le Progrès du samedi 27 juin 2015
ATTENTAT - L'horreur dans une entreprise de Saint-Quentin-Fallavier : un Rhodanien décapité, un suspect résidant à Saint-Priest arrêté, une enquête confiée au parquet antiterroriste. Le terroriste frappe une usine aux portes de Lyon. Journée terrible à Saint-Quentin-Fallavier ce vendredi. Un homme a été décapité et un véhicule a été projet dans des réserves de gaz de la société Air Products. L'acte est qualifié de terroriste.
122 000 policiers, gendarmes et militaires sont mobilisés dans toute la France depuis les attentats de janvier pour la protection des citoyens dans le cadre du plan Vigipirate (source : ministère de l'Intérieur).
"On est de musulmans normaux, on fait le ramadan. Normal. On a trois enfants, une vie de famille normale".L'épouse de Yassin Salhi, auteur présumé de l'attentat au micro d'Europe 1, hier matin, avant son interpellation
Il est 9 h 35 : "Une détonation", "une déflagration", "une explosion", "un gros boum". Quel que soit le mot employé, les personnes situées à proximité de la société Air Products de Saint-Quentin-Fallavier racontent la même histoire. C'est cette explosion qui déclenche l'alerte dans le site dont la direction informe les sapeurs-pompiers. E, manoeuvre dans la caserne toute proche, les soldats du feu arrivent quatre minutes après l'alerte.
Vers 10 heures, en inspectant un entrepôt proche de l'explosion, les premiers soldats du feu à intervenir aperçoivent une homme "dont ils comprennent assez rapidement qu'il n'a rien à faire là", confie une source fiables. Un homme qui tentait d'ouvrir des bouteilles d'acétone, a précisé, hier soir, le procureur de la République de Paris François Molins.
Une bagarre s'engage alors entre un sapeur-pompier et l'homme qui vient de projeter son véhicule contre une réserve de gaz, ce qui a provoqué l'explosion. Maîtrisé, l'homme est remis aux gendarmes qui viennent d'arriver. A proximité du véhicule, le corps décapité d'un homme est retrouvé. Sa tête est découverte accrochée au grillage de la société encadrée de deux drapeaux islamiques.
La victime, Hervé Cornara, un homme de 54 ans
Le suspect légèrement blessé
En fin de matinée, la section antiterroriste du parquet de Paris est saisie de l'affaire et Bernard Cazeneuve, en visite à Lyon ce vendredi, prend la direction de Saint-Quentin-Fallavier, où le préfet de l'Isère Jean-Paul Bonnetain est arrivé. L'avenue des Arrivaux de Saint-Quentin-Fallavier où se situe la société Air Products est bouclée par les militaires et policiers. Tout comme la plupart des rues du quartier.
A 12 h 45, François Hollande qui a décidé d'abréger son voyage en Belgique s'exprime depuis Bruxelles. Au même moment, une ambulance escortée par les forces de l'ordre quitte le site d'Air Products. A son bord se trouve le principal suspect, légèrement blessé.
A 13 heures, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'approche des journaliste déjà très nombreux à environ 300 mètres de l'usine Air Products. Il donne immédiatement le nom d'un homme : Yassin Salhi. Un homme de 35 ans qui faisait "l'objet d'une fiche S éditée en 2006 et non renouvelée", "mais qui n'était fiché comme ayant voyagé en Syrie ou en Irak". Un homme au casier judiciaire vierge qui habite depuis quelques mois à Saint-Priest et qui est, selon le ministre de l'Intérieur, "en relation avec la mouvance salafiste".
Le véhicule est entré facilement sur le site
Vers 13 h 45, c'est le préfet de l'Isère Jean-Paul Bonnetain qui prend la parole. "Le véhicule n'a pas pu pénétrer par surprise sur le site, il y a été autorisé pour l'exercice de sa mission ", explique-t-il. Une information confirmée dans la journée, puisque ce véhicule était un utilitaire d'une société de transport qui livre régulièrement la société Air Products. Un fourgon conduit habituellement par son gérant qui est identifié comme l'homme retrouvé décapité et par un employé... Yassin Salhi.
Vers 14 heures, depuis la Colombie où il est en voyage officiel, le Premier ministre Manuelles Valls parle de "scénario abject". A 15 h 30, François Hollande, rentré de Belgique préside un Conseil de défense restreint avec le Premier ministre Manuel Valls en visioconférence et les ministres Laurent Fabius (Affaires étrangères), Christiane Taubira (Justice), Jean-Yves Le Drian (Défense) et Bernard Cazeneuve (Intérieur) par téléphone. François Hollande annonce que le plan Vigipirate est placé en alerte maximum en Rhône-Alpes pendant trois jours.
A 19 heures, le procureur de la République, de Paris François Molins, dans une conférence de presse, confirme que quatre personnes sont en garde à vue : Yassin Salhi, sa soeur, son épouse et un autre homme. François Molins explique également que les faits ont été en partie filmés par deux caméras de vidéosurveillance du site. L'utilitaire est entré dans l'enceinte d'Air Products à 9 h 28 avant de rapidement sortir du champ des caméras pour ne réapparaître qu'à 9 h 35. Sept minutes pendant lesquelles la tête de la victime aurait pu être accrochée au grillage de la société. Benoît Bouy
18 mars 2015 : Tunis, le Bardo
Le musée du Bardo, proche du Parlement tunisien, est pris d'assaut par deux hommes armés. Le bilan est de 22 morts (21 touristes étrangers dont deux Français). Les assaillants ont été abattus par la police.
14 février 2015 : Copenhague
Dans la capitale du Danemark, une première fusillade a eu lieu dans l'après-midi lors d'une conférence "Art, blasphème et liberté d'expression". Bilan : un mort et trois policiers blessés. Dans la nuit, nouvelle fusillade, avec le même tireur, devant la Grande synagogue de Copenhague. Un garde est tué d'une balle en pleine tête et deux policiers sont blessés. L'auteur des fusillades, Omar Abdel Hamid El-Hussein, est abattu par les policiers.
Janvier 2015 : Paris
Le 7 janvier, les frères Kouachi pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo, journal satirique, et assassinent 11 personnes, dont 8 membres de la rédaction. Les deux auteurs du massacre s'enfuient, se retranchent dans une imprimerie dans le nord de Paris et sont abattus par le GIGN deux jours plus tard. Le 8 janvier, Amedy Coulibaly, un complice des frères Kouachi, assassine une policière à Montrouge, et quatre personnes de confession juive le lendemain, dans un hypercasher porte de Vincennes, avant de mourir dans l'assaut policier.
24 mai 2014 : Bruxelles
Une fusillade éclate dans le musée juif de Belgique. Mehdi Nemmouche (un Français d'origine algérienne, radicalisé en prison) abat quatre personnes avec un revolver puis un fusil d'assaut. Il est arrêté le 30 mai à Marseille, en possession d'armes de guerre. Le terroriste a été extradé par la France.
Eté 1995
Lors de l'été 1995, Khaled Kelkal, un jeune français d'origine algérienne, membre du groupe islamiste armé (GIA), est l'auteur d'une vague d'attentats.
Le 11 juillet d'abord, il est impliqué dans l'assinnat de l'imam Sahraoui (dit modéré par le GIA), dans sa mosquée à Paris.
Le 15 juillet, de retour à Paris, avec un complice, il pose une bombe à la station Saint-Michel - Notre-Dame de la ligne du RER B. Bilan : 8 morts et plus de 110 blessés.
Le 17 août, il est de nouveau impliqué dans une attaque à bombe, place de l'Etoile - 17 personnes blessées
et le 26 août, ses empreintes sont relevées sur une bombe, qui n'a pas explosé, retrouvée sur le TGV Paris-Lyon. Malgré la traque acharnée des forces de police, il parvient à commettre deux nouveaux attentats les 3 et 7 septembre, dans un square parisien, puis devant une école juive de Villeurbanne. Bilan global de 18 blessés. Il est localisé le 29 septembre, près de Lyon, et est abattu par les gendarmes.
Spécialiste du terrorisme et de la criminalité organisée
"Toujours à la merci d'actions de fanatiques"
Après Paris et Villejuif, l'Isère. Les relais terroristes se multiplient sur le sol français ?
Des cellules, il y en a partout, le secteur de Lyon n'échappe pas à la règle. Mais il n'y a pas de pépinière identifiée. S'il existe un "nid", il se trouve en Syrie. Maintenant, reste à savoir à qui on a affaire : s'il s'agit de quelqu'un qui revient d'Irak ou de Syrie ou d'une personne qui n'est jamais partie et qui s'est radicalisée. En tout cas, il y a des signes distinctifs qui laissent penser que cette action est, au minimum, inspirée par l'idéologie de Daech.
Pourquoi une usine de gaz ?
Les terroristes s'attaquent toujours aux cibles "molles", faciles à frapper. Cette usine de gaz possédait en plus de la matière première pour provoquer une explosion.
Une attaque pendant le ramadan, c'est symbolique ?
Mahomet a mené des batailles pendant le ramadan, ce n'est pas un mois "calme", ce serait une erreur de penser qu'il s'agit d'une période de trêve.
Doit-on craindre une multiplication de ce type d'acte ?
Aujourd'hui, on ne voit pas ce qui pourrait calmer ceux qui se sont radicalisés. Donc on doit d'attendre à d'autres actions, il n'y a aucune raison de baisser la garde, d'autant plus que la France, et l'Occident en général, figurent dans le peloton de tête des cibles des fondamentalistes islamistes. Mais inquiétude ne veut pas dire affolement.
La France a-t-elle les moyens de les empêcher ?
Le risque zéro n'existe pas. On ne peut pas mettre un militaire ou policier devant la porte d'entrée de toutes les cibles potentielles. Nous sommes toujours à la merci d'actions de fanatiques dans les endroits faciles d'accès ou non protégés. Il est important de continuer à détecter les individus "à risque" et de les neutraliser. Recueilli par Baptiste Marsal
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