Franceinfo - le dimanche 21 juillet 2019
Vers un renouveau politique en Ukraine ? Après l'élection surprise d'un président-comédien, on vous présente les principaux partis pour la bataille des législatives
Dans la lignée de la victoire de l'acteur Volodymyr Zelensky lors de la présidentielle, l'Ukraine connaît un nouveau scrutin avec les législatives, dimanche. L'occasion de faire connaissance avec les forces en présence
Va-t-il transformer l'essai ? Trois mois après son triomphe à la présidentielle, l'ancien comédien Volodymyr Zelensky peut s'installer un peu plus confortablement à la tête du pays. Les Ukrainiens sont appelés aux urnes pour élire les 450 députés de la Rada, le nom du Parlement, dimanche 21 juillet.
Entre les nouveaux visages et les ténors qui caressent l'espoir de prendre leur revanche, les cinq forces en tête des sondages témoignent d'une grande disparité. On vous dresse les profils des principaux partis en lice.
Serviteur du peuple, le parti de la surprise Volodymyr Zelensky
En empruntant son nom, Sluha Narodu (Serviteur du peuple, en ukrainien), à la série télévisée dans laquelle Volodymyr Zelensky, alors comédien, jouait un professeur d'histoire devenu président, ce nouveau parti se veut proche de la population. Au point de proposer aux Ukrainiens de soumettre leurs candidatures pour intégrer la liste, montée dans la plus grande précipitation au mois de mai.
Le directeur de campagne de Sluha Narodu assure avoir reçu plus de 20 000 dossiers, dont une partie via la plateforme "Lift" conçue par l'équipe de Volodymyr Zelensky. Objectif : permettre aux "gens ordinaires d'accéder aux postes à responsabilité sans faire partie des élites". Ainsi, dans cette liste, pas de traces d'anciens ou actuels députés de la Rada, mais on n'y trouve pas, pour autant, de "gens ordinaires". Il s'agit principalement d'avocats renommés, de personnalités du monde des médias et de la culture, de sportifs et d'entrepreneurs. Quant au programme de Sluha Narodu, il est basé sur les principales promesses de la campagne présidentielle de Volodymyr Zelensky, notamment la lutte contre la corruption, les réformes judiciaires et le rapprochement avec l'UE, ainsi qu'avec l'Otan. De quoi, a priori, séduire les électeurs puisque le parti est crédité d'un score compris entre 42 et 50% d'intentions de vote*, selon les trois principaux instituts de sondages ukrainiens.
Plateforme d'opposition-pour la vie, les nostalgiques de Viktor Ianoukovitch
Cinq ans après la révolution de Maïdan, qui a chassé du pouvoir (et du pays) l'ex-président pro-russe Viktor Ianoukovitch, condamné en janvier par contumace à treize ans de prison pour "haute trahison", les anciens membres de son parti espèrent une revanche. La "Plateforme d'opposition-pour la vie" prône l'autonomie des régions de Donetsk et Luhansk, le rapprochement avec Moscou et la promotion de la langue russe.
Une proximité du parti avec la Russie d'autant plus évidente que Viktor Medvedchuk, troisième sur la liste, ne cache pas ses liens avec Vladimir Poutine, allant jusqu'à écrire sur sa page Facebook : "Deux peuples frères ne peuvent pas vivre dans l'hostilité." Cette proximité n'est pas qu'idéologique puisque sa fille n'est autre que la filleule du leader russe.
Avec un score entre 10 et 13% d'intentions de voix*, le parti arrive en deuxième position, mais risque de rester très isolé au Parlement. Plateforme d'opposition-pour la vie représente l'ancienne classe politique, liée à de nombreux scandales de corruption et à la grande finance : 4 des 10 premiers noms de la liste ont figuré au cours des dernières années parmi les 100 plus grandes fortunes d'Ukraine.
Solidarité Européenne, le renouveau de Petro Porochenko
Après son échec lors de la présidentielle pour un second mandat face à Volodymyr Zelensky, Petro Porochenko souhaite jouer le match retour. L'ex-président ukrainien a donc changé l'image et le nom de son parti Solidarnist (Solidarité) devenu Evropeiska Solidarnist (Solidarité européenne), pour entériner l'une des mesures les plus marquantes de sa présidence, le régime sans visa avec l'UE.
Les 10 premiers noms de la liste représentent les autres domaines où Petro Porochenko se voit fort et sur lesquels se base son programme : on y trouve des anciens soldats ayant combattu dans l'est du pays, des leaders de la communauté tatare de Crimée en exil depuis l'annexion de la péninsule par la Russie, ainsi que des activistes de la révolution de Maïdan. Petro Porochenko célèbre son héritage, mais corrige ses erreurs : tandis que pendant son mandat on lui reprochait souvent de ne pas quitter sa tour d'ivoire, ses pages sur les réseaux sociaux sont désormais parsemées de selfies avec ses militants et d'images de bains de foule. Pas suffisant toutefois pour susciter un engouement populaire puisque sa liste ne rassemble qu'entre 7 et 9% des intentions de vote*.
Voix, le show du "Johnny ukrainien"
Le parti Holos (Voix) créé en mai 2019 par le chanteur de rock le plus connu d'Ukraine, Sviatoslav Vakarchuk, leader du groupe Okean Elzy, a explosé ses deux derniers mois. Les trois instituts de sondages ukrainiens le créditent d'un score évalué entre 4 et 9%*. Lors de la présidentielle, des rumeurs circulaient déjà sur les ambitions politiques de l'artiste, qui peut se vanter d'une petite expérience au sein du Parlement.
En effet, Sviatoslav Vakarchuk a été député pendant près d'un an (de novembre 2007 à septembre 2008) au sein du parti de l'ex-président et leader de la Révolution Orange Viktor Iouchtchenko. Holos promet d'éradiquer l'oligarchie, la corruption, d'apporter la paix à l'est de l'Ukraine et de réformer le système judiciaire.
Capable de rassembler des stades entiers, Sviatoslav Vakarchuk n'a pas cherché loin, et a mené sa campagne à travers les concerts de son groupe donnés dans toutes les grandes villes ukrainiennes. Toutefois, même s'il porte une philosophie du renouvellement politique identique à celle du parti de Zelensky, il écarte toute possibilité de coalition avec Serviteur du peuple.
La Patrie, le retour de l'infatigable Ioulia Timochenko
Face à un nombre record de nouveaux noms sur les listes de ses rivaux, Ioulia Timochenko a, quant à elle, décidé de jouer la carte de l'expérience : "Depuis vingt ans, l'équipe qui ne vous a pas trahis", rassure-t-elle à travers l'un de ses slogans de campagne. L'infatigable ténor de la politique ukrainienne peine toutefois à faire décoller son parti, Batkivchina (La Patrie) mais se prévoit déjà une place en or au Parlement. Les derniers sondages lui accordent entre 6 et 7% des voix*.
Faute des 50% nécessaires pour former la majorité absolue, le parti de Zelensky sera obligé de chercher un partenaire pour former une coalition. Ce scénario ne semblant pas probable avec les trois autres leaders politiques, sa seule chance pourrait bien être Timochenko, qui s'est déjà dit ouverte à une alliance.
* Sources : institut Razoumkov, institut Raiting, institut KMIS, juillet 2019
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