le Progrès du samedi 24 décembre 2016
RELIGION - CIBLES DES DJIHADISTES. CHRÉTIENS, MARTYRS D'ORIENT
Plus de 25 coptes ont été tués en pleine messe, le 11 décembre dernier au Caire, la capitale égyptienne. États des lieux.
Ce qui s'est produit a marqué ma famille à vie. Nous pensons de plus ne plus à quitter le pays. Mais nous sommes nés ici et je ne vois pas mon avenir ailleurs". Sherif Milad, 36 ans, patron d'entreprise au Caire, a perdu sa tante et une cousine dans l'attentat d'une église copte, en pleine messe, le 11 décembre dernier.
La survie des chrétiens d'Orient est-elle compromise ? En Égypte, où l'on compte plus de 8 millions de coptes (environ 10 % de la population totale) et donc la plus forte communauté chrétienne d'Orient, la question se pose. Selon l'organisation non gouvernementale internationale Human Rights Watch, au moins 42 églises ont été brûlées ou vandalisées depuis l'été 2013, ainsi que des dizaines d'écoles, de maisons et de commerces appartenant à des coptes.
Le sujet est plus épineux encore depuis qu'un kamikaze s'est fait sauter à l'intérieur de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul, contiguë à la cathédrale copte Saint-Marc, siège du pape de l'Église copte orthodoxe Tawadros II. L'attaque-suicide, revendiquée par Daech, a fait plus de 25 morts.
Fêtes annulées
Nouvelle onde de choc, donc, dans la capitale, à laquelle ont succédé la colère, les manifestations, puis, rapidement, le silence. "Et la tristesse sur les visages", assure Camelia Metias, 39 ans, copte du Caire. "Cette tristesse est plus forte encore depuis qu'on a appris le décès, mercredi, d'une enfant âgée de 10 ans hospitalisée".
Cette semaine, en signe de solidarité pour les coptes orthodoxes, c'est toute la communauté catholique d'Égypte qui a décidé d'annuler les fêtes de Noël. Concerts et autres rassemblements ont ainsi été supprimés dans toutes les paroisses du pays. "Nous n'avons pas d'autres armes que la prière", affirme l'ancien recteur - pendant 17 ans - de la mission copte-catholique à Paris, Mgr Michel Chafik.
Prier ou partir
Malgré les explosions meurtrières et autres enlèvements d'"innocents", l'homme d'église encourage tous les chrétiens d'Orient, quels qu'ils soient et d'où qu'ils soient, à rester dans leur pays. "Nous sommes des autochtones. Nos pays ne peuvent pas vivre sans chrétiens. Avec les musulmans, nous ne formions qu'un seul peuple. Mais depuis les années 1970 et l'arrivée du pétrodollar, les mauvais esprits se sont installés et, parallèlement à ce coran qui voulait moderniser l'islam et qui a échoué, nous nous sommes retrouvés confrontés à une deuxième coran qui, lui, voudrait islamiser la modernité". Jane Hitchcock
Isabelle Dillmann, auteur d'"Au coeur du chaos", un livre d'entretiens avec le Patriarche Raï, chef de l'Église maronite
"Le christianisme ne peut mourir là où il est né"
La persécution des chrétiens d'Orient s'est-elle à ce point développée au fil des années ?
Le christianisme ne peut mourir là où il est né. Les chrétiens sont un pan de l'histoire du Proche-Orient. La vie nomade sur cette terre biblique ne peut disparaître brutalement. Le Moyen-Orient ne compte plus aujourd'hui que 20 millions de chrétiens - dont les coptes orthodoxes qui sont parmi les plus nombreux notamment en Égypte - qui cohabitent avec 350 millions de musulmans.
Alors qu'au début du XXe siècle, les chrétiens représentaient un quart de la population, on s'oriente vers un monde moyen-oriental sans chrétiens... ou à peine tolérés ou interdits comme en Turquie de restaurer les lieux de culte dévastés. Si certains pays européens encouragent les chrétiens d'orient à quitter leur terre natale, le Patriarche ne cesse de les inciter à rester en Orient car l'on sait que partout où la présence des chrétiens diminue, la liberté rétrécit.
Quels sont les défis particuliers auxquels les chrétiens sont exposés aujourd'hui ?
Ce que réclame le Patriarche, c'est que cessent la guerre et le double jeu des grandes puissances. Il définit clairement les enjeux dont le premier est la cohabitation des chrétiens d'Orient avec un Islam dénaturé et dévoyé par la montée en puissance des mouvements fondamentalistes terroristes alors que l'Islam et le christianisme ont en commun un certain nombre de valeurs humaines et spirituelles incontestables.
Comment Mgr Raï perçoit-il le drame de la Syrie ?
Sur 22 millions de Syriens 12 sont aujourd'hui déplacés, réfugiés ou handicapés de guerre. Le diocèse d'Alep est l'un des diocèses les plus anciens de l'Église Universelle. En 325 son Archevêque était présent au Concile de Nicée. Alep est devenue une ville défigurée, la Sarajevo du XXIe siècle alors qu'elle était la capitale économique du pays avec plus de 80 000 usines ! En ce sixième Noël de guerre, des millions d'enfants syriens vivent sans abri, ou sous des tentes aussi pauvres qu'une étable ouverte froide et démunie.
A découvrir aussi
- le Progrès du dimanche 17 mai 2015
- le Progrès du mercredi 9 septembre 2015
- le Progrès du lundi 9 mai 2016
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 59 autres membres