le Progrès du dimanche 17 janvier 2016
BURKINA FASO - Terrorisme. Al-Qaïda attaque le "pré carré" français. Après les attentats attribués à Daech à Istanbul et à Djakarta, la capitale du Burkina Faso est frappée, cette fois par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Les attaques terroristes se multiplient et étendent leur emprise.
En quatre jours, le terrorisme aveugle a frappé trois fois, à Istanbul, Djakarta et Ouagadougou. Après avoir fait 130 morts le 13 novembre en plein Paris, la pieuvre djihadiste étend ses tentacules, souvent où on ne l'attend pas.
En Turquie, un kamikaze s'est fait exploser mardi près d'un groupe de touristes allemands, dans le coeur touristique d'Istanbul. L'attaque qui a fait 10 morts et 17 blessés, a été attribuée au groupe Etat islamique (EI). Le kamikaze venait de Syrie.
En Indonésie, les attentats-suicides visant notamment un café Starbucks, qui ont fait deux morts et 20 blessés jeudi, ont été financés avec des fonds provenant de Daech.
Par ailleurs, un couple d'Australiens, enlevé vendredi au Burkina Faso, est aux mains des djihadistes a indiqué hier le groupe terroriste malien Ansar Dine.
Carte datant de 2014
Al-Qaïda reste influente dans la zone sahélo-saharienne
Au Burkina Faso, l'attaque d'un hôtel et d'un restaurant fréquentés par des Occidentaux vendredi soir a été revendiquée par Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) qui en a attribué la responsabilité au groupe Al-Mourabitoune de l'islamiste algérien Mokhtar Belmokhtar. En perte de vitesse dans le reste du monde face à son grand rival qui a établi un "califat" à cheval sur l'Irak et la Syrie, Al-Qaïda montre ainsi qu'il reste influent en Afrique, surtout dans la zone sahélo-saharienne.
Aqmi était déjà derrière l'attaque de l'hôtel Radisson, Blu de Bamako au Mali, qui a fait 20 morts en novembre 2015. Le groupe Al-Mourabitoune était aussi responsable de l'attentat visant un bar-restaurant de Bamako fréquenté par des expatriés en mai 2015. Bilan : cinq morts dont un Français et un Belge.
Une capitale jusqu'ici épargnée
Chassés du Nord-Mali par l'armée française et l'opération Serval, les djihadistes ont changé de stratégie face aux 4 000 militaires français déployés au sein de l'opération Barkhane, qui a pris le relais de Serval. En tuant 26 personnes dont deux Français à Ouagadougou, une capitale jusqu'ici épargnée par le terrorisme islamiste, ils viennent narguer la France en plein coeur de son "pré carré".
Près de 3 500 ressortissants français vivent en permanence au Burkina Faso, dont environ 2 700 dans la capitale, Ouagadougou. Le lycée français y compte 472 élèves français. Le Burkina est aussi un point d'appui important pour Barkhane et le pays fournit un contingent de militaire au sein de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma).
Un président en fonction depuis deux semaines
L'attaque terroriste de Ouagadougou intervient en pleine transition politique, après la fuite du président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir en octobre 2014 par une révolte populaire. Le gouvernement a été nommé il y trois jours et le nouveau président élu démocratiquement, Roch Marc Christian Kaboré, a pris ses fonctions il y a deux semaines à peine.
"C'est une transition politique d'un régime semi-autoritaire vers la démocratie. Cela fait du pays un symbole de progrès, d'avancée. C'est aussi ce genre de symbole que les terroristes veulent détruire", commente Cynthia Ohayon, experte à l'International Crisis Group (ICG) à Dakar.
En concurrence pour le leadership au sein de la sphère djihadiste, Daech et Al-Qaïda se livrent à une terrible surenchère. En élargissant leur champ d'action, ils partagent aussi souvent un objectif commun en choisissant de s'en prendre à des cibles occidentales. Luc Chaillot
Deux assauts pour libérer les otages
Le bilan de l'attaque terroriste contre un hôtel et un restaurant de Ouagadougou est très lourd. Au moins 29 personnes ont été tuées et 150 blessés selon un décompte encore provisoire. Le ministère des Affaires étrangères français a annoncé hier la mort de trois Français, dont deux confirmés par le Quai d'Orsay et le troisième par la famille.
Deux Suisses ont été également tués. Une photographe franco-marocaine, Leila Alaoui, a été blessée. Elle effectuait un reportage au Burkina Faso pour Amnesty International. Quatre djihadistes ont été tués au cours de l'assaut donné par les forces de l'ordre pour libérer 126 personnes prises en otages. La section antiterroriste du parquet de Paris a ouvert une enquête pour assassinats et tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste.
"Dès que tu soulevais la tête, on t'abattait"
"Ils sont entrés et ils ont commencé à tirer. Tout le monde s'est couché à terre. Dès que tu soulevais la tête, on t'abattait directement. Il fallait faire semblant d'être mort. Ils venaient même toucher les pieds pour voir qui était encore vivant", a raconté un rescapé à la télévision nationale du Burkina Faso.
"Ensuite, ils ont mis le feu et c'était impossible de respirer. Même dans la fumée, si tu essayais de t'échapper, ils étaient là à la porte". Vendredi soir, plusieurs terroristes ont mitraillé les terrasses de plusieurs bars avant de faire irruption dans l'hôtel Spendid, un établissement de luxe de Ouagadougou fréquenté par des Occidentaux et des employés des agences des Nations unies.
Un deuxième commando a pénétré dans le restaurant. Le Cappuccino, un autre lieu de rendez-vous de la communauté expatriée situé en face de l'hôtel. Un premier assaut dans l'hôtel Spendid a été donné au milieu de la nuit par les forces burkinabés, avec le soutien de militaires français des forces spéciales stationnés à Ouagadougou. A l'aube, l'assaut a été lancé au Cappucino, où des djihadistes s'étaient également retranchés après avoir fait de nombreuses victimes.
Signé Mokhtar Belmokhtar
Donné mort plusieurs fois, Mokhtar Belmokhtar reste insaisissable et fait à nouveau parler de lui. L'islamiste algérien pourrait être l'instigateur des attaques de Ouagadougou. Surnommé "le borgne" après avoir perdu un oeil pendant la guerre en Afghanistan et "Mister Malboro" pour ses trafics de cigarettes, il a fait du Sahara et du Sahel une terre de djihad.
Cet ancien membre du GIA (Groupe islamique armé) à été l'un des premiers à se rallier à Oussama Ben Laden, pour créer l'organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). En mai 2015, Mokhtar Belmokhtar a réaffirmé sa loyauté à Al-Qaïda et son rejet de Daech.
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