le Progrès du mardi 28 juillet 2015
TURQUIE - Le jeu dangereux d'Erdogan. Le président islamo-conservateur s'attaque aux Kurdes plus qu'aux Djihadistes. "La guerre contre le terrorisme est un prétexte. Le vrai but est de louer la revanche du 7 juin", date du revers électoral du parti au pouvoir en Turquie, estime un éditorialiste turc. Une analyse partagée par les spécialistes.
A quel jeu joue la Turquie ? Depuis deux jours, elle réserve l'essentiel de ses frappes aériennes non pas à l'Etat islamique, mais aux rebelles kurdes du PKK, et plus seulement dans leurs camps d'entraînement en Irak.
Un nouveau pas a été franchi dans l'escalade, avec le bombardement d'un village sous contrôle kurde en Syrie, ce qui aide directement les islamistes de l'Etat islamique, puisque ce sont les Kurdes qui leur tiennent tête à cet endroit.
L'armée de Bachar Al-Assad s'est replié pour sa part autour de Damas et dans son réduit alaouite autour de Lattaquié. Pour David Romano, de l'université d'Etat du Missouri (Etats-Unis), la priortié turque ne plus aucun doute : les rebelles kurdes sont la cible principale. "Ankara fait d'une pierre deux coups", estime ce spécialiste du mouvement kurde. En autorisant l'armée américaine à utiliser la base d'Incirlik pour frapper l'EI-Daech en Syrie et en Irak, les Turcs font le pari d'un "donnant-donnant" qui verrait Washington s'éloigner des Kurdes de Syrie, décrypte M. Romano.
Eviter une région kurde autonome en Syrie
Depuis les défaites des djihadistes à Kobané puis Tall-Abyad, Ankara s'inquiète de la progression des milices kurdes dans le nord et la Syrie et souhaite éviter à tout prix la constitution d'une région autonome kurde à sa frontière.
D'où son insistance à mettre sur un même pied la menace djihadiste et celle du PKK, toutes deux définies comme "terroristes". "Même si les deux mouvements agissent différemment, ils partagent la même tactique et les mêmes objectifs", affirme le porte-parole du président Erdogan, Ibrahim Kalin.
Erdogan veut affaiblir les Kurdes modérés
L'attentat de Suruç et les frappes militaires turques interviennent dans la foulée des législatives du 7 juin, qui ont vu le Parti de la justice et du développement (AKP) du président perdre la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans.
Les discussions pour une coalition sont engluées et beaucoup soupçonnent M.Erdogan de s'activer en vue d'élections anticipées. Avec l'espoir que sa guerre contre le PKK nuise au parti kurde et lui rallie les voix des nationalistes turcs.
"Il est difficile de ne pas voir que la situation actuelle affaiblit le chef kurde modéré Selahattin Demirtas et renforce la main de l'AKP (le parti d'Erdogan), note Natalie Martin, de l'université Trent de Nottingham (Grande-Bretagne). Un meilleur score de l'AKP permettrait au président Erdogan de renforcer son emprise sur le pouvoir".
"La guerre contre le terrorisme est un prétexte. le vrai but est de jouer la revanche du 7 juin", résume l'éditorialiste Cengiz Candar dans le quotidien Radikal.
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