Franceinfo - le mardi 12 février 2019
Pour une youtubeuse victime de la "Ligue du LOL", "voir qu'il y a des sanctions, c'est un signal pour dire qu'il n'y a plus d'impunité"
La youtubeuse scientifique Florence Porcel a témoigné, mardi sur franceinfo, du harcèlement dont elle a été victime par certains membres de la "Ligue du LOL"
Plusieurs membres de la "Ligue du LOL", un groupe d'hommes ayant depuis accédé à des postes à responsabilité dans les médias, ont été suspendus par leur rédaction pour l'avoir harcelée, elle et des dizaines d'autres personnes sur internet. La youtubeuse scientifique Florence Porcel a témoigné, mardi 12 février sur franceinfo.
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franceinfo : Comment s'est concrétisé le harcèlement ?
Florence Porcel : C'était au tout début de mon arrivée sur Twitter, fin 2009 début 2010. Ça a commencé par des tweets malveillants, injurieux, insultants, de manière ciblée et répétée. Ensuite il y a eu des photomontages à caractère pornographique. Puis quelques-uns d'entre eux sont venus m'intimider physiquement, dans la vraie vie. Ça s'est terminé par un canular téléphonique qui a été mis en ligne.
Quel était ce canular ?
C'est quelqu'un qui s'est fait passer pour Laurent Bon, le producteur du "Petit Journal", qui me proposait une place à la saison suivante. Je travaillais sur France 5, j'étais co-animatrice d'une émission et intermittente. Je ne savais donc pas du tout si j'allais avoir du travail l'année suivante. Forcément, c'est une situation délicate. J'ai voulu y croire un petit peu. Puis ce canular a été mis en ligne et là j'ai compris que c'était un piège. Ce n'est pas très agréable.
Pourquoi vous en voulaient-ils ?
Il n'y a pas que moi. Il y a des dizaines de personnes. Et c'est à eux qu'il faut demander, parce que nous n'avons pas la réponse. Je savais que je n'étais pas la seule. Il y avait quelques personnes que j'avais parfaitement bien identifiées. Par contre, je n'imaginais pas l'ampleur du phénomène, parce qu'on est plusieurs dizaines. J'ai découvert ça ce week-end, c'est assez ahurissant.
Comment avez-vous vécu et traversé cette période ?
Je l'ai mal vécu, forcément. Ça nous met dans un état de tension permanent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Chaque jour, on se demande quand est-ce que ça va tomber, sous quelle forme. C'est très éprouvant nerveusement, c'est éprouvant moralement, psychologiquement, ça fatigue. C'est vraiment une tension qui ne s'arrête jamais. On se demande jusqu'où ça va aller et quand ça va s'arrêter.
L'homme qui a réalisé ce canular a fini par le reconnaître et vous a demandé pardon. Acceptez-vous ses excuses ?
Il m'a envoyé un mail d'excuses. J'ai accepté ses excuses en lui demandant de faire des excuses publiques, ce qu'il a fini par faire. Je ne lui ai pas parlé, c'est physiquement impossible. Déjà par mail, c'était assez éprouvant, mais je suis contente qu'on ait échangé.
Cet homme a été suspendu par son journal, comme quatre autres membres ou anciens membres de cette "Ligue". Est-ce que cela vient réparer un peu ce que vous avez vécu ?
Oui, je pense que c'est un bon signal. Ce qui est insupportable dans ce genre de situation, c'est l'impunité totale que ressentent les harceleurs et les agresseurs. Voir qu'il y a des sanctions, ou en tout cas des actes concrets, c'est un message, un signal envoyé aux futurs agresseurs ou harceleurs pour dire qu'il n'y a plus d'impunité.
Pourquoi à l'époque n'avez-vous pas porté plainte ?
Je ne savais pas qui était derrière le canular. La plupart des gens étaient sous pseudonyme ou anonymes. Porter plainte contre plusieurs personnes dont on n'a pas les noms de famille, c'est très compliqué. Encore une fois on est quand même assez isolé. Je n'avais pas les épaules pour supporter un cyber-harcèlement qui ne manquerait pas d'arriver après une éventuelle plainte. C'est une double peine, ce n'est pas possible.
Marlène Schiappa, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, a dit qu'elle était prête à changer la loi sur la prescription de ces affaires de harcèlement. Y êtes-vous favorable ?
Oui, c'est même moi qui l'ai interpellée. Elle m'a répondu, je l'en remercie. J'espère qu'elle va effectivement en parler à la ministre de la Justice comme elle me l'a proposé.
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