la place Tahrir de Bagdad et dans des villes du sud du pays, réclament la "chute du régime".
Mardi, le chef du Parlement a appelé le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi à se présenter "immédiatement" devant l'Assemblée, où les partisans de l'influent leader chiite Moqtada Sadr réclament un vote de défiance. Le chef du Parlement et le Premier ministre ont été reçus par le président, Barham Saleh, mardi soir.