le Progrès du jeudi 9 juillet 2015
MAGHREB - Emeutes meurtrières en Algérie. Un appel à la grève général est lancé. Une vingtaine de personnes sont décédées dans des affrontements entre communautés berbères et arabes à Ghardaïa, dans le Sud. Une "porte du désert" en proie à des tentatives de déstabilisation.
"Une atmosphère de guerre civile". Ce sont les termes employés par les journalistes algériens contactés hier et familiers de la "wilaya" (région administrative) de Ghardaïa, située à 600 km au sud d'Alger, où 23 personnes ont trouvé la mort depuis lundi soir. Plusieurs centaines de blessés ont été dénombrés, sans compter les saccages et les pillages. "L'hôpital de Ghardaïa n'arrive plus à contenir les blessés", rapportait même le quotidien le Liberté hier.
Ces affrontements meurtriers, particulièrement dans la ville de Guerrara, opposent les communautés berbérophones ("mozabites") et arabophones ("châambis"). Les antagonismes ne datent pas d'hier dans cette vallée du M'Zab, considérée comme "la porte du désert" : depuis 1975, la violence refait surface entre les deux camps.
Ces derniers troubles interviennent quelques jours seulement après la visite du ministre de l'Intérieur, Nourredine Bedoui, venu justement à la tête d'une impressionnante délégation (Sûreté nationale, gendarmerie...) installer une commission "chargée de l'examen des voies et moyens pour consolider le retour à l'ordre public dans la région de Ghardaïa".
Police débordée... et en grève
Cette explosion de violence, en plein ramadan et avec des armes à feu, sonne donc comme un défi au pouvoir central, incapable jusqu'à présent de ramener le calme. Les "ultras", jeunes en majorité et au chômage dans cette région pauvre, prennent le dessus sur les modérés et les notables locaux qui appellent, "à la vigilance et la sagesse". Depuis le début, les forces anti-émeutes de la police ont été débordées. Et sont "finalement en grève", nous rapportait hier une source algérienne, "pour dénoncer leur manque de moyens depuis 2013 dans ce secteur instable".
Hier, alors que les affrontements se poursuivaient malgré des renforts de gendarmerie, le couvre-feu était envisagé. Le président Abdelaziz Bouteflika a convoqué une réunions d'urgence. De son côté, l'opposition a mis ces violences meurtrières sur "la vacance du pouvoir", jugeant que "ce qui se jouait à Ghardaïa était la dislocation de l'Algérie".
Soupçons de manipulation
Dans la capitale d'Alger, un regroupement de soutien aux Mozabites a appelé hier à "une grève nationale", soulignant par ailleurs que les émeutes meurtrières "n'étaient pas d'origine ethnique comme certains le prétendent, mais plutôt liées à de la manipulation".
Que faut-il entendre par "manipulation" ? Crise interne au pouvoir entre la présidence et les services de renseignements algériens ? Le très puissant DRS qui, selon un ex-officier algérien joint hier, "contrôle les opinions locales en tant que police politique parasiterait le travail de la police et des CRS". Cette escalade profiterait-elle plutôt à des courants ultra-religieux comme "les takfiristes wahhabites" qui poussent leurs pions dans cette région, ou alors à des groupes armés pour lesquels Ghardaïa se situe sur "la route de la cocaïne" ?
Ce conflit - "cet abcès de fixation" - n'étonne gère Akram Kharief, spécialiste algérien des questions militaires et auteur du blog SecretDifa3 pour qui Ghardaïa est "un mille-feuille de soucis". Un embrasement est possible, pense-t-il même, "car il y a des mouvements, y compris armés, pour une autonomie du Sud" Xavier Frère
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