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Piketty, le triomphe de Robin des Bois. L'économiste français de gauche est fêté aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Comment la dénonciation des inégalités croissantes entre riches et pauvres a transformé un pavé de 970 pages en best-seller, et convaincu l'OCDE de s'en prendre aux riches...

Incroyable mais vrai : l'OCDE, le très conservateur club des pays les plus riches du monde, s'en prend aux riches ! "Sans action politique concertée, le fossé entre les riches et les pauvres risque de s'agrandir encore", avertit son secrétaire général Angel Gurria.

"Le livre de la décennie"

A l'origine de ce coup de tonnerre, un économiste français, Thomas Piketty, 43 ans ce 7 mai. Le Capital au XXIème siècle (Seuil), son pavé de 970 pages tout juste traduit en anglais, a pris la tête des ventes d'Amazon.com. Déjà 200 000 exemplaires vendus aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et le label de "livre économique le plus important de l'année, voire de la décennie" décerné par le prix Nobel Paul Krugman.

Que dit Piketty ? Une ou deux choses assez simples, qu'il n'est pas besoin d'être économiste pour comprendre, ni surtout ressentir : les inégalités s'accroissent entres riches et pauvres, car les revenus du capital augmentent plus vite que les revenus du travail.

En clair, dans le monde actuel, et dans la France de François Hollande comme dans celle de Balzac, dont il aime citer les romans, mieux vaut hériter qu'entreprendre.

L'OCDE en fait le calcul précis, à partir de ses travaux. La part de richesse détenue par les 1 % de plus riches a progressé en trente ans de

• 8 % à 20 % aux Etats-Unis,

• 6 % à 14 % au Royaume-Uni

• 10 % à 13 % en Allemagne...

La France se distingue, avec une quasi-stabilité, de 7 % à 8 %

"Je ne suis pas anticapitaliste"

Que faire ? Taxer les patrimoines, redistribuer des riches vers les pauvres, répond en substance notre Robin des Bois. Communiste ! accusent certains, visant son titre-hommage à Karl Marx. "Je ne suis pas anticapitalistes, nous répondait-il récemment, dans son petit bureau de l'Ecole d'économie de Paris. J'ai pleuré de joie quand j'ai entendu à la radio la nouvelle de la chute des dictatures communistes. Et je crois que la propriété est un élément d'émancipation individuelle, pas seulement d'efficacité économique".

Reste qu'il est bien de gauche. Conseiller économique de Ségolène Royal pour la campagne 2007, coauteur en 2011 de Pour une révolution fiscale, dont le candidat Hollande disait s'inspirer... Ce temps est bien loin. La fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, principale proposition de ce livre, n'est plus au programme du président Hollande.

"Mais ma plus grande déception est son inertie européenne", nous confiait Thomas Piketty, dénonçant dix-huit mois d'improvisation fiscale". Son triomphe outre-Atlantique changera-t-il la donne ? Ce serait là une nouvelle illustration du fait que nul n'est prophète en son pays. Francis Brochet