Franceinfo - le mercredi 23 janvier 2019
RECIT. "Je n'arrive pas y croire" : des adieux à ses coéquipiers jusqu'à sa disparition, le dernier séjour d'Emiliano Sala à Nantes
L'attaquant argentin a disparu en mer alors qu'il rejoignait son nouveau club de Cardiff en avion
Un supporter brandit une photo dédicacée d'Emiliano Sala à Nantes (Loire-Atlantique), le 22 janvier 2019. (LOIC VENANCE / AFP)
Avant de disparaître en mer, Emiliano Sala a passé quelques heures avec son ancienne équipe. Car pour lui, pas question de quitter le FC Nantes pour Cardiff sans dire au revoir à ses coéquipiers. Vendredi 18 janvier, après avoir bouclé sa visite médicale et signé son contrat de trois ans et demi avec son nouveau club, il décide donc de revenir une dernière fois dans la ville qui a fait de lui son "chouchou". Le joueur de 28 ans atterrit à l'aéroport de Nantes-Atlantique dans le week-end, en provenance de la capitale galloise.
Il était impensable qu'il ne leur dise pas au revoir. Cette notion de groupe est fondamentale dans la vie d'Emiliano.à "L'Equipe"
Parti à la va-vite de France pour finaliser son transfert avec l'actuel 18e de Premier League, il doit récupérer ses dernières affaires et "placer Nala, la femelle labrador aimée dans un refuge provisoire", détaille L'Equipe (article payant).
L'équipe réunie pour une photo
Il pose ses affaires chez son ami Nicolas Pallois. Le défenseur et l'attaquant se connaissent depuis Niort et Bordeaux où ils ont joué tous les deux il y a quelques années. Lundi, "Emi", comme on le surnomme, débarque au centre d'entraînement de la Jonelière. Il fait le tour des bureaux. L'accueil, le service administratif, la direction. Sourires, embrassades, poignées de main, et éclats de rires malgré la nouvelle défaite du FC Nantes la veille à Angers (1-0). L'Argentin raconte à quelques-uns sa joie de commencer sa nouvelle vie en Premier League par un match sur la pelouse d'Arsenal, mardi 29 janvier. Il a d'ailleurs dans un coin de sa tête l'entraînement, son tout premier avec les couleurs de Cardiff City, qui a lieu le lendemain après-midi.
A l'heure de la pause déjeuner, lundi, l'Argentin poste sur ses comptes Twitter et Instagram la même photo. Prise quelques minutes plus tôt, elle le montre tout sourire, pull à capuche noir sur le dos où il est écrit "be cool, be nice" ("sois cool, sois sympa"). Il est entouré de ses anciens coéquipiers nantais. A sa gauche, Valentin Rongier. A sa droite, Abdoulaye Touré. Le message est accompagné d'émoticônes en forme de cœur, et de ce mot : "la ultima". "La dernière."
"Qu'est-ce que j'ai peur !"
Emiliano Sala quitte le centre d'entraînement dans l'après-midi. Nicolas Pallois lui propose de l'accompagner à l'aéroport de Nantes. Pendant le trajet, il confie déjà ses craintes quant à la sécurité du vol, ayant déjà emprunté le même avion pour son trajet Cardiff-Nantes à l'aller. Pas de quoi entamer sa joie de rejoindre le club gallois. Peu avant de décoller, il appelle sa mère, Mercedes Sala, en Argentine. "Il était très heureux, au meilleur moment de sa carrière", raconte-t-elle sur la chaîne C5N.
A l'aéroport, deux pilotes se présentent pour conduire l'attaquant à Cardiff, d'après 20 Minutes. "Le plus expérimenté d'entre eux n'est finalement pas monté à bord", croit savoir le site. Vers 20 heures, Emiliano Sala embarque enfin à bord du Piper PA-46 Malibu, un petit appareil de tourisme monomoteur, et s'envole pour la capitale galloise. Il avait "pris ses propres dispositions" pour ce vol, assure le président de Cardiff Mehmet Dalman. Il envoie un premier message à Nicolas Pallois. "Si on me cherche, tu sauras où me trouver…" écrit-il, comme le rapporte L'Equipe. Son message est ponctué d'émojis de vagues et de rires.
Mais le rire laisse rapidement place à la peur. Il confie son angoisse dans un message vocal envoyé à ses proches. "Je suis dans l'avion, on dirait qu'il va tomber en morceaux, et je pars pour Cardiff", souffle-t-il, comme le diffuse le journal argentin Clarin (en espagnol), qui assure que l'enregistrement a été authentifié par le père du joueur, Horacio Sala. "Si dans une heure et demie vous n'avez plus de nouvelles de moi, je ne sais pas si on va envoyer des gens pour me rechercher, parce qu'on ne va pas me trouver, sachez-le. Qu'est-ce que j'ai peur !"
Quelques minutes après le décollage à 20h23, alors que l'avion survole les îles anglo-normandes de Jersey et de Guernesey, le contrôle aérien de l'île de Jersey, dans la Manche, signale qu'un appareil Piper Malibu a disparu des radars. Il précise que l'avion, qui volait dans un premier temps à 5 000 pieds (environ 1 500 m), avait demandé à descendre et évoluait à 2 300 pieds au moment de la perte de contact.
Les recherches lancées dès lundi soir
Rapidement, la police de Guernesey déclenche une opération de sauvetage au large d'Aurigny, une île située au nord-ouest de Guernesey. Pendant plusieurs heures, deux hélicoptères et plusieurs bateaux s'engagent dans les recherches. Vers 23 heures, les autorités françaises sont informées de l'incident. Mais les secours doivent interrompre leurs recherches face aux "vents de plus en plus forts" et aux "conditions difficiles en mer". Sur le continent, les proches s'inquiètent. "Nicolas Pallois renvoie un message à son ami, histoire de s’assurer de sa bonne arrivée. Les rires et l’émoticône sous-marin sont de sortie", raconte L'Equipe.
Mardi, les recherches reprennent dès 9 heures sous la direction des garde-côtes de Guernesey. Britanniques et Français agissent de pair contre le temps avec cinq avions ou hélicoptères et deux bateaux de sauvetage. Les autorités britanniques appellent également "tous les terrains d'aviation du sud de l'Angleterre pour savoir si [l'avion] y [a] atterri", indique la police de Guernesey. A midi, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) annonce au public qu'Emiliano Sala était à bord de l'appareil.
Après quinze heures d'observation d'une zone de plusieurs centaines de kilomètres carrés, les opérations s'interrompent une nouvelle fois en fin de journée. La police de Guernesey, qui compte reprendre les recherches au lever du soleil mercredi, souligne qu'"aucune trace des personnes à bord" n'a été trouvée et que les chances de survie sont "minces" en cas d'amerrissage de l'appareil.
"Malheureusement, nous craignons le pire", avance John Fitzgerald, directeur général de l'agence de secours maritime Channel Islands Airsearch. S'il est tombé, "l'avion a dû se briser, auquel cas il n'y a pas d'espoir". De plus, "la température de l'eau est si froide en ce moment que s'ils se trouvaient dans l'eau, le froid les aurait maintenant gravement affectés", ajoute-t-il.
"Espérons que tout finisse bien"
Face à ces nouvelles, proches, coéquipiers et fans se rongent les sangs. "C'est désespérant, je ne peux pas le croire, souffle le père du footballeur, mardi. Je n'ai pas de mots, mon fils, c'est tout pour moi. Espérons que tout finisse bien."
Sur les réseaux sociaux, ses ex-coéquipiers et entraîneurs partagent leur émotion. Yacine Bammou, attaquant de Caen qui a porté le maillot des Canaris aux côtés d'Emiliano Sala, garde espoir : "Je n'arrive pas à y croire. Je suis dans l'attente (…). Je l'ai appelé ce matin sur WhatsApp. Ça a sonné quand même, parce que c'est une application, mais il n'y a pas eu de réponse", raconte-t-il à L'Equipe.
Les fans se réunissent à Nantes mardi soir. Ils sont des centaines à exprimer leur tristesse en déposant des fleurs place Royale, comme le montre 20 Minutes.
Mardi, les enquêteurs détectent des débris dans la mer. "Nous ne pouvons pas confirmer qu'il s'agit de l'avion disparu", précise la police de Guernesey. Plusieurs hypothèses sont encore envisagées, les sauveteurs espérant encore retrouver les deux passagers réfugiés sur le radeau de sauvetage qui se trouvait dans l'appareil.
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