Franceinfo - le mercredi 15 août 2018
Ce que l'on sait du pont Morandi, qui s'est effondré à Gênes
L'écroulement de ce viaduc autoroutier a fait au moins "une trentaine de morts" mardi, selon le ministère de l'Intérieur
Une portion du pont Morandi (ou viaduc du Polcevera) s'est effondrée, le 14 août 2018, à Gênes (Italie). (ANDREA LEONI / AFP)
Une longue portion de l'autoroute A10 s'est effondrée, mardi 14 août, à Gênes, dans le nord de l'Italie, faisant au moins "une trentaine de morts", selon le ministère de l'Intérieur italien. La société Autostrade per l'Italia, qui exploite les autoroutes italiennes, affirme ne détenir "aucun document faisant état d'un quelconque danger" concernant le pont Morandi. Mais en Italie, après le drame, les critiques, nombreuses, rappellent les multiples opérations de rénovation et de réparation qui ont émaillé l'histoire de ce pont, inauguré en 1967.
De quand date ce pont ?
Le pont Morandi porte le nom de l'ingénieur civil italien Riccardo Morandi, qui l'a conçu. Il est aussi appelé le viaduc de Polcevera et, parfois, le "ponte delle Condotte", du nom de la Società Italiana per Condotte d'Acqua, la "Condotte", l'entreprise historique de travaux publics qui était chargée de sa construction, entre 1963 et 1967. Il a été inauguré le 4 septembre 1967.
Comment est-il construit ?
En raison du relief très accidenté de la région, entre mer et montagne, le parcours de l'Autoroute des fleurs (A10) relie Vintimille, à la frontière française, à Gênes. Il est jalonné de longs viaducs et de tunnels. Le pont Morandi, qui mesure 1 102 mètres de long, est l'un d'eux. C'est un pont à haubans, dont le tablier (où passe la route), soutenu par des câbles, se situe à une cinquantaine de mètres au-dessus du sol. Le viaduc est soutenu par six piles en forme de V et trois haubans, dont les piliers culminent à 90 mètres. Ses câbles sont faits de brins d'acier recouverts de béton.
Le viaduc est bâti grâce à deux techniques principales : du béton armé classique pour les piles et les piliers et du "béton précontraint" pour le tablier, comme de nombreux ponts du XXe siècle, ce qui lui permet de mieux résister au passage des véhicules sur le tablier. Riccardo Morandi avait d'ailleurs mis au point sa propre technique de précontrainte, baptisée "Morandi M5", utilisée pour ce pont et deux autres dans le monde : en Libye et au Venezuela.
Avait-il des faiblesses connues ?
Interrogé sur un éventuel problème de sécurité du pont Morandi, le PDG d'Autostrade per l'Italia, qui exploite les autoroutes italiennes, Giovanni Castellucci, a affirmé ne détenir "aucun document faisant état d'un quelconque danger".
Mais l'ouvrage n'était pas exempt de faiblesses. Depuis son inauguration à la fin des années 1960, le viaduc a dû subir plusieurs phases de rénovation et d'entretien. "Après vingt-cinq ans de service, de nombreuses parties du pont présentaient des dégâts graves", selon les travaux de Pier Giorgio Malerba, de l'Ecole polytechnique de Milan (en anglais, page 466), notamment des "traces de corrosion".
Selon un ingénieur interrogé par le site spécialisé ingegneri.info (en italien), c'est en fait dès son inauguration, en 1967, que "le viaduc a présenté plusieurs aspects problématiques, en plus de coûts de construction plus élevés que ce qui avait été estimé". Antonio Brencich, professeur agrégé en structures de béton à la faculté d’ingénierie de Gênes, décrit notamment un défaut : la "mauvaise évaluation du fluage du béton", c'est-à-dire des déformations différées du matériau de base du pont. "La route n'était pas horizontale", poursuit l'ingénieur. Les automobilistes qui l'empruntaient ressentaient les creux et les bosses provoquées par cette défaillance.
Y avait-il eu des travaux de sécurisation ?
Au début des années 1990, des câbles d'acier ont été ajoutés à la pile la plus proche du centre-ville de Gênes, afin d'en renforcer la structure. Et au début des années 2000, de nouvelles "opérations de réfection des câbles de suspension si caractéristiques de l’ouvrage, attaqués par la corrosion", ont été entreprises, selon Le Monde. Depuis, le viaduc a bénéficié de nombreuses autres interventions. En 2016, d'importants travaux ont à nouveau été entrepris pour sécuriser l'ensemble de la structure en béton. Selon la société italienne des autoroutes Atlantia, des "travaux de consolidation" étaient d'ailleurs "en cours sur la base du viaduc".
Mardi, le vice-ministre des Infrastuctures Edoardo Rixi s'est montré très pessimiste sur l'avenir de l'ouvrage. "Tout le pont Morandi devra être démoli", a-t-il déclaré selon l'agence de presse italienne Ansa, prévoyant de graves conséquences pour la circulation et pour la ville de Gênes dans son ensemble.
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