Franceinfo - le lundi 20 janvier 2020
Pourquoi l'ONG Oxfam estime que la réforme des retraites risque de renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes
Le rapport annuel de l'association internationale sur les inégalités mondiales a été publié lundi à la veille de l'ouverture du forum de Davos, en Suisse. Dans un sous-rapport qui se concentre sur la France, Oxfam pointe le projet de réforme des retraites
Deux personnes passent devant une agence d'assurance-retraite au Crès (Hérault), le 22 mars 2019. (PASCAL GUYOT / AFP)
Un rapport sur les inégalités très attendu, à la veille du forum économique de Davos (Suisse). Alors que le gratin de la finance et des affaires se réunit, mardi 21 janvier, dans la station suisse, l'ONG internationale Oxfam affirme que les quelque deux mille milliardaires de la planète détiennent désormais plus d'argent que 60% de la population mondiale.
>> Près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5 dollars par jour, selon Oxfam
L'association passe notamment au crible les inégalités femmes-hommes dans le monde dans son rapport annuel intitulé "Celles qui comptent. Reconnaître la contribution considérable des femmes à l'économie pour combattre les inégalités". Dans un sous-rapport qui se concentre sur l'Hexagone ("Celles qui comptent. Zoom sur les inégalités en France"), Oxfam met en garde contre la réforme des retraites qui sera présentée le 24 janvier en Conseil des ministres. L'ONG estime que cette réforme risque d'accentuer encore les inégalités, au détriment des femmes.
Parce que l'ONG craint que l'allongement de la durée de travail ne pénalise les femmes
"En allongeant la durée du travail pour toucher une retraite à taux plein ou en imposant une décote pour carrière incomplète, la réforme pourrait pénaliser les carrières hachées qui concernent le plus souvent des femmes", explique Oxfam. Ce sont en effet les femmes qui suspendent le plus souvent leur activité professionnelle pendant quelques années, notamment pour élever des enfants. Elles risquent donc d'être les premières pénalisées par l'âge d'équilibre (ou âge pivot) prévu dans le régime universel à points (et qui sera fixé à 64 ou 65 ans au démarrage du système). En conséquence, elles seraient, selon Oxfam, les premières victimes du malus définitif de 5% sur la pension, par année prise avant l'âge d'équilibre.
Oxfam demande donc de "supprimer les systèmes de décote pour les carrières incomplètes et revenir à un calcul de la pension basé sur les meilleures années de cotisation pour prendre en compte la réalité de l’emploi des femmes, davantage sujettes aux carrières hachées". Actuellement, en France, le calcul de la pension se fait sur les vingt-cinq meilleures années pour le régime de retraite de base. Il est jugé plus favorable aux carrières hachées.
Parce que, selon Oxfam, le minimum retraite reste insuffisant
Autre constat d'Oxfam sur la France : "Aujourd’hui, les femmes touchent en moyenne des pensions inférieures de 42% à celles des hommes, 26% si on prend en compte la pension de réversion. C’est le résultat d’un système économique qui perpétue ces inégalités en cantonnant les femmes dans les métiers les plus précaires et les moins rémunérés".
L'association estime que ces inégalités persisteront dans le futur système à points, basé sur l'ensemble de la carrière professionnelle. "Le système de retraite continuera à jouer un rôle de miroir grossissant des inégalités qu’ont subies les femmes tout au long de leur vie professionnelle, et formera des trappes de pauvreté pour les travailleuses les plus précaires".
Pour l'ONG, le gouvernement n'a pas pris de mesures suffisantes "pour pallier ces inégalités". Oxfam estime qu'il faut "attaquer le problème à la racine en réduisant les écarts de salaires, particulièrement entre les femmes et les hommes", et "augmenter réellement les pensions minimums". La pension minimale de retraite sera portée à 1 000 euros en 2022. Dans le futur système à points, elle doit se monter à terme à 85% du smic, mais sous réserve de "carrière complète" (avec une certaine durée d'assurance). L'association estime, elle, qu'il faut "instaurer un minimum retraite à hauteur du smic".
Parce que la cotisation de solidarité des hauts revenus est jugée trop faible
Oxfam observe que les grands gagnants de l'actuel "système actuel de retraite sont les plus riches puisqu’ils profitent en moyenne plus longtemps de leur retraite par répartition, avec une espérance de vie de treize ans supérieure à celle des plus pauvres".
"Au lieu de les mettre plus à contribution, le projet de réforme actuel prévoit de baisser leurs cotisations", déplore l'ONG. Effectivement, au-dessus de trois plafonds de Sécurité sociale (120 000 euros de revenus annuels, au lieu de 324 000 actuellement), les cadres ne cotiseront plus pour leurs retraites, hormis une cotisation de solidarité d'un taux de 2,81%. Oxfam demande que cette cotisation de solidarité soit augmentée afin que les hauts revenus "paient une juste part en contribution d’un système dont ils sont jusqu’alors les grands bénéficiaires"
Parce qu'aucune évaluation des effets de la réforme sur les femmes n'a été rendue publique
Enfin, conclut Oxfam, le gouvernement doit impérativement produire une évaluation détaillée et publique des conséquences de la réforme des retraites sur les femmes.
Une étude d'impact doit obligatoirement accompagner le projet de loi qui sera présenté vendredi en Conseil des ministres, mais elle n'a pas encore été rendue publique
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