la tribune du jeudi 19 mars 2015
SANTE - Un rapport officiel reconnaît le burn-out. Révélations sur un travail d'experts remis au ministère du travail. L'épuisement professionnel existe, les entreprises et le gouvernement doivent le prendre au sérieux, préconise un rapport qui prend la poussière depuis huit mois au font d'un tiroir... où nous l'avons retrouvé.
"C'est une véritable urgence de santé publique, qui est négligée par le gouvernement en place !" Ainsi s'exprime Jean-Claude Delgènes, patron de Technologia, cabinet spécialisé dans la prévention des risques professionnels.
L'urgence qu'il dénonce s'appelle syndrome d'épuisement professionnel, ou burn-out : une étude menée par son cabinet a évalué que 3,2 millions de salariés en sont menacés. Au bout, "la déprime", la longue maladie, voire le suicide... "Dans les dernières années, nous avons traité une centaine de suicides sur des lieux de travail. J'estime qu'entre la moitié et le tiers étaient liés à un épuisement professionnel", estime Jean-Claude Delgènes.
Trente députés signent
C'est pour cela qu'il a lancé une pétition, qui a déjà recueilli plus de 10 000 signatures - dont celles d'une trentaine de députés conduits par Marie-Françoise Bechtel (MRC, Aisne). Objectif : faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle, pour en faciliter la prévention et montrer que la cause n'est pas d'abord dans l'individu et ses éventuelles fragilités, mais dans l'organisation du travail dans laquelle il s'inscrit.
Une première reconnaissance est apportée par un rapport officiel commandé par la direction générale du travail (DGT) à une groupe de médecins et d'experts de l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), de l'INRS (Institut national de recherche et de santé) et de la DGT. Le problème est que ce rapport, décidé en janvier 2014, bouclé et remis en juin de la même année, prend depuis la poussière dans un tiroir.
Pourquoi ? La lecture du rapport, que nous nous sommes procuré, donne une explication : il identifie et précise les causes professionnelles du burn-out, préparant le terrain à sa reconnaissance comme maladie professionnelle. Il affirme d'emblée que "les services de santé au travail, les services de ressources humaines ont un rôle de prévention à jouer".
Le rapport préconise d'agir sur toutes les causes, mais insiste sur le fait que "le burn-out ne dépend pas de la fragilité (du salarié) ou à l'inverse du surinvestissement individuel dans le travail". C'est bien l'organisation du travail et ses bouleversements qui sont responsables, et le rapport cite une étude de la Dares, organisme dépendant du ministère du Travail : "Entre 2005 et 2013, pour les salariés de France métropolitaine, les changements organisationnels ont repris, et les contraintes de rythme de travail se sont accrues".
Le rapport qui réveille ?
Que peut-il maintenant se passer ? Le cabinet du ministre du Travail, contacté hier, affirme que "les préconisations du groupe de travail devraient être remises au ministre vers la fin du mois de juin". Le ministère de la Santé, également compétent, ne paraît pas plus pressé. "Nous ne savons pas à qui nous adresser", constate la députée Marie-Françoise Bechtel. Son espoir est que la publication de ce rapport réveille enfin le gouvernement. A suivre, comme on dit dans les feuilletons... Francis Brochet
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