la tribune du mercredi 12 novembre 2014
ESPACE – La sonde Rosetta a rendez-vous avec nos origines. A la recherche des origines possibles de la vie sur la terre. C'est le grand pari spatial européen de ce début de XXIème siècle : après dix années de voyage, la sonde Rosetta s'apprête à larguer aujourd'hui le robot Philae sur un petit morceau de rocher à un demi-milliard de km de chez nous. Une première mondiale.
1 milliard d'euros : c'est l'investissement dans la mission Rosetta. La France est, avec l'Allemagne, le plus gros contributeur. "Avec 30 euros par an et par habitant, la France a le deuxième budget annuel par habitant consacré à l'espace civil, après les Etats-Unis", souligne le CNES.
La mission Rosetta est moins spectaculaire que les premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune, le 21 juillet 1969. Mais l'exploit technologique et scientifique vaut bien celui du programme Apollo.
Pour la première fois ce mercredi, un robot envoyé par l'homme tentera de se poser sur une comète d'à peine 4 km de largeur, à plus de cinq cents millions de kilomètres de la Terre. Du jamais vu !
La comète Tchouri
La sonde Rosetta, lancée par l'Agence spatiale européenne (ESA), a rejoint son objectif le 6 août dernier, après dix ans de voyage. Elle s'apprête désormais à larguer son "explorateur" Philae, qui devrait s'arrimer aujourd'hui à 17 h 02, heure de Paris, sur le noyau de la comète Tchourioumov-Guérassimenko. Philae s'attellera, si tout se passe bien, à une véritable archéologie spatiale, en effectuant des carottages et autres ponctions sur la comète.
L'origine de la vie
"Les comètes sont les objets les plus primitifs du système solaire", explique Francis Rocard, responsable du programme au Centre national d'études spatiales (CNES), l'agence spatiale française. "Leur matériau n'a pas chauffé et n'a pas été modifié. On a donc conservé au congélateur depuis presque 4,56 milliards d'années le matériau originel qui a constitué également les corps planétaires, les astéroïdes..." Et d'ajouter : "Dans le système solaire, les comètes sont les objets les plus riches en gaz divers congelés, l'eau étant l'un d'eux et le plus abondant. Elles pourraient avoir contribué à apporter de l'eau sur Terre".
A 511 millions de kilomètres de la Terre
C'est donc à la rencontre de nos origines que vogue Rosetta. Les comètes sont aussi les objets les plus riches en carbone dont la partie solide s'y trouve sous une forme moléculaire inconnue. "Ces chaînes carbonées nous intéressent parce qu'une chimie organique complexe est nécessaire pour fabriquer de la vie", souligne Francis Rocard, 57 ans, qui travaille depuis vingt ans sur le programme Rosetta. Selon lui, "les comètes ont pu apporter ces macromolécules sur notre planète et contribuer ainsi à l'émergence de la vie".
La sonde américaine Stardust a déjà ramené en 2006 des grains de comète contenant de la glycine, un acide aminé, "brique" élémentaire des protéines. La mission Rosetta devrait apporter bien plus d'explications encore. Stardust ne s'était pas posé et n'avait pu capter que des poussières de comète.
Tout va se jouer en environ sept heures, à 511 millions de km de la Terre. Le largage par Rosetta de Philae, un robot laboratoire de 100 kg, a été fixé à 9 h 35 heure de Paris, à 20 km de la surface de la comète. Ce seront ensuite sept longues heures d'attente avant l'atterrissage, dont la confirmation devrait parvenir sur Terre à 17 h 02 heure de Paris, avec une marge d'incertitude d'une quarantaine de minutes.
La grande inconnue reste ce qui attend Philae à l'arrivée sur la comète. Car ce n'est pas une belle piste d'atterrissage bien plate qui va l'accueillir, malgré tous les efforts des scientifiques pour trouver le meilleur site possible, le site J, rebaptisé Agilkia. Agilkia est une zone d'environ un kilomètre carré, située sur le petit lobe du noyau de la comète, sa tête, si on se réfère à sa forme de canard. Elle est truffée de rochers, dont la taille varie entre 50 cm et 50 m.
Il y a aussi des pentes supérieures à 30°, la limite théoriquement tolérée par le train d'atterrissage presque tout terrain de Philae. "Il y a 18 % de la surface qui devraient nous être interdits", a prévenu Philippe Gaudon, chef du projet CNES de la mission Rosetta. Jean-Pierre Bibring, responsable scientifique de l'atterrisseur, veut pourtant y croire : "l'échec n'est pas une option !". Patrick Fluckiger (avec AFP)
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