la Tribune du vendredi 27 février 2015
PROCHE-ORIENT - Syrie : la France peut-elle parler avec Bachar Al-Assad ? Le voyage de quatre parlementaires français à Damas a suscité la colère de François Hollande, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy. Mais d'autres estiment que les chrétiens de Syrie ne seront pas protégés et Daech pas éliminé sans l'intervention du régime.
"De tels crimes (l'enlèvement de 200 chrétiens assyriens, NDLR) montrent une nouvelle fois la brutalité de l'EI qui est responsable de milliers de crimes et violations contre les gens de toutes les religions, ethnies et nationalités". Le conseil de sécurité de l'ONU
Chercheur associé à l'Université de Tours et spécialiste de la Syrie (Auteur de "Syrie : Pourquoi l'Occident s'est trompé" aux Editions du Rocher
"Le Renseignement pousse à renouer avec Damas"
Bachar Al-Assad redevient-il fréquentable ?
Plusieurs pays sont en train de renouer avec le régime syrien. Les parlementaires français reçus à Damas mercredi ont croisé une délégation américaine conduite par un ancien ministre de la justice Ramsay Clark. Les Etats-Unis se sont aussi rapprochés et s'appuient sur l'Iran dans la lutte contre l'Etat islamique.
La France doit-elle renouer avec le régime syrien ?
Pour des raisons de coopérations sécuritaires, avec le phénomène des départs des djihadistes pour la Syrie, les autorités françaises sont poussées depuis longtemps par les services du renseignement à reprendre des relations avec Damas.
Peut-on parler d'un échec de la diplomatie française ?
Clairement. La décision de Nicolas Sarkozy de fermer l'ambassade de France en mars 2012 a eu de graves conséquences. Nous nous sommes privés d'informations. En étant présents sur place, nous aurions mieux identifié les groupes armés rebelles que nous avons aidés. Certaines armes sont tombées entre de mauvaises mains... La France a fait d'autres erreurs. Elle a mal évalué la capacité de résistance du régime. Elle a aussi été en pointe pour refuser d'inclure l'Iran et la Russie dans la résolution du conflit.
La Syrie est donc de moins en moins isolée ?
L'Union européenne a toujours conservé un ambassadeur. La majorité des pays de l'Onu ont conservé une représentation diplomatique à Damas. Il semblerait aujourd'hui que la Jordanie soit également prête à renouer avec Bachar...
200 chrétiens, ont été enlevés par l'Etat islamique au nord-est de la Syrie. Ces communautés doivent-elles quitter le Moyen-Orient ?
Ce serait une catastrophe. Les chrétiens ont toujours été présents dans la région. Ils apportent un peu de diversité dans ce monde dominé par l'islam sunnite. Recueilli par Patrice Barrère
Le calvaire des Assyriens
Les Assyriens sont une antique communauté chrétienne, mais leur implantation en Syrie est récente et fait suite à des massacres dont ils ont été victimes en Irak.
Cette communauté appartient à la mosaïque des Chrétiens d'Orient et se présent comme les descendants de l'ex-empire assyrien établi en Mésopotamie bien avant l'implantation du christianisme et, a fortiori, de l'islam.
Les Assyriens sont des chrétiens nestoriens, un courant du christianisme condamné par le concile d'Ephèse en 431 en raison des divergences sur la double nature, divine et humaine du Christ.
Selon la tradition, ce sont les apôtres Thomas et Thaddée qui auraient évangélisé la Mésopotamie. En 37, Thaddée aurait été le premier évêque de Séleucie-Ctésiphon, capitale des Parthes, près de l'actuelle Bagdad, tandis que Thomas partait vers l'Inde.
Dès la fin du Ier siècle, des missionnaires venus de Palestine on d'Antioche se sont implantés à l'ouest de l'empire parthe, auprès de communauté juives de Babylonie et des populations araméennes de Haute-Mésopotamie. Celles-ci, parlant l'araméen, se veulent les descendants des Assyriens, d'où le nom de communautés "assyriennes".
Ces chrétiens assyriens peuvent être uniates (rattachés au Vatican) ou pas, selon Odon Vallet, spécialiste français des religions. Ainsi une partie de l'Eglise assyrienne s'est rattachée à Rome en 1830 devenant l'Eglise chaldéenne, qui était principalement présente en Irak.
Quelques 30 000 Assyriens vivaient en Syrie avant le début de la guerre civile, dont les deux tiers dans la province de Hassaké, dans l'extrême nord-est du pays, qui comptait environ 1,4 millions d'habitants.
En Syrie, la communauté assyrienne a formé le Conseil militaire syriaque, qui se bat activement au côté des Kurdes. En Irak, elle commence à former ses propres milices, estimant que forces kurdes et fédérales ne les protègent pas suffisamment face aux djihadistes.
Les Assyriens sont surtout présents entre Hassaké et Ras el Aïn dans 35 villages autour de Tall Tamer.
Leur implantation date des massacres de 1933 en Irak. La France les installa dans des villages de colonisation agraire, avant qu'ils ne migrent dans les villes d'Hassaké et de Qamischli, puis Alep et Damas. Du fait de l'exode rural, la plupart de ces villages sont désormais mixtes avec une population kurde de travailleurs agricoles venus remplacer les Assyriens partis en ville.
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