Franceinfo - le lundi 17 février 2020
La réforme des retraites arrive à l'Assemblée : à quoi faut-il s'attendre dans les prochaines semaines ?
Les députés vont se pencher sur le projet de loi ordinaire instituant un système universel de retraites à points. Alors que la majorité a fixé un calendrier serré, l'opposition prévoit déjà de livrer bataille à coup
d'amendements
L'Assemblée nationale, à Paris. (THIERRY THOREL / NURPHOTO / AFP)
Cette fois, le projet de réforme des retraites entre dans le vif du sujet. Le texte arrive en séance à l'Assemblée nationale, lundi 17 février, pour un examen qui s'annonce déjà long et fastidieux. Submergée par 22 000 amendements, la commission spéciale avait déjà échoué à terminer ses travaux. Cette fois-ci, ce sont plus de 40 000 amendements qui ont déjà été déposés. Franceinfo résume le calendrier des prochaines semaines.
Les députés ont 65 articles à examiner
Avant de se pencher sur le volet organique du texte, qui prévoit l'encadrement financier de la réforme, les députés vont d'abord examiner les 65 articles du projet de loi ordinaire. Celui-ci définit le futur système universel à points et le passage d'un régime à l'autre. Fait inédit, la commission spéciale sur les retraites chargée de travailler sur le texte n'a pas été en mesure d'achever ses travaux. Après 75 heures de dialogue de sourds, seuls 5 000 amendements ont été examinés sur les 22 000 déposés au total, notamment par La France insoumise.
Comme le prévoit l'article 42 de la Constitution, c'est donc la version initiale du gouvernement qui est examiné par les députés à partir de lundi. Ainsi, les 21 amendements adoptés en commission devront de nouveau être soumis au vote, comme la hausse de salaire des enseignants, un abattement sur les cotisations des professions indépendantes ou une majoration de points pour les parents ayant élevé des enfants handicapés.
Quinze jours de débat à l'Assemblée sont prévus
Le texte fait l'objet d'une procédure accélérée, ce qui signifie qu'il n'y aura qu'une seule lecture dans chacune des chambres du Parlement, à l'Assemblée puis au Sénat. Quinze jours de débats sont déjà prévus au Palais Bourbon – soit 84 heures – mais face à l'ampleur de la tâche, une troisième semaine pourrait être nécessaire pour mener à bien l'examen du texte. Le "tir n'est jamais sûr", a reconnu le président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM).
Le gouvernement, représenté par le secrétaire d'Etat Laurent Pietraszewski et le nouveau ministre Olivier Véran, table toujours sur une adoption en première lecture avant les municipales dans un mois, mais les délais risquent d'être difficiles à tenir. "Je crois que le calendrier dans lequel on est enfermé n'est pas tenable", a par exemple déclaré le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. Malgré ces interrogations, la majorité espère toujours que le feu vert définitif au projet soit apporté "d'ici l'été" sur les deux textes (ordinaire et organique).
Nous parlons de cette réforme depuis plus de deux ans. Je crois que les Français souhaitent que nous avancions, même si tout n’est pas calé à la virgule près.dans "La Croix"
Le texte devrait ensuite être examiné au Sénat après les municipales, fin avril ou début mai.
Le gouvernement va recourir à des ordonnances
Afin de mettre en œuvre son programme, le gouvernement devrait recourir à une trentaine d'ordonnances, prises en Conseil des ministres et signées par Emmanuel Macron. Ces actes permettent au gouvernement de contourner le débat parlementaire sur quelques points techniques ou spécifiques, comme les modalités de la transition entre les régimes de base et complémentaires et le futur régime commun.
Mais ces ordonnances annoncées font réagir l'opposition. "Le Conseil d'Etat lui-même dit que le texte est lacunaire, avec 29 ordonnances, a réagi Alexis Corbière, député de La France insoumise. J'ai une haute opinion de ce qu'est un député, et on nous demande de voter à l'aveugle." Déjà interpellé à ce propos, le secrétaire d'Etat chargé des retraites, Laurent Pietraszewski, avait déclaré que "les ordonnances sont l'occasion de débattre deux fois dans cet Hémicycle, une fois dans le contexte des habilitations et une fois dans le contexte des ratifications".
La gauche entend s'opposer au texte
Les trois groupes de gauche – PS, PCF et LFI – dénoncent un "amateurisme coupable" du gouvernement et multiplient les amendements (près de 37 000 à eux trois) pour tenter de ralentir l'examen du texte. Ils songent également à déposer une motion référendaire voire une motion de censure, ce qui pourrait ralentir les débats. Cette lecture menée au pas de course est une "réelle volonté de passage en force de la majorité avec une procédure accélérée" engagée par le gouvernement le 24 janvier, déplore de son côté Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône interrogé par franceinfo.
Le Parti socialiste, lui, a déjà utilisé son "droit de tirage" pour demander la mise en œuvre d'une commission d'enquête sur l'étude d'impact. "L'obstruction se poursuit malheureusement. Je le répète : c'est un dévoiement", a déploré pour sa part Marc Fesneau, ministre des Relations avec le Parlement, dans un entretien accordé aux Echos
Le gouvernement n'utilisera pas l'article 49-3
Les responsables de la majorité martèlent qu'un recours au 49-3 – arme de la Constitution qui permet l'adoption sans vote – "n'est pas l'objectif". Certains "marcheurs", toutefois, n'excluent pas cette hypothèse si le débat est "clairement impossible". Afin de dissiper tout malentendu, le secrétaire d'Etat Laurent Pietraszweski a lui-même répété sur France Inter qu'il n'y aurait "pas de 49-3 sur ce sujet-là". Il faut dire qu'un tel terrain est glissant pour la majorité. Un recours au 49-3 est jugé "totalement impensable" par les élus du parti Les Républicains et ce serait même "du délire" pour le numéro un de la CFDT Laurent Berger, interrogé à ce propos sur Radio Classique.
La conférence de financement se poursuit
Le vote de cette réforme est programmé avant les conclusions de la "conférence sur l'équilibre et le financement des retraites". Face à l'opposition des syndicats, le gouvernement avait retiré du projet la mention d'un âge d'équilibre à 64 ans – à ce stade, le texte maintient l'âge de départ légal à 62 ans. Mais un relèvement du seuil n'est pas exclu, puisque la conférence de financement reprend ses travaux mardi 18 février. Les partenaires sociaux et les employeurs ont pour mission de trouver des mesures permettant d'assurer l'équilibre financier du futur système à l'horizon 2027. Contrairement aux députés, les sénateurs auront connaissance de ces travaux lors de l'examen du projet car les conclusions de la conférence sont attendues fin avril.
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