Franceinfo - le lundi 23 mars 2020
Coronavirus : "Le couperet n'est pas passé loin", témoigne un enseignant après cinq jours dans le coma
Cet homme de 51 ans est sorti du coma mercredi 18 mars après avoir passé plusieurs jours en réanimation, à Strasbourg (Bas-Rhin)
Un patient sous assistance respiratoire pris en charge à l'hôpital universitaire de Strasbourg. (PATRICK HERTZOG / AFP)
"Le couperet n'est pas passé loin", témoigne lundi 23 mars sur franceinfo Patrick Dard. Cet enseignant de 51 ans a passé plusieurs jours dans le coma, à l'hôpital de Strasbourg (Bas-Rhin), après avoir été testé positif au coronavirus. "Je ne m'attendais pas du tout à être positif", raconte Patrick Dard, la voix encore essoufflée. Il est sorti du coma mercredi 18 mars après avoir passé plusieurs jours en réanimation. Aujourd'hui, "la respiration reste difficile". Il commence à réaliser ce à quoi il a échappé. "Cela va me prendre quelques semaines pour me dire : j'ai eu chaud". A travers son témoignage, il tient à souligner combien les équipes médicales "sont juste extraordinaires".
Franceinfo : Comment avez-vous appris que vous étiez positif ?
Patrick Dard : J'ai eu les premiers symptômes le vendredi 6 mars dernier. Ça s'est très vite compliqué, surtout au niveau respiratoire. Ma maman s'inquiétait beaucoup. Elle m'a un peu forcé la main en disant : "Il faut absolument que tu appelles les pompiers". Ce que j'ai fini par faire. Ils sont venus me chercher dans des combinaisons. Moi, je n'ai pas l'habitude de ce genre de situation, j'avais l'impression d'être dans un mauvais épisode d'une mauvaise série B.
Je pensais à un état grippal. Je ne m'attendais pas du tout à être positif. Ce qui est anecdotique, c'est que depuis l'ambulance qui est passé devant mon lycée, j'ai vu certains de mes amis. C'était complètement surréaliste. L'ambulance a pris les voies de tram. Et une fois arrivé au nouvel hôpital civil de Strasbourg, il y avait beaucoup d'attente. Cela a mis près de trois heures. J'ai dû attendre comme d'autres personnes dans le véhicule des pompiers.
On m'a fait le test, que j'ai trouvé particulièrement douloureux. On m'a annoncé dans les deux heures que j'étais positif. Je ne comprenais tellement pas ! J'ai dit : mais positif à quoi ? On m'a dit 'au coronavirus'. Et puis là, ça a été très, très rapide.à franceinfo
On m'a emmené en réanimation. On m'a dit qu'on allait m'endormir, me placer dans un coma artificiel, me mettre sous assistance respiratoire. Ça a duré six jours. Ma famille a été pas mal informée. L'équipe a été juste extraordinaire.
Vous êtes restés plusieurs jours dans le coma. Comment s'est passé votre réveil ?
Quand je me suis réveillé, une des premières questions que j'ai posées, c'est la date. Je suis arrivé le vendredi 13. Je pensais qu'on était le dimanche. Et donc j'ai compris qu'il s'était passé six jours. Et puis j'ai compris que le couperet n'est pas passé loin. Je me suis retrouvé avec des tuyaux, plein de piqûres, plein de prises de sang. Ce n'était pas vraiment agréable. J'ai pris sur moi. Et puis, à partir du moment où la respiration était redevenue à peu près normale, j'ai pu quitter assez rapidement la réanimation, une fois que j'ai été réveillé. Et depuis mercredi dernier, je suis donc au service de pneumologie, si je ne dis pas de bêtise. Et là, je suis suivi de près. La respiration reste difficile. Je suis très, très, très fatigué.
Comment réagissez-vous aujourd'hui ?
C'est plus le contrecoup de réaliser ce qui s'est passé. Et je pense que cela va me prendre quelques semaines pour me dire : j'ai eu chaud. Mais d'un autre côté, dans le service où j'étais, il y a eu des décès. Je suis super content de vous parler maintenant et en même temps triste pour tous ces gens qui n'ont pas pu survivre à ça. Mais on s'en sort, aussi. Et c'est vrai que de voir l'abnégation du personnel soignant... J'ai posé beaucoup de questions aux infirmières, aux aides-soignantes, aux médecins.
Certaines infirmières ne rentrent plus chez elles. Elles laissent leurs maris s'occuper des enfants. Elles vont dormir ailleurs pour ne pas prendre le risque de contaminer la famille si jamais elles ont attrapé quelque chose. à franceinfo
Moi, j'ai un profond, profond, profond respect. Pour moi, la chose la plus importante de mon témoignage, c'est de dire combien les équipes sont juste extraordinaires.
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