la tribune du vendredi 20 février 2015
SOCIETE – Tout ce qu'internet a changé en vingt ans. Plus de 43 millions d'internautes en France selon une étude publiée hier. Plus rapide, plus présent, mais aussi plus surveillé : en vingt ans, internet a énormément changé. Mais surtout, il a bouleversé notre vie quotidienne, notre économie et nos pratiques culturelles.
Réserver un billet d'avion, chercher un numéro de téléphone, se documenter avant un voyage ? On peine à mesurer le temps que prenaient, avant l'avènement du web, ces démarches aujourd'hui à portée de clic.
Mais même au début de l'internet, ce n'était pas forcément gagné : dans les années 90, seuls quelques pionniers osaient plonger dans le bain numérique. II faut attendre 2006 pour que la moitié de la population française soit connectée.
Aujourd'hui, le nombre de domaines en .fr dépasse 2,8 millions, et 34,6 millions de Français achètent en ligne. Et surtout, les usages se sont modifiés. Le navigateur n'est plus l'unique porte d'entrée. Avec les smartphones et les tablettes, l'internet est devenu mobile, jusqu'à se faire totalement oublier dans les objets connectés.
Après la révolution industrielle, la révolution numérique. En faisant entrer l'information dans l'ère de l'abondance et de la libre circulation, internet bouscule les modèles. Disquaires et vidéoclubs ont été parmi les premiers à en faire les frais : disques, films, livres et jeux transitent maintenant sans intermédiaires par le réseau - légalement ou pas.
Le courriel continue de grignoter, année après années, l'activité courrier de la Poste (+ 5 % par an sur 10 ans en moyenne). Ecrasée par Wikipédia et ses millions de contributeurs bénévoles, l'Encyclopédiae Universalis a déposé le bilan. De nouveaux emplois remplaceront les anciens, clament les optimistes. Oui, mais dans quelles proportions ?
Le geek, c'est chic, mais ça ne l'a pas toujours été. Internet n'a pas seulement permis de décloisonner la connaissance : il a aussi légitimé des pratiques culturelles jusqu'alors réputées marginales.
Voici une quinzaine d'années, un adulte pratiquant les jeux vidéo ou lisant des mangas s'exposait aux quolibets. Aujourd'hui, le jeu vidéo est pratiqué par 53 % des Français, et la "culture internet" a pignon sur rue.
Mais à en croire certains auteurs, le réseau aurait aussi modifié notre façon de penser, forçant notre cerveau à se reconfigurer pour traiter un flux incessant d'informations, au détriment de notre capacité de concentration.
Les hackers (pirates) en ont toujours eu conscience, le grand public moins : internet est éminemment politique, et cela d'autant plus qu'il réunit aujourd'hui trois milliards d'êtres humains, et plus seulement une poignée de technophiles.
Conséquence : jamais il n'a été aussi facile de fédérer des millions de personnes autour d'une même cause, qu'il s'agisse de signer des pétitions en ligne ou de s'engager dans des opérations de guérilla (parfois illégales) sous la bannière Anonymous.
Mais jamais non plus, comme l'a révélé Edward Snowden, il n'a été aussi facile pour les Etats de placer sous surveillance tout ou partie de leur population. La liberté ou la sécurité ? Internet, par essence, a toujours privilégié la première. Beaucoup voudraient désormais lui imposer la seconde... Jean-Michel Lahire
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