Franceinfo - le mardi 7 avril 2020
Coronavirus : "Nous nous préparons à un jeudi noir" en France, se désespère une réanimatrice de Bichat
"Nous n'avons pas de traitement, donc il faut éviter de nouveaux patients", martèle Lila Bouadma, membre du Conseil scientifique
La professeure Lila Bouadma, réanimatrice à l'hôpital Bichat, à Paris. (ANNE CHAON / AFP)
Après presque trois semaines de confinement, le gouvernement a appelé lundi 6 avril au soir les Français à ne pas relâcher leurs efforts pour lutter contre le coronavirus qui a fait près de 9 000 morts en France.
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Le week-end ensoleillé a encouragé les Franciliens à braver le confinement au grand désespoir de ceux qui se battent chaque jour pour sauver des vies. "Nous nous préparons à un jeudi noir", a expliqué sur franceinfo la professeure Lila Bouadma, membre du Conseil scientifique et réanimatrice à l'hôpital Bichat, à Paris.
De nombreux Français sont sortis ce week-end. Qu'en pensez-vous ?
Lila Bouadma : Nous avons eu un tout petit peu moins de malades cette fin de semaine par rapport à ce que nous avons eu les semaines précédentes. Mais le nombre de malades que nous avons admis était considérable. C'est une toute petite respiration. Ce qu'on a constaté ce week-end sur les télévisions [plus de gens dans la rue] était désespérant.
Quand on a vu les gens dans la rue on a compté les jours. Puisque le temps d'incubation est d'environ cinq jours, nous nous préparons à un jeudi noir.à franceinfo
Il va probablement se passer ce qui s'est déjà passé dans nos services : des admissions nombreuses de patients alors que nous sommes pleins de patients qui sont atteints du Covid, que notre service est plein, que le ratio d'entrants et de sortants est toujours positif. Il y a toujours plus d'admissions que de sorties. Il nous paraît difficile de faire face à ce nouvel afflux de patients. Donc, le mot d'ordre c'est confinement tant que nous n'aurons pas réussi à écluser tous les patients qui sont dans nos services, à les soigner correctement, à reconstituer le stock de médicaments, de protections. Nous n'avons pas de traitement, donc il faut éviter de nouveaux patients.
Souhaitez-vous un durcissement du confinement ?
Quand on voit ce qui ce qui s'est passé ce week-end, on a très envie que le gouvernement durcisse ses mesures. Nous ne pouvons pas faire face à un nouvel afflux de patients. C'est impossible. Il y a des malades dans tous les services de l'hôpital.
Il faut vraiment que les gens soient civiques pour se protéger les uns les autres parce que nous ne saurons pas les soigner tous, les soigner bien. Nous sommes fatigués et le virus ne se fatigue pas. Il tue, il tue et nous ne savons pas quoi faire.
Plusieurs maires veulent imposer le port du masque dans les rues. Est-ce une bonne chose ?
Ce n'est pas la panacée de mettre un masque tous les jours, ce n'est pas si simple que ça, l'enlever c'est encore moins simple. Ce qui est simple c'est la distanciation sociale. Si vous êtes à distance d'un individu vous n'attraperez pas le coronavirus. C'est ça qu'il faut dire. C'est pour ça que le confinement a été mis en place. S'il y avait une mesure magique qui est de mettre un masque cela aurait déjà été fait, mais ce n'est pas le cas. Je sais d'expérience que le masque n'est pas la panacée. On ne peut pas s'empêcher de mettre sa main sur la figure, de l'enlever.
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