Franceinfo - le mardi 13 février 2018
Johnny Hallyday : l'article à lire pour comprendre la bataille autour de son testament
Mis à jour le
publié le
D'un côté, Laura Smet, soutenue par David Hallyday. De l'autre, Laeticia Hallyday. Le dernier testament du chanteur, rédigé au profit de sa veuve, a déclenché une guerre familiale qui pourrait arriver jusque devant les tribunaux
Laeticia Hallyday et ses filles, Jade et Joy, à côté de Laura Smet et David Hallyday, aux obsèques de Johnny Hallyday, à Paris, le 9 décembre 2017. (LUDOVIC MARIN / AFP)
La photo de famille est déchirée. Deux mois après la mort de Johnny Hallyday, ses enfants Laura Smet et David Hallyday contestent son testament, qui les déshériterait au seul profit de Laeticia, sa dernière épouse. Laura Smet, dans une lettre publiée lundi 12 février, a ouvert la porte à une querelle juridique qui fait voler en éclats l'union sacrée, formée autour du chanteur au cours des derniers mois de sa vie. Mais le contenu du testament n'a été en partie révélé que trois jours plus tard, accompagné de documents prouvant des donations reçues par Laura Smet.
Johnny Hallyday n'a vraiment rien laissé à Laura et David ?
Le contenu précis du testament de Johnny Hallyday n'a pas encore été dévoilé, au moment où les avocats de Laura Smet affirment que le chanteur prévoyait de ne rien lui laisser : "Ni bien matériel, ni prérogative sur son œuvre artistique, ni souvenir – pas une guitare, pas une moto, et pas même la pochette signée de la chanson Laura qui lui est dédiée." Tout doit revenir à Laeticia, Jade et Joy, selon eux.
C'est ce que confirme le document dévoilé jeudi 15 février par RTL et Le Point. "Je ne prends expressément aucune disposition dans ce testament ou dans aucun autre document à l'intention de mes enfants David Smet et Laura Smet, auxquels j'ai déjà fait des donations par le passé", a écrit Johnny Hallyday, selon Le Point, dans un texte présenté comme un testament du chanteur. Selon RTL, la star a précisé que ses deux aînés avaient "déjà reçu leur dû par le passé". Ni Le Point ni RTL ne reproduisent in extenso le document en question.
Selon Le Point toujours, Laura Smet a reçu 442 000 euros en décembre 2003 puis 450 000 euros en février 2007, pour l'aider à acheter deux appartements à Paris. En outre, Laura Smet a perçu quelque 5 000 euros mensuels depuis 2004 de la part de son père. David Hallyday, lui, a reçu, en mars 2002, la moitié d'une luxueuse villa du XVIe arrondissement de Paris, qui appartenait à ses parents, Johnny et Sylvie Vartan. Selon Le Point, cette résidence "serait aujourd'hui estimée à près de 20 millions d'euros". Laura Smet ne conteste pas l'aide reçue pour acheter un appartement, ni l'argent versé chaque mois, mais répond, vendredi 16 février, dans un communiqué : "La vérité des montages juridiques et la vérité des chiffres seront bientôt établies par la justice."
De quel testament parle-t-on ?
Là, ça se complique : Johnny avait-il rédigé trois ou quatre testaments ? Y a-t-il d'autres actes notariés qui s'y ajoutent ? Selon les informations de LCI et BFMTV, Johnny Hallyday avait signé "quatre testaments successifs". Et c'est le dernier d'entre eux que contestent Laura et David, selon ces deux médias. Un précédent testament, daté de 2000, selon LCI, "désignait notamment sa femme et ses enfants comme héritiers à part égale. David, Laura mais aussi Joy et Jade".
Mais ce n'est pas ce qu'affirment RTL et Le Point, qui précisent que le testament auquel ils ont eu accès, qui était "inconnu" jusque-là, est la troisième version des dernières volontés du chanteur. Il a été rédigé en anglais en juillet 2014 à Los Angeles, devant notaire. Selon eux, un premier testament avait été rédigé en 2011 en Suisse puis un deuxième en avril 2014 dans la résidence française de Johnny, à Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine).
D'après les informations du Parisien, le document rédigé en avril 2014 est celui sur lequel s'appuient les avocats de Laura Smet pour saisir la justice, mais c'est celui de juillet, plus récent, qui fait foi. Cela ne change pas grand chose, les deux textes déshéritent Laura et David.
Que réclament les aînés de Johnny ?
Ce n'est pas très clair. "J'ai appris, il y a quelques jours, que tu aurais rédigé un testament nous déshéritant totalement David et moi", écrit Laura Smet dans une lettre adressée post mortem à son père, rendue publique le 12 février. "Il y a encore quelques semaines, tu me disais à table : 'Alors, quand est-ce que vous faites un enfant ?' Mais que vais-je pouvoir lui transmettre de toi, toi que j’admire tant ?", poursuit-elle. Plus loin, elle écrit encore : "J'aurais préféré que tout cela reste en famille, malheureusement, dans notre famille c'est comme ça. (...) J'ai choisi de me battre", affirme-t-elle.
Que répond Laeticia ?
Après la révélation du courrier de Laura Smet, la veuve de Johnny Hallyday, Laeticia, a fait part de son "écœurement", provoqué par "l'irruption médiatique autour de la succession de son époux". Elle dit refuser de "polémiquer par voie de presse", mais se dit toutefois "sereine" et déterminée à "faire respecter le travail et la mémoire de son mari", selon un communiqué transmis à l'AFP.
Mais c'est légal de déshériter ses enfants, en France? Et en Californie ?
La loi française ne permet pas de déshériter ses enfants, selon le principe de "la réserve héréditaire". C'est d'ailleurs ce qu'avancent les avocats de Laura et David, qui jugent les dispositions prises par Johnny Hallyday "extravagantes". Les règles de répartition de l'héritage sont strictes : "Si le défunt avait des enfants, la succession est partagée entre le conjoint survivant et les enfants."
"Si le droit français venait à s'appliquer, les quatre enfants de Johnny se partageraient chacun 18,75% du patrimoine de la star française", écrit Le Point, selon qui "les dons déjà accordés à David et Laura leur seraient amputés du total de l'héritage évalué entre 20 et 30 millions d'euros".
La loi californienne est en "totale contradiction avec le droit français puisque, selon le droit californien, le défunt peut léguer l'intégralité de son patrimoine à une seule personne", explique à franceinfo Me Pierre Hourcade, avocat aux barreaux de Paris, New York et Los Angeles. "Quiconque peut déshériter quiconque, y compris ses enfants", selon Beti Tsai Bergman, avocate de l'agglomération de Los Angeles spécialisée dans les successions, interrogée par l'AFP.
Selon un règlement européen entré en application en 2015, "la loi qui va régir la succession est celle du dernier domicile du défunt", et non sa nationalité, explique à franceinfo Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. Pour Me Emmanuel Ravanas, l'un des conseils de Laura Smet, c'est la "résidence habituelle" qui compte, c'est à dire "le centre de ses intérêts vitaux". "Or, où Johnny Hallyday a-t-il fait sa carrière ? Où a-t-il vendu l'immense majorité de ses disques ? D'où viennent ses revenus ?", demande l'avocat, contacté par franceinfo. "En France, pas aux Etats-Unis", répond-il lui-même.
Laura et David peuvent-ils obtenir gain de cause ?
Le tribunal de grande instance de Nanterre devra dire s'il est compétent ou non pour juger l'affaire. Cela nécessitera de déterminer quel était le dernier domicile de Johnny Hallyday : Los Angeles où il s'était installé dans les années 2000 ou Marnes-la-Coquette, près de Paris, où il est mort le 6 décembre 2017. "Ce n'est pas le fisc qui décide quelle est votre résidence principale. La notion de domicile ou de résidence correspond à une volonté d'établir son centre d'intérêt dans un pays", explique Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris, à franceinfo.
Cette question n'est pas évidente à trancher. Pour l'avocate Beti Tsai Bergman, c'est bien le droit californien qui s'applique car c'était son "dernier lieu de résidence". Mais selon Sibylle Grebe, avocate à Los Angeles, les propriétés de Johnny Hallyday en France pourraient tomber sous la loi hexagonale. Joëlle Bailard, avocate française exerçant à Los Angeles, observe aussi qu'"il semblerait que Johnny avait choisi la France pour y finir ses jours", il sera donc "difficile d'arguer qu'il n'avait pas l'intention d'en faire son pays de résidence permanente. Si courte cette dernière résidence permanente fut-elle". Le chanteur a ensuite été inhumé à Saint-Barth, dans les Antilles françaises.
La justice pourrait s'inspirer de deux précédents récents. La Cour de cassation a tranché des conflits le 27 septembre dernier concernant les héritages du compositeur de musiques de films Maurice Jarre et de Michel Colombier, arrangeur de Serge Gainsbourg ou Madonna. La plus haute juridiction a jugé que la loi française n'avait pas à s'imposer à la loi californienne, parce que Jarre et Colombier avaient construit leur vie en Californie depuis longtemps. Ensuite parce que les enfants qui réclamaient dans les deux cas leur part de l'héritage n'étaient pas "dans une situation de précarité économique ou de besoin".
"La justice française devrait probablement tenter une médiation, comme c'est souvent le cas dans ce genre d'affaire", explique encore à franceinfo Nathalie Couzigou-Suhas.
Cette famille semblait pourtant unie au moment des funérailles de Johnny, c'était bidon ?
Beaucoup de médias évoquent aujourd'hui "la fin de l'union sacrée", qui s'est formée autour d'un Johnny Hallyday, très malade, rentré en France pour se soigner courant 2017. Mais les accolades et les images de paix, aussi sincères soient-elles, masquaient les rivalités antérieures. "Cela fait très longtemps qu'on sait que, dans la galaxie Hallyday, il y a énormément de tensions larvées qui se sont tues ces dernières années au nom de l'union sacrée", explique à RTL Eric Le Bourhis, l'un des biographes de Johnny.
Interrogé par la radio, il rappelle que lorsque Johnny Hallyday a été hospitalisé aux Etats-Unis, il y a quelques années, "il y a eu beaucoup de fâcheries dans le clan Hallyday, notamment entre Laeticia et David". Des "fâcheries" qui sont réapparues dès l'enterrement de Johnny à Saint-Barthélemy. Sylvie Vartan, la mère de David, avait été la première à exprimer ses désaccords, se disant "triste" que le chanteur soit inhumé "si loin de nous tous qui l'aimions tant". Début février, c'est David Hallyday qui a pris ses distances avec Laeticia, au sujet de l'album posthume de Johnny, attendu cette année.
Dans sa lettre publiée lundi, Laura Smet affiche au grand jour un autre aspect des relations qu'elle entretient avec Laeticia. "Toutes ces fois où on a dû se cacher pour se voir et s'appeler !", écrit-elle.
A combien est estimé le patrimoine de Johnny ?
Plutôt cigale que fourmi, le chanteur dépensait entre 2,5 et 5 millions d'euros par an, selon son conseiller fiscal cité par Les Inrocks. En 2016, Capital classait "l'idole des jeunes" comme ;le deuxième chanteur le mieux payé de France, avec 16 millions d'euros de revenus estimés cette année-là.
Il est toutefois difficile d'estimer précisément les revenus et la fortune du chanteur, variables d'une année à l'autre. "Une bonne année, Johnny gagne plus de 10 millions d'euros, une mauvaise, il tourne plutôt entre 1 et 2 millions", décrivaient Les Inrocks avant sa mort. Ces revenus étaient engrangés grâce à ses ventes d'albums, à ses tournées, mais aussi au merchandising. A cela s'ajoutent des royalties, c'est-à-dire des droits d'interprétation, mais aussi des droits d'auteur et de composition pour les titres qu'il avait coécrits. Sans oublier les revenus de ses publicités pour Optic 2000 et la marque de café Legal.
Le chanteur possédait par ailleurs quatre résidences. Une villa à Marnes-la-Coquette (Hauts-de-Seine), d'une valeur de 20 millions d'euros, selon Challenges, un chalet à Gstaad (Suisse), estimé à 9,5 millions d'euros, selon le Huffington Post. Les Hallyday possèdent aussi une villa à Saint-Barthélemy, dans les Antilles, et une autre à Los Angeles, d'une valeur inconnue.
J'ai eu la flemme de tout lire, vous me faites un résumé ?
La guerre est déclarée entre Laura Smet, son frère David Hallyday d'un côté et, de l'autre, Laeticia Hallyday, dernière épouse du rockeur. Les aînés de Johnny, qui ont reçu, du vivant du chanteur, plusieurs importantes donations, n'apparaissent pas sur son dernier testament et entament une action en justice, pour contester l'attribution de l'ensemble du patrimoine de Johnny Hallyday à Laeticia. Le droit californien l'y autorise, tandis que le droit français interdit de déshériter ses enfants. La justice française devra décider quel droit s'applique à la succession de Johnny Hallyday qui, ces dernières années, a partagé sa vie entre Los Angeles et la France.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 59 autres membres