Franceinfo - le vendredi 10 mai 2019
La Corée du Nord annonce un essai de frappe "à longue portée"
Officiellement, la Corée du Nord n'avait pas procédé à un tir de missile depuis le 29 novembre 2017. Elle avait alors testé un engin balistique intercontinental capable, selon elle, d'atteindre le territoire américain
Image diffusée par l'agence de presse officielle nord-coréenne, le 10 mai 2019, montrant un tir par l'Armée populaire de Corée, la force armée de la Corée du Nord, le 9 mai. (KCNA VIA KNS / AFP)
Les relations entre Pyongyang et Washington traversent de nouveau une zone de turbulences. La Corée du Nord a annoncé, vendredi 10 mai, avoir procédé à un essai de frappe "à longue portée", au lendemain de la saisie par la justice américaine d'un cargo nord-coréen, accusé d'avoir violé les sanctions internationales en exportant du charbon et en important des machines. Cet essai nord-coréen a eu lieu au moment même où Stephen Biegun, représentant spécial américain pour la Corée du Nord, était en visite à Séoul (Corée du Sud).
"Le leader suprême Kim Jong-un a pris connaissance d'un plan pour mener un exercice (...) à l'aide de plusieurs moyens de frappe à longue portée, et a donné l'ordre de procéder à l'exercice", a rapporté l'agence officielle nord-coréenne, KCNA, sans préciser le type d'armes testé et se gardant notamment d'employer le mot "missile". L'annonce de Pyongyang contredit des informations de l'armée sud-coréenne, selon qui les armes testées sont deux missiles à courte portée qui ont parcouru respectivement 270 et 420 kilomètres.
Un premier tir officiel depuis novembre 2017
Le président américain, Donald Trump, a assuré étudier "très sérieusement" la situation. Le dirigeant, qui d'habitude insiste inlassablement sur la qualité de ses relations avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, s'est ouvertement interrogé sur sa volonté de négocier sérieusement sur la dénucléarisation de la péninsule. "Personne n'est content de ce qui s'est passé", a-t-il affirmé, en évoquant lui aussi des "missiles de courte portée". "La relation se poursuit, mais nous verrons", a-t-il ajouté, affirmant avoir le sentiment que les Nord-Coréens n'étaient pas véritablement "prêts à négocier".
Officiellement, la Corée du Nord n'a pas procédé à un tir de missile depuis le 29 novembre 2017. Elle avait alors testé un engin balistique intercontinental, capable, selon elle, d'atteindre le territoire américain. Mais selon des experts, plusieurs projectiles ont déjà été tirés samedi, dont un missile de courte portée.
Le président sud-coréen, Moon Jae-in, a averti que les tirs de jeudi "pourraient rendre les négociations plus difficiles" avec les Etats-Unis sur le nucléaire. Cet essai intervient dans un contexte de défiance croissante depuis le sommet de Hanoï, en février, entre Donald Trump et Kim Jong-un, qui s'est soldé par un désaccord. Le leader nord-coréen réclamait une levée des sanctions trop importantes aux yeux de Donald Trump, en échange d'un début de dénucléarisation.
La Corée du Nord à nouveau touchée par la famine
Tous les jours, dans "Un monde d’avance", un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée sous les radars. Aujourd’hui, direction la Corée du Nord où 40% de la population souffrent de malnutrition
Des personnes en train de planter du riz dans un champ, à la périphérie de Kaesong, en Corée du Nord, le 2 juin 2017. (ED JONES / AFP)
Le rapport de l’ONU (publié le 3 mai) est saisissant : dix millions de Nord-Coréens, soit 40% de la population, souffrent de malnutrition. C’est énorme. Les experts du Programme alimentaire mondial (PAM) se sont rendus sur place en avril, dans ce pays, qui rappelons-le, est l’un des plus fermés au monde et le dernier, sans doute, à se revendiquer explicitement du communisme. Les rations alimentaires distribuées par le pouvoir ont été diminuées d’un quart : 300 grammes par personne et par jour, contre près de 400 grammes il y a un an. Cela veut dire que bon nombre de Nord-Coréens ne mangent plus de protéines : ils se contentent de riz, de chou, et de kimchi, ce plat national constitué de piments et de légumes fermentés.
L’explication est simple : les récoltes ont été catastrophiques lors des 12 derniers mois : les pires depuis dix ans. Les principales ressources agricoles (le riz, les pommes de terre et les fruits) ont toutes vu leur production diminuer à cause d’un mélange d’événements climatiques : sécheresse en été, froid sec en hiver et déficit général de pluviométrie. Selon l’ONU, la situation devrait encore se dégrader pendant les mois d’été qui arrivent. Les jeunes enfants et les femmes enceintes sont particulièrement menacés par cette famine.
Une aide internationale très insuffisante
Ce n’est pas la première fois que cela se produit en Corée du Nord : dans les années 90, la famine (déjà) avait fait des centaines de milliers, voire des millions, de morts dans le pays. La situation est encore plus compliquée aujourd’hui car la Corée du Nord est sous sanctions internationales en raison de son programme nucléaire. Par exemple elle ne peut pas exporter son charbon et ne peut quasiment pas importer de pétrole. Il faut donc des dérogations humanitaires pour contourner ce régime de sanctions. Les programmes de l’ONU aident déjà 700 000 femmes et enfants et 500 000 agriculteurs en distribuant des aliments protéinés et du matériel agricole (fertilisants, pompes à eau). Mais cela est très insuffisant : ces programmes permettent de fournir 200 000 tonnes de céréales à la Corée du Nord mais il en faudrait sept fois plus pour pallier les manques. Si rien n’est fait rapidement, la famine pourrait donc tuer à brève échéance. Après ce rapport très alarmant, il est probable qu’un allègement des sanctions soit demandé par les alliés de la Corée du Nord, la Chine et la Russie.
Les missiles avant la nourriture
Et pendant ce temps, le leader nord-coréen, Kim Jong-un ne fait pas grand-chose. Ce n’est pas vraiment son sujet. Après le récent échec de la nouvelle réunion de négociations avec Donald Trump, l’agence officielle nord-coréenne a même eu cette formule : "Nous ne céderons pas, quitte à ne plus nous nourrir que d’air et d’eau ! " Tout est dit. Et donc, ce week-end des 4 et 5 mai, après la publication de ce rapport de l'ONU, que faisait Kim ? Il a assisté à deux nouvelles séances de tirs de missiles courte portée. Une façon très claire d’exprimer son refus de renoncer à son programme nucléaire. Et il cherche des soutiens ailleurs : il a rencontré le Russe Vladimir Poutine il y a deux semaines, et devrait accueillir le Chinois Xi Jinping prochainement. Famine ou pas.
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