le Progrès du mercredi 25 mai 2016
SOCIAL - LA CGT DÉFIE LE GOUVERNEMENT
La loi Travail tourne à l'épreuve de force
La pénurie d'essence s'installe, l'aviation civile s'apprête à se mettre en grève, la CGT rejoint le mot d'ordre de grève reconductible à la SNCF. La France va-t-elle au blocage, à quelques jours du coup d'envoi de l'Euro de football ?
En l'espace de quelques jours, le bras de fer autour de la loi Travail qui s'enlisait dans des journées de mobilisation routinières mais violentes et dans les AG de Nuit Debout, vient de prendre une ampleur inattendue. Le blocage des raffineries a fait entrer le conflit dans le quotidien des Français. La pénurie d'essence - largement alimentée par la panique des automobilistes - s'est propagée de l'Ouest à l'ensemble du pays comme une violente tempête.
Hier, à quelques heures d'intervalle, les syndicats ont appelé à la grève dans l'aviation civile (du 3 au 5 juin) et la CGT a rallié l'Unsa, Sud et la CFDT pour appeler à une grève reconductible (traduire : illimitée) sur le réseau SNCF à partir du 31 mai. Un appel à la grève dans les transports parisiens est également lancé pour début juin. Si rien ne bouge d'ici une semaine, l'ensemble des moyens de transport pourrait être progressivement mis à l'arrêt en Franc. On sera à moins de dix jours du début de l'Euro et football.
L'épreuve de force
La nuit dernière encore, le gouvernement pensait pouvoir débloquer la situation. Il a fait sauter par la force (gaz lacrymogènes et canons à eau) les barrages fermant l'accès au site pétrolier de Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône. L'opération sur le terrain a été un succès et a permis à une file de camions de venir s'approvisionner. Mais l'intervention, loin d'impressionner les grévistes, a contribué à durcir encore le mouvement.
Entre la CGT et le gouvernement c'est désormais l'épreuve de force. François Hollande, a dénoncé, hier matin sur France Culture, des "actions minoritaires". Et de fait, ces blocages pallient la mobilisation qui stagne dans les grandes journées de grève interprofessionnelles. Mais ils s'appuient aussi sur un réel malaise dans le pays. 83 % des Français considèrent que François Hollande n'est pas un bon président de la République, dans le dernier sondage Odoxa publié hier. Et 73 % des Français ont une mauvaise opinion de Manuel Valls, le Premier ministre (baromètre Odoxa pour l'Express, France Inter et la presse régionale. Enquête réalisée auprès d'un échantillon de 1 020 Français, les 19 et 20 mai).
Le rejet d'une politique
Les grévistes - y compris les plus déterminés - ont quasiment tous voté Hollande au deuxième tour de la présidentielle de 2012. Leur défiance n'en est que plus forte. Au-delà de la loi Travail, c'est toute une politique qu'ils rejettent.
Depuis trois mois que la controverse pourrit la vie du gouvernement celui-ci surveille, comme le lait sur le feu, les mouvements d'humeur de la jeunesse. Il a lâché beaucoup de lest à l'Unef et a peut-être oublié que la loi Travail concerne d'abord le monde... du travail. Or, calmer la CGT est moins facile que de prolonger de quatre mois les bourses étudiantes. Philippe Martinez a trouvé une occasion rêvée de ressouder un syndicat miné par les dissensions, qui a été contraint de limoger Thierry Le Paon, le secrétaire général précédent, en début d'année dernière.
Le gouvernement, hier, campait sur ses positions. "Il n'y aura pas de retrait du texte. Sinon dans ce pays on ne peut plus réformer", a redit Manuel Valls à Jérusalem où il était en visite. Et d'ajouter : "Qui est-ce qui est en train de devenir le premier syndicat en France, c'est la CGT ou la CFDT, bon sang de bonsoir ? Qui gagne les élections dans la fonction publique ? L'Unsa. Et qui gagne des voix dans le privé, si ce n'est la CFDT ?"
Rester premier syndicat de France, c'est justement l'objectif de la CGT ! Et contrairement à Manuel Valls, elle estime que c'est dans le bras de fer et non dans la conciliation qu'elle peut gagner son pari...
FMI : cadeau brûlant
Secoué par en bas, le gouvernement est également sous pression d'en haut : hier le Fonds monétaire international a revu à la hausse sa prévision de croissance pour la France, tout en soulignant que la réforme El Khomri n'allait pas assez loin.
C'est un coup de pouce au gouvernement qui, sur le terrain, peut se révéler provocateur : le FMI c'est l'éminent représentant de cette finance que prétendait combattre François Hollande en 2012... Patrick Fluckiger
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