www.l-air-du-temps-de-chantal.com

Le face-à-face s'annonce sans concession entre deux candidats qui doivent convaincre des électeurs de droite et de gauche réticents à leur accorder leurs suffrages.

Le générique et sa musique entre solennité et suspense, la façade de l'Élysée avec le drapeau tricolore en surimpression, les chronos, la caméra qui zoome vers la table ovale avec les candidats face à face de part et d'autre des deux présentateurs...

Depuis 43 ans, le duel télévisé reste un grand moment de la vie politique française, une rencontre de deux personnalités prêtes à en découdre devant le téléspectateur-électeur. Un événement avec ses formules qui claquent et ses répliques qui tuent, appelées à entrer dans l'histoire et les archives d'internet. Les commentateurs attendent d'ailleurs le résultat de l'élection pour proclamer le vainqueur du duel, histoire de ne pas se retrouver en contradiction avec le peuple.

Candidats hyperclivants

Au bout de cette campagne baroque, ce face-à-face entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'annonce sans ressemblance avec les précédents. C'est le premier sans socialiste ni libéral-gaulliste, traduction de cette envi de renouvellement, marque indélébile de ce scrutin. Le premier aussi avec le représentant du Front national, signe de l'appartenance de ce parti au système politique français. Le dernier d'une série inédite de onze débats de primaires ou d'avant premier tour.

Mais pas de risque de lassitude ou d'ennui ce soir entre 21 heures et 23 h 20. Comme les six précédents, le duel promet la confrontation sans concession de personnalités sans grande expérience de l'exercice mais campées sur des parcours, des fondamentaux idéologiques et des programmes on ne plus clivants. Extrême-droite nationale, protectionniste et anti-européene contre social-libéralisme pro-européen assumé.

On peut donc s'attendre à une Marine Le Pen à l'offensive sur la finance, sur l'immigration, sur la jeunesse du favori des sondages qu'elle présente en héritier de Hollande. Emmanuel Macron ira la chercher sur la sortie de l'euro, le risque de crise sociale et sur l'héritage clanique et idéologique du Lepénisme.

Convaincre à droite et à gauche

Mais la principale différence entre ce débat et ses devanciers, c'est que les candidats doivent convaincre non pas une frange limitée d'hésitants mais des masses importantes d'électeurs qui n'ont pas envie de voter pour eux. Le vote des Insoumis de gauche hier est révélateur de ce scepticisme : un tiers Macron, un tiers blanc, un tiers à la maison.

Mitterrand et Giscard ferraillaient pour déplacer 1,2 % d'indécis. Pour Macron et Le Pen, les reports potentiels ou les pertes de voix par abstention parmi ceux qui ont voté Fillon (20 %) ou Mélenchon (19,6 %) au premier tour se comptent par paquets de 5 %.

Depuis une semaine, Marine Le Pen s'adresse aux deux, au point de copier-coller mot pour mot des pans de programmes de la France insoumise et des phrases entières de discours du candidat de droite. Emmanuel Macron ne bouge ni sa ligne ni son programme mais engrange des soutiens de Christiane Taubira à la presse catholique en passant par le Premier ministre Bernard Cazeneuve qui tenait meeting pour lui à Dijon hier soir, ou le fondateur de l'UDI Jean-Louis Borloo.

Pour les deux candidats, ces acrobaties politiquement périlleuses : elles peuvent attirer ou décourager les sceptiques. Elles se doublent d'un autre numéro de funambule : les duellistes savent qu'ils suscitent plus de doutes que de confiance auprès de la moitié de l'électorat et donc chercheront à pousser l'adversaire à la faute tout en rassurant sur leur capacité à diriger le pays. Leur soirée n'est pas sans risque. Pascal Jalabert