le Progrès du mercredi 27 juillet 2016
TECHNOLOGIES - ENVIRONNEMENT. SOLAR IMPULSE, UN VOL POUR LA PLANÈTE
L'avion à énergie solaire, piloté alternativement par les deux Suisses Bertrand Piccard et André Borschberg, a bouclé son tour du monde hier à Abou Dhabi. Un exploit mondial pour l'aviation... et surtout l'environnement.
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n tour du monde de 43 000 kilomètres avec le soleil comme unique carburant et pas une seule goutte de Kérosène ! "Avec des technologies propres, on peut réaliser l'impossible", a tweeté Bertrand Piccard à son arrivée hier à Abou Dhabi aux Émirats arabes unis. Le pilote suisse de 58 ans venait de boucler avec succès son périple avec escales à bord de Solar Impulse 2 (SI2), l'avion solaire expérimental. "Un jour historique", a salué le prince Albert II de Monaco, parrain de l'expédition.
"Ce fut un défi plus humain que technique", avait déjà analysé André Borschberg, 63 ans, l'autre pilote de SI2. Une chose est sûre : ce pari osé mais réussi élève les deux Suisses au rang de pionniers de l'aviation du XXIe siècle. Piccard et Borschberg deviennent à leur tour des légendes après les duos américains Smith-Arnold et Nelson-Harding qui, en 1924, avaient réalisé le premier vol autour de la planète.
Nuage infranchissable
Initialement prévu pour durer cinq mois - dont 25 jours de vol effectif -, le voyage en dix-sept étapes des deux compatriotes s'est finalement étalé sur plus d'un an et quatre mois depuis le 9 mars 2015. À une vitesse moyenne de 80 km/h et à une altitude de 8 500 mètres maximum. Avec son lot d'avaries aussi.
Les deux premières étapes sont pleines de promesses : d'abord 400 petits kilomètre entre Abou Dhabi et Mascate (sultanat d'Oman), puis 1 465 km jusqu'à Ahmedabad (ouest de l'Inde). Mais le troisième décollage est retardé par des formalités administratives. Fin mars, ce sont les conditions climatiques défavorables qui clouent au sol l'avion solaire pendant trois semaines à l'aéroport de Chongqing (sud-ouest de la Chine). Les ennuis s'accumulent. Borschberg, atteint d'un zona à l'oeil, doit être rapatrié en Suisse. Le 21 avril 2015, Solar Impulse reprend son vol au-dessus de la Chine jusqu'à Nankin.
La météo jouera les trouble-fêtes encore plusieurs fois jusqu'à la destination finale. En juin 2015 au Japon, l'appareil reste bloqué un mois à cause d'un front nuageux infranchissable. Mais la traversée du Pacifique jusqu'à l'archipel américain d'Hawaï efface ces ajournements et Borschberg, seul aux manettes pendant cinq jours et cinq nuits, atterrit en héros. Après le plus long vol en solitaire jamais réalisé : 8 900 kilomètres parcourus grâce à quelque 17 000 cellules photovoltaïque sur les ailes qui stockent suffisamment d'énergie dans les batteries pour voler la nuit.
Panne technique
Mais les précieuses batteries ont été endommagées par une chaleur excessive et Solar Impulse 2 est à nouveau immobilisé à mi-parcours (18 000 km de vol). L'escale technique se prolongera presque un an. Finalement, le 21 avril 2016, le géant en fibre de carbone aussi large qu'un Boeing 747 mais ne pesant pas plus d'une tonne et demie, décolle : direction les les États-Unis d'ouest en est, puis l'Atlantique et enfin la Méditerranée. Retardée une nouvelle fois - Piccard est souffrant -, la dernière étape relie le Caire jusqu'à Abou Dhabi via la mer Rouge. Pas facile, toujours à cause de la chaleur : le monoplace "révolutionnaire", conçu pour supporter les températures en vol entre + 40 et - 40 degrés Celsius, ne dispose ni d'air conditionné ni de chauffage.
Un livre et des drones solaires
L'exploit de Piccard et Borschberg est bien plus qu'un nouvel épisode de l'histoire aéronautique. Leur initiative était d'abord destinée à promouvoir les énergies renouvelables. Un défi pour la planète en somme. Et un message que SI2 pourrait continuer à diffuser à travers le monde via des vols de démonstration.
L'avion solaire de ligne n'est pas pour demain. Mais "très bientôt, il y aura des passagers sur des avions électriques qui seront rechargés au sol", pronostiquent les deux pionniers. Ils sont déjà heureux de voir que de grands groupes comme l'avionneur européen Airbus et l'agence spatiale américaine Nasa ont commencé à travailler sur la propulsion électrique. Les deux amis et co-développeurs de Solar Impulse 2, avec de nombreux autres partenaires, ont, eux, l'intention d'écrire un livre et... de développer des drones solaires. Christine Beranger
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