le Progrès du dimanche 20 août 2017
Et si la reprise économique française était plombée par ses mauvaises performances à l'exportation ? Les bonnes et mauvaises raisons de s'inquiéter des faiblesses du "made in France"...
Les bonnes nouvelles se multiplient sur le front de l'emploi... et les mauvaises sur le terrain du commerce extérieur. Le déficit s'est encore creusé de plus de 34 milliards d'euros sur les six premiers mois. Comment ces chiffres "extraordinairement préoccupants", le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, prévient déjà que le déficit "sera sans doute plus élevé encore cette année" que l'année dernière Pire, s'alarmait récemment Le Monde, un produit acheté sur trois vient aujourd'hui de l'étranger, quand la proportion n'était encore que 25 % en 2004.
Un marché mondialisé
Oui, il y de quoi s'alarmer - mais pas de tout également, explique en substance Sébastien Jean, directeur du Cepii (Centre d'études sur l'économie internationale). Ainsi de la dégradation du déficit ces derniers mois : "Elle est surtout due à la reprise économique, plus précisément l'augmentation de la demande intérieure". Ce sont en effet les importations qui augmentent fortement (+ 4,4 %), alors que les exportations ne se portent pas mal (+ 1,3 %).
Il convient aussi de relativiser les déboires du "made in France". Certes, les Français achètent de plus en plus de produits étrangers. Mais c'est le cas des consommateurs du monde entier, sur un marché mondialisé. Et ces produits mélangent le plus souvent des éléments venus de plusieurs pays : environ 25 % de la valeur des exportations françaises est fournie par des éléments étrangers ; et 1,5 % de la valeur de nos importations de l'étranger est en fait de la valeur ajoutée française.
"Des usines ferment"
Jean-Yves Le Drian a cependant raison d'être préoccupé : la France perd des parts de marché, ce dont témoigne la faible progression des exportations, quand l'économie mondiale se porte mieux. "C'est alarmant, car cela signifie une perte de substance de notre industrie : des usines ferment", insiste Sébastien Jean.
La cause principale en est selon lui la perte de compétitivité des produits français, non pas dans le vaste monde, mais d'abord en Europe - et cela depuis quinze ans : "Il y a eu un décrochage au début des années 2000... Il était masqué par la faiblesse de la croissance de la consommation, mais il réapparaît avec la reprise".
Les solutions sont en France, avec une combinaison de baisse des coûts de production et d'amélioration de la qualité des produits. Elles sont également en Europe : "Nous devons convaincre l'Allemagne de réduire ses excédents et de consommer davantage". Sinon ? La reprise sera éphémère, et les mauvaises nouvelles seront de retour sur le front de l'emploi. Francis Brochet
- 48,4 milliards d'euros : le déficit français du commerce extérieur sur les douze derniers mois, malgré un prix du pétrole à un niveau raisonnable. Un déficit qui se dégrade en raison d'une forte augmentation des importations, plus forte que la petite reprise des exportations.
Made in... plusieurs pays !
Dans une automobile française, fabriquée en France 69 % seulement de la valeur est vraiment "made in France". Dans la mode, la proportion tombe à 57 %... Ces chiffres (de 2012) montrent le caractère relatif de la nationalité des produits, avec l'internationalisation de la production.
Ainsi, dans les exportations françaises, un quart en moyenne de la valeur est en fait d'origine étrangère, et même près de la moitié dans le matériel de transport (dont l'aéronautique), selon le Cepii. À l'inverse, les produits importés d'Espagne incluent en moyenne 3,2 % d'intrants français... Ce phénomène complique l'étiquetage des produits. L'Europe ne s'est toujours pas mis d'accord sur des critères : l'Allemagne freine, soucieuse de profiter de la bonne image du "made in Germany" même quand il n'est que partiellement allemand.
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