le Progrès du mercredi 2 août 2017
Deux des chefs de l'opposition, dont le maire de Caracas, ont été arrêtés hier au Venezuela, alors que le pays est sous le coup de sanctions des États-Unis après l'élection dans le sang d'une toute-puissante Assemblée constituante voulue par le président Maduro.
VENEZUELA : LE BRAS DE FER
Après le scrutin qui a élu une assemblée constituante, l'opposition au président Maduro ne désarme pas et continue de manifester. Le pays se retrouve totalement isolé au niveau international.
"Le moment d'une nouvelle histoire est arrivé". Tels étaient les mots du président vénézuélien Nicolas Maduro, anticipant sur une victoire à l'élection de la toute-puissante assemblée constituante dimanche. Mais la "nouvelle histoire" connaît déjà des soubresauts, malgré, selon les chiffres gouvernementaux, une participation de 41,5 % du corps électoral, alors que 19,5 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes. Elle ne serait que 12 %, selon l'opposition, qui dénonce des fraudes massives et veut à tout prix éviter de donner les pleins pouvoirs à Maduro.
■ Quelle est la composition de la Constituante ?
Il existe déjà une assemblée nationale, où l'opposition réunie au sein de la MUD (Table de l'unité démocratique, alliant centre gauche jusqu'à droite ultralibérale, et y compris des anciens chavistes historiques) est majoritaire depuis décembre 2015. Mais la nouvelle assemblée constituante, composée de 545 membres, tous chavistes et proches du pouvoir de Maduro, pourrait supplanter dès mercredi, jour de son installation, l'ancienne chambre. Cette journée s'annonce donc décisive, et source de tensions.
La Constituante devrait diriger le pays pour une durée indéterminée, et peut-être rédiger une nouvelle constitution, remplaçant celle promulguée en 1999 par le défunt président Hugo Chavez. Prolongera-t-elle le mandat de Nicolas Maduro, qui doit normalement s'achever en 2019 ?
Que souhaite l'opposition ?
Elle avait appelé au boycott de cette élection. "Nous ne reconnaissons pas ce processus frauduleux, pour nous, il est nul, il n'existe pas", a déclaré l'un de ses chefs, Henrique Capriles. Quant au chef du Parlement vénézuélien, Julio Borges, il a estimé que "le gouvernement creusait sa propre tombe". Cette opposition est menée essentiellement par une droite dure, à la stratégie parfois agressive, quand le gouvernement Maduro utilise, lui, une répression féroce. Tous les moyens légaux pour faire se faire entendre et contrer les plans du régime ont été épuisés.
Est-ce que la rue peut encore faire basculer le pays, ou tout du moins encourager le dialogue ? Un appel à manifester à été lancé pour les jours à venir, sachant que 80 % des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon un sondage Datanalisis. 95 % de l'économie du pays provient de l'exportation du pétrole. Alors que l'hyperinflation (au-delà de 700 %) le frappe de plein fouet, et que des pénuries de produits élémentaires se succèdent, le pouvoir chaviste semble de plus en plus isolé, intérieurement et internationalement. Xavier Frère
"La situation est chaotique"
Cesar Briseno, 28 ans est né à Meria, à l'Est du Venezuela. Arrivé à Lyon il y a huit ans pour des études de Science politique à Lyon2, il enseigne les langues à l'école d'ingénieur Cesi. Présent au Venezuela depuis début juillet avec sa famille, il témoigne. "Je n'ai jamais vu mon pays dans cet état.
Depuis mon dernier voyage, en octobre 2016, la misère a explosé. Avec l'inflation, les prix ont été multipliés par 2 500 dans tout le pays. Aujourd'hui, une coupe de cheveux coûte 15 000 bolivar quand le SMIC est à 100 000. Les gens ne connaissent plus la valeur des biens.
À Merida, nous avons passé six jours enfermés dans notre quartier par les colectivos, des groupes paramilitaires qui appuient le gouvernement. L'opposition demande es ravitaillements. J'ai pu sortir quelques minutes : on dirait une ville en guerre. On ne peut plus circuler en voiture ou à pied et partout, des "guarimbas" (barricades) ont été montés par l'opposition. Les gens coupent des arbres de 4 mètres pour bloquer les rues.
Les violences sont répétées, que ce soit du côté du gouvernement ou des résistants. Tous les jours, on assiste à es vagues d'arrestations massives de la part du gouvernement, sans passer par un procès. Le Venezuela n'est plus un état de droit.
Dans la ville, les commerces et les universités ont fermé. Aujourd'hui, l'insécurité a explosé, on ne peut plus sortir avec un portefeuille ou un portable. L'élection ? Merida est une ville plutôt anti-Maduro. Lors des dernières élections législatives, c'est l'opposition qui l'a emporté. Le gouvernement a interdit à la presse de se rendre dans les lieux de vote. Le gouvernement fait du chantage. Dans mon entourage, beaucoup de personnes travaillent dans le public. Elles ont reçu des sms leur disant qu'elles perdraient leur métier si elles n'allaient pas voter. Beaucoup n'y sont pas allés parce qu'ils avaient peur de sortir. Tous mes amis d'université ont déjà fui". Propos recueillis par Ken Fernandez
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