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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du dimanche 11 septembre 2016

 

 

SÉCURITÉ - D'AL-QAIDA À DAECH

 

 

11-Septembre 2001, l'envol du terrorisme islamiste

 

 

Il y a quinze ans, à New York, la plus spectaculaire et meurtrière attaque jamais perpétrée symbolisait le paroxysme du terrorisme islamiste. Depuis, l'hydre djihadiste n'a cessé de semer la terreur.

 

 

 

"N

otre guerre contre le terrorisme commence avec Al-Qaida, mais elle ne s'arrêtera pas là. Elle ne prendra fin qu'une fois que tous les groupes terroristes de portée mondiale auront été trouvés, arrêtés et vaincus". Quinze ans après le 11-Septembre 2001 et ces mots prononcés devant le Congrès par George W. Bush, force est de constater que le terrorisme mondial n'a pas été terrassé, ni vaincu. Pire, il a essaimé, et trouvé en Daech un remplçant de luxe à Al-Qaida sur la planisphère de la terreur. Le groupe d'Oussama Ben Laden, malgré la disparition de son fondateur emblématique en 2011, reste néanmoins actif sur plusieurs continents, à travers des "franchises" : dans la bande sahélo-saharienne, aux Philippines, et même en Syrie avec l'ex-Front Al-Nosra rebaptisé récemment Front Fatah al-Sham.

 

 

Où trouve-t-on les racines de ce terrorisme islamique ? "A la Révolution iranienne, à l'invasion de l'Afghanistan, et puis à l'effondrement du bloc soviétique. C'est aussi la fin des idéologies laïques et le retour en force des idéologies religieuses", explique Arnaud Blin, historien et politologue franco-américain, auteur avec Gérard Chaliand de "Histoire du terrorisme" (éd. Fayard).

 

 

 

Al-Qaida et Daech pas le même objectif

 

Les attentats du 11-Septembre, c'est "le feu d'artifice où tout ça se coalise pour aboutir au plus grand attentat terroriste de tous les temps", ajoute celui qui vit aujourd'hui aux États-Unis, et qui, le matin même des attentats, avait pris un vol Washington-Paris "sur-sécurisé, se souvient-il, comme si, les autorités américaines s'attendaient à quelque chose..."

 

 

Le choc du 11-Septembre, relayé sur les écrans du monde entier en temps réel, a favorisé la propagande extrémiste, nourri une hydre djihadiste notamment au Moyen-Orient. Un groupe de fanatiques islamistes réussissant à mettre à genoux la plus grande puissance du monde : quel exemple à suivre ! L'invasion de l'Irak par un Bush va-t-en-guerre, "la plus grande erreur en matière de géopolitique", a rebattu toutes les cartes, disséminé la menace. "Al-Qaida visait le djihad universel, tandis que Daech est plus axé sur le local, juge Arnaud Blin. Ses victimes sont d'abord des musulmans en Syrie et en Irak, les actions en Europe sont presque "marginales..."

 

 

Mais les convictions des terroristes demeurent parfois identiques, ciblant "les anciennes puissances impériales ou coloniales". Il y a, selon Arnaud Blin, "une dimension qu'on minimise en Occident : la mémoire collective de la colonisation et du ressentiment réel ou artificiel que cela a pu créer..."

 

 

 

Nouvelles "guerre" et nouvelle menace

 

Depuis le 11-Septembre, l'Amérique est "en guerre contre le terrorisme". Depuis les attentats de 2015, la France l'est aussi. Les termes employés par les dirigeants français sont identiques à ceux employés en 2001 par Georges W. Bush. Sans le corpus religieux. "Le président américain avait une vision plus manichéenne", rappelle l'historien. Ce dernier n'approuve pas le terme de "guerre" : "Il n'y a pas d'armée qui se font face, je lui préfère celui de "conflit".

 

 

La lutte contre le terrorisme islamique doit s'adapter aujourd'hui à une nouvelle donne, celle du retour des djihadistes dans leur pays d'origine. Quel sera l'impact de l'écrasement annoncé du "califat" ? "Des centaines de tueurs endurcis qui ne vont pas mourir sur le champ de bataille vont se déverser" ailleurs, notamment en Occident, pour essayer d'y "porter le combat", prévient ces jours-ci la CIA, l'agence centrale du Renseignement américaine.

 

 

La motivation de ces terroristes, ex-combattants, sera sans doute plus forte que celle de Mohammed Atta et de ses dix-huit complices du 11-Septembre 2001. C'est dire le danger qui guette. Le FBI (Police judiciaire fédérale) avertit aussi : "C'est la menace qui va dominer les cinq prochaines années". X.F.

 

 

 

 

REPÈRES

 

 

 

180 000 morts dans le monde

 

 

Depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme islamiste a touché 88 pays, tuant plus de 180 000 personnes. L'Irak est le pays le plus touché (au moins 76 000 victimes) devant le Nigeria (20 000 tués), le Pakistan (18 000) et l'Afghanistan (14 000).

 

 

 

En Europe

 

249 personnes sont mortes en France d'attaques terroristes depuis 15 ans. La plus meurtrière est celle du 13 novembre 2015 (130 tués à Paris).

 

 

L'Espagne a aussi été fortement frappée, avec en 2004 une attaque dans des trains de Madrid (191 morts).

 

 

La Grande-Bretagne a connu une quarantaine d'attaques sur son sol depuis le 11-Septembre pour un total de 81 morts. La plus meurtrière à Londres en juillet 2005.

 

 

 

 

 

Bientôt des poursuites contre l'Arabie Saoudite ?

 

 

Le Congrès (Parlement) américain a adopté vendredi une loi autorisant les proches des victimes du 11-Septembre, dont le 15e anniversaire est commémoré aujourd'hui, à poursuivre des pays comme l'Arabie Saoudite. En dépit de la menace de veto de Barack Obama. Le texte, contesté par l'Arabie Saoudite, fréquemment accusée, en Occident, de financer des mouvements extrémistes et d'avoir favorisé la propagation du salafisme dans le monde arabe, doit encore être ratifié par le président américain. La Justice Against Sponsors of Terrorism Act a été adoptée vendredi à l'unanimité par la Chambre des représentants, quatre mois après avoir été approuvée par l'ensemble des sénateurs.

 

 

 

Aucune implication de Ryad n'a jamais  été démontrée

 

Quinze des 19 terroristes qui ont perpétré les attentats du 11-Septembre étaient des ressortissants saoudiens. Cette loi permettrait aux familles des victimes des attentats de poursuivre, notamment, la monarchie wahhabite pour obtenir des indemnisations, si sa responsabilité était prouvée. Or, aucune implication de Ryad n'a jamais été démontrée, à commencer par un rapport du Congrès datant de 2002. Selon le quotidien New York Times, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, avait averti des élus à Washington de possibles représailles si le texte était adopté, notamment la vente de 750 milliards de dollars en bons du Trésor américain et autres actifs et biens détenus aux États-Unis.

 

 

Zacarias Moussaoui, le Français condamné dans le cadre des attentats du 11-Septembre et surnommé le "20e pirate de l'air", avait assuré à des avocats américains que des membres de la famille royale saoudienne avaient versé des millions de dollars à Al-Qaida dans les années 1990. Une affirmation immédiatement rejetée par l'ambassade d'Arabie Saoudite.

 

 

 

 

 

Gilles FERRAGU, Historien (ouvrage : "Histoire du terrorisme" - éd. Perrin)

 

 

Maître de conférence Paris-Ouest et Sciences-Po Paris

 

 

"On réalise que le terrorisme islamiste s'attaque à la planète entière"

 

 

 

Avec le recul, quel impact a eu le 11-Septembre sur l'histoire contemporaine ?

 

Le 11-Septembre est un événement qui pose problème, parce que des détournements magistraux d'avion et une mise en scène du terrorisme, il y en a eu avant : notamment avec les Palestiniens dans les années 1970. Faire du 11-Septembre l'alpha et l'omega du terrorisme contemporain, violent et important, n'est pas né le 11-Septembre. Ça a toutefois démontré deux choses :

 

 

1 - Une nouvelle utilisation de la grammaire médiatique : c'est l'attentat le plus mise en scène qui soit, et par conséquent, à la diffusion la plus virale. Les gouvernements ont réalisé le poids des médias à ce moment-là. La chaîne Al-Jazeera se lance à ce moment-là.

 

 

2 - Le 11-Septembre révèle aussi le terrorisme islamiste. Il existait déjà, mais on réalise qu'il n'est plus limité au monde arabe, et qu'il s'attaque à la planète entière. C'est l'arme du pauvre, celle des petits contre les grands, avec d'incroyables contrastes : on voit Ben Laden ou al-Zawahiri déclarer la guerre à l'Occident depuis des cavernes.

 

 

 

Quel est alors le message de ces terroristes islamistes ?

 

À la communauté internationale, ils disent "nous sommes dangereux et motivés". Dans leurs vidéos, des versets coraniques s'adressent aux communautés musulmanes à travers le monde, avec, sous-entendu : "Rejoignez-nous". Les attentas islamistes ne sont pas nouveaux, il y en a eu dès les années 1920. Mais le 11-Septembre met en lumière une structure nouvelle, Al-Qaida, avec des filiales un peu partout. Ça a transformé la manière dont on pendait le terrorisme. Daech émerge d'Al-Qaida sur un conflit de territoire et d'objectif.

 

 

 

George Bush a parlé de "guerre mondiale contre le terrorisme". Les mêmes termes sont employés par François Hollande...

L'expression émerge en fait dès les années 70, quand le terrorisme d'extrême-gauche sud-américain se développe, et que les Américains luttent contre eux. L'expression ne prend pas. Elle ressort avec Bush, et prête à débat, parce que certains considèrent  qu'on ne peut faire qu'une guerre contre un pays... Ce n'était finalement pas qu'une "busherie". Le terrorisme, c'est une manière pour certains groupes de contester à l'État sa légitimité. Avec la succession d'attentats en Europe et notamment en France ces dernières années, l'expression de Bush a désormais droit de citer. Recueilli par Xavier Frère

 



12/09/2016
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