le Progrès du samedi 22 août 2015
ASIE - Corée : la guerre est-elle possible ? Après les échanges de tirs d'artillerie entre les deux pays. Avec des manoeuvres militaires et des hauts-parleurs à ses portes, la Corée du Nord hausse le ton et se dit en état de guerre. Des menaces récurrentes, mais qui semblent cette fois-ci s'amplifier.
"Le roquet qui aboie ne mord pas", Ce proverbe asiatique se prête-t-il au sens de la provocation de Kim Jong-Un, le dirigeant nord-coréen ? Ou faut-il voir dans l'annonce hier de la mobilisation maximale de son armée, "prête au combat", un vrai signe de radicalisation ?
Depuis deux jours, après un bref mais intense échange d'artilleries sur la DMZ (la mal nommée zone démilitarisée, à la frontière entre les deux pays) ne faisant pas de victimes, l'escalade verbale et militaire se poursuit entre les deux Corée. Les menaces proférées par celle du Nord s'inscrivent, selon Juliette Morillot, grande spécialiste de la Corée et journaliste à la Revue jointe hier, "dans des cycles de provocation et d'apaisement depuis 2003" : "il y a généralement une montée en puissance à la fin de l'été qui culmine généralement à l'automne, cela retombe en hiver, et reprend au printemps...".
Un "mécanisme clair" lié également aux manoeuvres estivales conjointes entre 50 000 soldats coréens et 30 000 GI's destinées, dont l'objectif est de simuler une invasion du Sud par le Nord. L'étincelle de cette nouvelle crise date de début août, lorsque deux soldats sud-coréens ont été blessés par des mines anti-personnelles nord-coréennes. "Ce qui est inhabituel", relève l'experte, "c'est la réaction violent de la Corée du sud avec une rhétorique très nord-coréenne !" Comme un geste de défiance, Séoul avait alors réactivé ses haut-parleurs, muets depuis onze ans, qui diffusent des messages de propagande anti Kim Jung-Un ou de la musique pop.
"Ce serait suicidaire"
Autre facteur pas si anodin, le changement de fuseau d'horaire décrété par Pyongyang les 15 août : une "pique" adressée directement à la présidente Park Geun-Hye, dont le propre père, Park Chung-Hee, avait aligné l'heure sur celle du Japon en prenant le pouvoir en 1961.
Cette succession d'événements aboutit aujourd'hui à cet "état de guerre" décrété par le dictateur nord-coréen, comme "un moyen de cimenter son peuple derrière lui". Pour Juliette Morillot, "cette tension peut encore monter d'un cran, mais sans doute pas déboucher sur un affrontement direct, car ce serait suicidaire". En réalité, comme son père Kim Jung-il précédemment - même si leur style et leur entourage sont différents - Kim Jung - un fait "souffler le chaud et le froid pour obtenir ce qu'il veut... Xavier Frère
Soixante ans de défiance
Le "Pays du matin calme", comme est surnommée la péninsule de Corée, a rarement connu la... paix depuis soixante an. En 1948, est née au Nord la République démocratique de Corée, soutenue par l'Union soviétique d'alors, au sud naissait la République de Corée, alliée des Etats-Unis.
Les deux pays sont séparés par le 38e parallèle. Au paroxysme de la guerre froide a éclaté la guerre de Corée (1950-1953). Un cessez-le-feu a été signé par la Corée du Nord avec les Etats-Unis, mais sans véritable armistice. Aucun traité de paix officiel n'ayant été signé, les deux parties sont toujours théoriquement en guerre.
Pourtant, des tentatives de réchauffement diplomatique ont eu lieu, en 2000, puis début octobre 2007, lorsque les ex-frères ennemis, Roh Moo-Hyun (Corée du Sud) et Kim Jung-il (Corée du Nord) s'étaient retrouvés Pyongyang. Les deux parties s'étaient engagées dans un document "à promouvoir la paix et la prospérité économique". Roh Moo-Hyun affirmait alors que cette réconciliation devait s'inspirer de "la politique du rayon de soleil", chère à Willy Brandt et son "Ostpolitik", dans les années 70.
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