YEMEN
Franceinfo - le jeudi 9 avril 2020
Yémen : un cessez-le-feu unilatéral décrété par la coalition débute, pour contenir la propagation du coronavirus
Ce geste de conciliation fait suite à une escalade des combats au Yémen, malgré l'appel de l'ONU à une cessation immédiate des combats pour protéger de la pandémie les civils du pays le plus pauvre du monde arabe
Un homme dans une rue quasi-déserte, à Sanaa, la capitale du Yémen, le 4 avril 2020. (MOHAMMED HAMOUD / ANADOLU AGENCY / AFP)
Il doit durer deux semaines. Un cessez-le-feu unilatéral décrété par la coalition menée par les Saoudiens a débuté, jeudi 9 avril, au Yémen. Riyad dit espérer que cette trêve permettra de contribuer à prévenir une propagation de la pandémie de coronavirus dans ce pays ravagé par la guerre entre les rebelles et le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale. Le Yémen n'a annoncé jusqu'ici aucun cas de contamination mais des organisations humanitaires ont averti d'un impact catastrophique.
Les rebelles Houthis, soutenus par l'Iran et contre lesquels intervient la coalition depuis 2015, n'ont pas réagi formellement à ce cessez-le-feu, entré en vigueur ce matin, mais l'un de leurs responsables s'est montré sceptique : les Saoudiens "sont malhonnêtes et violent chaque trêve qu'ils annoncent", a-t-il déclaré.
L'envoyé spécial de l'ONU Martin Griffiths s'est félicité de la trêve, appelant les belligérants à "cesser immédiatement toutes les hostilités", une "urgence absolue". Avant lui, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait estimé que seul le "dialogue" permettrait aux parties de "se mettre d'accord sur un mécanisme permettant de maintenir un cessez-le-feu à l'échelle nationale". Il avait appelé à "la reprise d'un processus politique pour parvenir à un règlement global". Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a quant à lui salué l'offre de trêve, y voyant une "rare occasion de mettre fin à l'effusion de sang au Yémen".
L'espoir d'une première percée diplomatique
Si la trêve tient, ce sera la première percée diplomatique depuis que les belligérants ont accepté un cessez-le-feu négocié par les Nations unies dans la ville portuaire stratégique de Hodeida (ouest) lors de pourparlers inter-yéménites en Suède fin 2018.
Ce geste de conciliation fait suite à une escalade des combats au Yémen, malgré l'appel de l'ONU à une cessation immédiate des combats pour protéger de la pandémie les civils du pays le plus pauvre du monde arabe. Un responsable saoudien a déclaré mercredi que la trêve pourrait être prolongée et ouvrir la voie à une solution politique plus large.
Dans le document publié par les rebelles avant l'annonce de la trêve, les Houthis, qui contrôlent de larges pans du pays, dont la capitale Sanaa, développent de leur côté leur vision d'une fin du conflit et appellent au retrait des troupes étrangères et à la fin du blocus de la coalition sur les ports et l'espace aérien du Yémen. Ils exigent également que la coalition paie les salaires des fonctionnaires pour la prochaine décennie et finance la reconstruction, notamment des bâtiments détruits lors des frappes aériennes.
Le cessez-le-feu intervient alors que l'Arabie saoudite, confrontée à la chute des prix du pétrole, cherche à se sortir d'un conflit coûteux qui a tué des dizaines de milliers de personnes et déclenché ce que les Nations unies qualifient de pire crise humanitaire au monde.
Mercredi, le vice-ministre saoudien de la Défense, le prince Khaled ben Salmane, a appelé les rebelles à "faire preuve de bonne volonté".
"Le cessez-le-feu de deux semaines créera, espérons-le, un climat de nature à apaiser les tensions" et à aider les efforts onusiens en vue d'"un règlement politique durable", a déclaré le prince Khaled sur Twitter.
Le Yémen n'a annoncé jusqu'ici aucun cas de contamination par le nouveau coronavirus mais des organisations humanitaires ont averti d'un impact catastrophique.
L'Arabie saoudite, le gouvernement yéménite et les rebelles ont tous accueilli favorablement l'appel de M. Guterres en faveur d'un cessez-le-feu mondial pour protéger de la pandémie les personnes vulnérables dans les zones de conflit.
Pour Fatima Abo Alasrar, chercheuse au Middle East Institute, la réponse des Houthis va déterminer le sort de la trêve.
Or, selon elle, "les Houthis ont ouvert de multiples fronts qu'ils ne peuvent pas se permettre de fermer".
Les combats se sont récemment intensifiés entre les Houthis et les troupes yéménites soutenues par Ryad autour de zones stratégiques des provinces de Jouf et de Marib, au nord et à l'est de Sanaa, après des mois d'accalmie.
Et les défenses anti-aériennes saoudiennes ont intercepté des missiles des rebelles au-dessus de Ryad et de la ville frontalière de Jazan fin mars.
Il s'agissait de la première grande attaque contre l'Arabie saoudite depuis que les rebelles ont proposé en septembre dernier de mettre fin à ces opérations contre le royaume après des attaques dévastatrices contre les installations pétrolières saoudiennes.
La semaine dernière, la coalition a effectué de multiples frappes aériennes sur Sanaa en représailles aux tirs de missiles.
bur-sls/mh/gk
Franceinfo - le jeudi 9 mai 2019
Yémen : deux ONG s'opposent au départ de France d'un cargo chargé d'armes
Le "Bahri Yanbu" se trouve à une trentaine de kilomètres au large du Havre, le port où il doit charger une livraison d'armes
Le navire "Bahri Yanbu", le 9 mai 2019 au large du Havre (Seine-Maritime). (LOIC VENANCE / AFP)
Elles veulent bloquer la livraison. Deux ONG françaises, l'Acat et ASER, ont déposé, jeudi 9 mai, des recours en urgence au tribunal administratif de Paris pour empêcher le départ d'un cargo saoudien venu prendre au Havre (Seine-Maritime) un chargement d'armes qui pourraient, selon elles, être utilisées dans la guerre meurtrière menée au Yémen par l'Arabie. La France a reconnu mercredi qu'un navire saoudien allait effectuer un chargement d'armes, mais a assuré qu'elle ne disposait d'"aucune preuve" permettant d'affirmer que des armes françaises étaient utilisées au Yémen.
Jeudi, le président Emmanuel Macron a dit "assumer" la vente d'armes françaises à l'Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, susceptibles d'être déployées au Yémen, mais assure avoir obtenu "la garantie" que ces équipements "n'étaient pas utilisés contre des civils", à son arrivée à un sommet européen en Roumanie. Selon le site d'investigation Disclose, le navire doit prendre livraison de "huit canons de type Caesar" que l'Arabie saoudite pourrait utiliser dans la guerre qu'elle livre au Yémen aux rebelles houthis, minorité chiite soutenue par l'Iran, grand rival de Ryad.
Deux types de recours déposés
"L'Etat français ne peut ignorer que ces armes peuvent servir à commettre des crimes de guerre au Yémen, où plus de 400 000 civils sont potentiellement sous le feu", a déclaré à l'AFP l'avocat de l'Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), Joseph Breham. L'association a déposé un "référé-liberté", un recours en urgence visant à protéger une liberté fondamentale menacée, qui devrait être rapidement examiné, selon l'avocat. L'ONG Action Sécurité Ethique Républicaines (ASER) a également déposé un recours en urgence, un "référé-suspension". "Il ne s'agit pas d'avoir la preuve que ces armes ont été utilisées au Yémen, mais reconnaître que c'est une potentialité d'usage", a rappelé le président de l'association Benoît Muracciole, à l'AFP.
L'Acat conteste la décision de la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) d'autoriser le cargo Bahri Yanbu battant pavillon saoudien "à procéder à un chargement, exportation et transfert au sens de l'article 6 du Traité sur le Commerce des Armes, de matériels de guerre et matériels assimilés, dans le port du Havre, à destination finale Djeddah en Arabie Saoudite". Ce traité de l'ONU, entré en vigueur en 2014, vise à réguler le commerce des armes dans le monde.
Le cargo arrêté au large du Havre
Son article 6 porte sur les interdictions de transfert d'armes: il stipule notamment qu'"aucun État Partie ne doit autoriser le transfert d'armes classiques (...) s'il a connaissance, au moment où l'autorisation est demandée, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie".
Le Bahri Yanbu se trouvait jeudi soir à une trentaine de km du port du Havre. Si une des organisations obtient gain de cause, le cargo ne pourra pas quitter la France chargé d'armes. Même en cas d'appel, car la décision du juge des référés est suspensive. En revanche, si le navire avait quitté les eaux territoriales françaises avant la tenue de l'audience, les recours des deux ONG ne seraient pas examinés, étant devenus sans objet.
Franceinfo - le mercredi 8 mai 2019 - mis à jour le 09.05.19
Yémen: la France confirme un prochain chargement d'armes sur un cargo saoudien
Après de nouvelles révélations du site Disclose, la ministre des Armées a reconnu un prochain chargement d'armes à destination de l'Arabie Saoudite
Le cargo saoudien "Bahri Yanbu", qui doit réceptionner un chargement d'armes, photographié le 7 mai 2019 à Tilbury (Royaume-Uni). (BEN STANSALL / AFP)
La France a reconnu, mercredi 8 mai, qu'un navire saoudien allait effectuer un chargement d'armes mais assuré qu'elle ne disposait d'"aucune preuve" permettant d'affirmer que des armes françaises sont utilisées dans la guerre meurtrière menée au Yémen par l'Arabie. "Il y aura chargement d'armes en fonction et en application d'un contrat commercial", a déclaré sans plus de précisions la ministre française des Armées Florence Parly sur la chaîne BFM TV et la radio RMC, interrogée sur le cargo saoudien Bahri Yanbu.
Selon le site d'investigation Disclose, le navire, attendu jeudi au Havre, doit prendre livraison de "huit canons de type Caesar" que l'Arabie saoudite pourrait utiliser dans la guerre qu'elle livre au Yémen aux rebelles houthis, minorité chiite soutenue par l'Iran, grand rival de Ryad. Florence Parly n'a pas précisé la nature des armes qui seront chargées ni leur destination. Selon une source gouvernementale, "il ne peut pas s'agir de canons Caesar puisqu'il n'y a aucune livraison de Caesar en cours". Le Caesar est un camion équipé d'un système d'artillerie.
Les ONG s'indignent
La ministre des Armées a de plus répété que, "à la connaissance du gouvernement français, nous n'avons pas d'éléments de preuve selon lesquels des victimes au Yémen sont le résultat de l'utilisation d'armes françaises". Paris a invariablement affirmé que ces armements ne sont utilisés que de manière défensive et pas sur la ligne de front. Or, selon une note de la Direction du renseignement militaire (DRM), révélée par Disclose et franceinfo mi-avril, 48 canons Caesar produits par l'industriel français Nexter "appuient les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudiennes, dans leur progression en territoire yéménite". Une carte de la DRM estime que "436 370 personnes" sont "potentiellement concernées par de possibles frappes d'artillerie", dont celles des canons français.
Les déclarations de Florence Parly ont suscité un tollé parmi les ONG. Cela "montre de nouveau l'obstination de la France à poursuivre ses transferts d'armes à ce pays malgré le risque indéniable et parfaitement connu des autorités françaises qu'elles soient utilisées contre des civils", a commenté dans un communiqué Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. Parmi les dizaines de milliers de personnes tuées au Yémen, on compte de nombreux civils.
Un recours en justice
Neuf ONG, dont l'Observatoire des armements, réclament "l'établissement d'une commission parlementaire permanente de contrôle des ventes d'armes, comme en Suède, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas", a indiqué de son côté Tony Fortin, de l'Observatoire des Armements. La Ligue des droits de l'Homme et le mouvement de la paix appellent à un rassemblement jeudi à 18h au Havre, sur le terre-plein de l'écluse François Ier, non loin du quai de l'Europe où doit accoster le Bahri Yanbu, "afin de dénoncer ces ventes d'armes (...) qui ont bien servi à tuer quantité de civils au Yémen".
Une autre ONG, ACAT, a annoncé qu'elle comptait déposer un recours en justice, afin de bloquer le chargement d'armes. "ACAT a mandaté le cabinet Ancile pour déposer un référé exigeant que soit levé le dédouanement (c’est-à-dire l’autorisation pour le cargo de prendre la mer, avec son chargement) en vue de faire en sorte que la France ne puisse se rendre complice des exactions commises au Yémen et respecte ses obligations internationales", annonce l'organisation dans un communiqué. La livraison de ces armes constituerait une violation du Traité sur le commerce des armes, souligne Action des chrétiens pour l’abolition de la torture.
Franceinfo - le lundi 15 avril 2019
Quand la ministre des Armées niait l'utilisation d'armes françaises au Yémen
Selon une enquête de franceinfo, des armes françaises sont bien présentes dans la guerre au Yémen. Une note secrète du renseignement français recense celles qui sont utilisées sur le terrain et leurs conséquences sur les populations civiles
Une enquête de franceinfo révèle que des armes françaises sont bien utilisées au Yémen. Chars Leclerc, obus flèche, Mirage 2000-9, radar Cobra, véhicules blindés Aravis, hélicoptères Cougar et Dauphin, frégates de classe Makkah, corvette lance-missiles de classe Baynunah ou canons Caesar sont les armes énumérées dans une note de 15 pages de la Direction du renseignement militaire (DRM) classée "confidentiel Défense".
Pourtant la ministre des Armées, Florence Parly, a toujours nié ces faits. "Nous ne vendons pas des armes n’importe comment. Rien n’est plus encadré que le régime d’autorisation d’exportation des armements", a-t-elle lancé sur France Inter en février 2018.
En octobre 2018, elle a été interrogée à l'Assemblée nationale par Bastien Lachaud, députée de la France insoumise. La réponse de Florence Parly a été cinglante
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On ne vend pas des armes comme on vend des baguettes de pain.
Florence Parly, ministre des Arméesà l'Assemblée nationale
"Toute vente d'arme est interdite sauf autorisation expresse. Et cette autorisation expresse, elle est le fruit d'un examen extrêmement rigoureux, d'un examen au cas par cas qui rassemble plusieurs ministères et qui évalue très précisément tous les risques", a rappelé la ministre.
Des armes vendues "il y a plus de vingt ans"
Toujours en octobre 2018, sur le plateau de BFMTV et RMC, elle a assuré que la France n'avait pas de négociations en cours avec l'Arabie saoudite sur d'éventuelles nouvelles ventes d'armes. L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis mènent une guerre au Yémen contre les rebelles houthis, une minorité chiite soutenue par l’Iran.
Florence Parly s'est montrée plus précise, sur franceinfo, en janvier 2019. "Je n’ai pas connaissance du fait que des armes [françaises] soient utilisées directement dans ce conflit", a déclaré la ministre des Armées. "Nous n’avons, récemment, vendu aucune arme qui puisse être utilisée dans le cadre du conflit yéménite", a-t-elle tranché. Et de nuancer : "Ce que je dois vous dire, cependant, c’est que des armes françaises peuvent être présentes sur ce terrain parce qu’elles ont été vendues il y a plus de vingt ans de cela."