Franceinfo - le mercredi 19 février 2020
Grands travaux à Pompéi : trois superbes maisons romaines rouvrent au public et un petit squelette sort de l'oubli
Le plan de sécurité lancé en 2014 arrive à sa fin, mais les travaux et les fouilles ne s'arrêteront pas à Pompéi, site menacé par les dérèglements du climat
La "Maison des Amants", Pompéi, 18 février 2020 (ELIANO IMPERATO / CONTROLUCE)
Trois superbes maisons romaines du site archéologique de Pompéi, près de Naples dans le sud de l'Italie, ont rouvert mardi au public dans le cadre d'un ambitieux plan de "mise en sécurité" financé à 75% par l'Union européenne. Des thermes romains conçus pour être le joyau de Pompéi mais détruits par l'éruption volcanique de l'an 79 ont également été ouverts lundi au public, qui a pu découvrir l'émouvante histoire d'un petit squelette...
Un chantier "constant"
Même si ce plan de 105 millions d'euros, lancé en 2014 après de graves écroulements, est bouclé, ni les travaux d'entretien ni les fouilles ne vont se terminer sur cet immense site de 44 hectares protégé par l'Unesco.
"Les travaux de maintenance sont constants à Pompéi parce que c'est une ville en ruines", a expliqué lors d'une visite de presse Massimo Osanna, directeur général de la deuxième plus importante destination touristique italienne, avec quatre millions de visiteurs annuels, juste derrière le Colisée de Rome.
"C'est une cité fragile, on ne peut jamais s'arrêter d'en prendre soin", a souligné Massimo Osanna, qui a supervisé les cinq ans de travaux à Pompéi, ensevelie sous la lave et les cendres par l'éruption du Vésuve en l'an 79.
Les travaux ont consisté à consolider murs et structures, protéger les bâtiments des intempéries, réparer les fondations de certains édifices, les débarrasser des rénovations hasardeuses des années 70 ou 80 et renforcer la télésurveillance.
La "Maison des chastes amants"
Le plan a également permis de nouvelles restaurations comme celles des trois domus, ces habitations de la haute société de la Rome antique dévoilées mardi en présence du ministre de la Culture Dario Franceschini.
Nombre des fresques de ces domus étaient recouvertes depuis des dizaines d'années par une épaisse couche de saleté. "Il faut faire attention à ne pas tout enlever. Il faut travailler pas à pas", a expliqué à l'AFP l'un des restaurateurs présents sur place, Aldo Guida, en grattant minutieusement la surface d'un mur du fameux "rouge Pompéi" de la "Maison des chastes amants".
La Domus, rare exemple de domus de deux étages fermée pendant 40 ans après le terrible séisme de l'Irpinia (plus de 2.700 morts en 1982), tire son nom d'une inscription trouvée sur ses murs: "les amants comme les abeilles souhaitent une vie aussi douce que le miel".
La cendre volcanique crachée il y a 2.000 ans par le Vésuve s'est sédimentée sur la plupart des habitations de Pompéi, ce qui a permis de les préserver presque intégralement, tout comme nombre des corps des 3.000 morts que causa la catastrophe.
Deux autres domus ont rouvert au public : la "Maison du verger", décorée de fresques aux arbres fruitiers luxuriants et aux magnifiques oiseaux, ainsi que celle du "Navire Europe", montrant le dessin aux allures de graffitis d'un grand navire marchand.
L'histoire d'un petit squelette
Les travaux ont également mis à jour des thermes et permis la découverte d'un petit squelette... Piliers et blocs de marbre se trouvent là où ils ont été laissés lorsque la cité antique fut submergée par les coulées pyroclastiques du Vésuve pendant la catastrophe.
Il en est de même du squelette d'un enfant qui y avait cherché refuge en vain et a été sorti de l'oubli par la dernière campagne de fouilles. Les architectes de l'époque "s'étaient inspirés des thermes de l'empereur Néron à Rome, les salles devaient être plus grandes et plus légères, avec des bassins de marbre", souligne Massimo Osanna.
"Ce furent des fouilles chargées d'émotion", a déclaré pour sa part Alberta Martellone, l'archéologue qui a dirigé un anthropologue, un géologue et un vulcanologue dans l'étude du squelette de l'enfant, mort entre huit et dix ans.
"Il ou elle cherchait un abri et au lieu de cela a trouvé la mort", raconte-t-elle.
Ces fouilles ont aussi été "émouvantes d'un point de vue architectural, parce qu'il est inhabituel de trouver un bâtiment aussi grand, avec des pièces aussi vastes, dans cette ville construite de manière si dense", explique l'archéologue.
Le chantier avec son petit squelette est "le symbole d'une vie interrompue".
A l'origine, les bains publics de la ville étaient plus petits, sombres et souvent surpeuplés. Le nouveau complexe aurait fourni un cadre plus luxueux à ceux qui en avaient les moyens, à savoir la plupart des citoyens, mais pas les esclaves.
Sauvetages et découvertes
En 2013, face aux fréquents effondrements sur le site dus à un manque d'entretien et à de fortes intempéries, l'Unesco avait menacé de retirer Pompéi de sa liste des sites protégés et réclamé des mesures drastiques pour le protéger.
Le plan mis en place l'année suivante a permis non seulement de le sauver, mais aussi de procéder à de nouvelles fouilles dans des zones négligées jusque là. Et même si Pompéi a souvent été pillée, nombre de trésors restent encore à découvrir.
"Pour que Pompéi soit sûre, nous devons continuer à faire des fouilles. Beaucoup d'endroits sont restés inexplorés au XIXe siècle", a expliqué Massimo Osanna, soulignant que ces zones vierges avec leur sol mouvant font pression sur les fondations de zones déjà explorées, menaçant leur stabilité.
De récentes fouilles à Pompéi ont permis notamment de découvrir en 2018 une inscription qui prouve que la ville a été détruite après le 17 octobre 79 après J.-C., et non le 24 août comme on le pensait jusque là.
En octobre, les archéologues ont aussi mis au jour une fresque représentant un gladiateur en armure se tenant debout, victorieux face à son adversaire blessé et couvert de sang. Le bâtiment qui l'abrite était sans doute une taverne fréquentée par des combattants et des prostituées.
"Lorsque vous faites des fouilles à Pompéi, il y a toujours des surprises"
Alors que les chasseurs de trésors ont pillé Pompéi à travers les siècles à la recherche de bijoux ou d'objets précieux, des zones entières du site restent aujourd'hui encore inexplorées.
Chaque découverte aide les historiens à comprendre non seulement ce qu'était la vie dans l'antique cité, mais aussi ce qui s'est passé dans ses dernières heures tragiques, lorsque le ciel s'est chargé de feu et de cendres, a expliqué Massimo Osanna.
"Lorsque vous faites des fouilles à Pompéi, il y a toujours des surprises", a souligné Massimo Osanna, qui se dit certain que les recherches dans les zones inexplorées donneront lieu à des "découvertes extraordinaires".
Le climat, nouvelle menace pour Pompéi
Les événements météorologiques violents causés par le changement climatique "sont notre plus grand défi", a ajouté M. Osanna, dont le nouveau livre Pompéi, il tempo ritrovato ("Pompéi le temps retrouvé, Rizzoli") décrit la course pour préserver ce site vulnérable inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
"Nous avons 50 personnes - restaurateurs, archéologues, architectes, ingénieurs - sur place en permanence, qui effectuent des inspections et interviennent si nécessaire, et ce nombre passera à 70 l'année prochaine", a-t-il précisé.
Le projet Grand Pompéi, financé en partie par l'UE, s'achèvera à la fin de l'année, mais le gouvernement italien a alloué 32 millions d'euros pour la poursuite des fouilles.
La cité de ruines, près de Naples, est le deuxième site touristique le plus visité d'Italie, derrière le Colisée de Rome, avec un peu moins de quatre millions de visiteurs en 2019.
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