le Progrès du mardi 16 août 2016
SANTÉ - TESTS GÉNÉTIQUES EN VENTE LIBRE SUR INTERNET
L'ADN peut-il faire parler le passé et prédire notre avenir ?
Des sociétés assurent identifier grâce à vos gènes vos ancêtres ou évaluer vos risques pour une maladie. Mais que valent ces promesses ?
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avoir grâce à un simple prélèvement de salive qui étaient vos ancêtres : c'est la promesse sur laquelle surfent depuis quelques années des sociétés commerciales basées aux États-Unis. En France, la loi interdit les tests génétiques pour "convenance personnelle" (ils ne sont autorisés qu'à des fins médicale, scientifique ou pour une procédure judiciaire. La loi est floue sur les risques encourus à faire pratiquer hors de France ces tests "récréatifs").
Cependant, à l'exception de quelques sites internet, la plupart ne voient aucun inconvénient à expédier un kit de prélèvement à un client français. Après y avoir glissé sa salive et réexpédier le tout par transporteur privé, vous recevrez quelques semaines plus tard, par mail, un lien pour découvrir des éléments de votre génome, plus ou moins détaillés, selon le type de tests et la somme déboursée.
"On ne peut pas dire que vous descendez de Charlemagne"
Mais n'imaginez pas apprendre que Napoléon est votre aïeul direct. "Les tests sont beaucoup plus fiables qu'il y a quelques années mais les informations restent limitées. On ne peut pas dire à quelqu'un qu'il descend de Charlemagne mais simplement qu'il partage un certain nombre de gènes avec Charlemagne", explique David Cox, chercheur en génétique.
En fait, ces sociétés pistent des mutations génétiques apparues chez certaines populations au fil des migrations et utilisent un modèle statistique pour rapprocher le profil du client à celui de telle ou telle population. Vous apprendrez ainsi à quel "haplogroupe" vous appartenez, chaque haplogroupe réunissant des personnes ayant un profil génétique similaire et donc un ancêtre commun.
L'humanité compte environ 25 haplogroupes, désignés par les lettres de l'alphabet. En France, la probabilité la plus forte est d'appartenir, côté paternel à l'haplogroupe R, issu d'un homme vivant il y a 28 000 ans en Asie centrale, et côté maternel à l'haplogroupe H, issu d'une femme remontée du Proche-Orient en Europe il y a environ 22 000 ans, avant la fin de l'âge de glace. Mais certains Européens sont des descendants d'esclaves enlevés d'Afrique par les Romains... Tandis qu'une étude sur l'ADN de 89 habitants de Valognes (Manche) a montré que, si les Normands avaient bien des marqueurs vikings, ils avaient aussi des marqueurs d'Afrique du nord jouant "un rôle plus important que prévu".
Mais ces interprétations statistiques sont parfois fausses, car elles sont basées sur une localisation géographique moyenne et que des populations sont surreprésentées : celles des pays développés et de quelques peuples isolés très étudiés en anthropologie. Un enfant issu d'un mélange maternel espagnol et paternel grec peut ainsi être localisé chez les Italiens. C'est pourquoi les amateurs de généalogie font parfois appel à deux sociétés pour croiser les résultats.
Cousinades planétaires
En fait, le plus grand intérêt de la démarche réside dans la possibilité de se découvrir des cousins plus ou moins éloignés. Une fois votre ADN dans sa base de données, la société vous proposera d'entrer en contact avec les personnes qui "matchent le plus", c'est-à-dire dont l'ADN est le plus proche du vôtre. "Le plus intéressant, c'est quand on a un cousin vérifiable dans les actes, et le plus amusant, c'est de prendre contact pour faire de la généalogie ensemble", explique le journaliste Guillaume de Morant, auteur de Retrouver ses ancêtres par l'ADN (Autrement, 2009), qui a lui-même découvert qu'il descendait bien moins des Vikings que ne l'affirmait la légende familiale.
"Finalement, c'est un complément intéressant à la généalogie et cela nous révèle que nos racines nous sont complètement inconnues", estime Guillaume de Morant. Pour lui, la pratique prend "son essor tout doucement", même si les Français craignent des sanctions - peu probables - et il garde l'espoir que la législation devienne plus claire en la matière. Sylvie Montaron
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