le Progrès du vendredi 13 mai 2016
SIX MOIS APRÈS LES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE - ENTRETIEN AVEC LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Bernard Cazeneuve : "La menace est toujours très élevée"
Quinze projets d'attentats déjoués en deux ans et demi, 101 arrestations en lien avec le djihadisme pour l'Euro : six mois après les attentats, le ministre détaille le bilan et les dispositifs de l'état d'urgence.
Six mois jour pour jour après les attentats du 13 novembre, la menace terroriste est-elle du même niveau ?
Nous faisons tout pour protéger les Français, mais la menace est toujours très élevée. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé au Parlement de prolonger l'état d'urgence de deux mois supplémentaires. La loi relative à la lutte contre le crime organisé et contre le terrorisme nous dote aussi d'outils efficaces. Nous menons une bataille totale contre les terroristes : depuis le début de l'année, grâce au travail de nos services de police et de renseignement, 101 individus en lien direct avec le terrorisme djihadiste ont été interpellés. 15 projets d'attentats ont été déjoués sur notre sol depuis 2013.
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33 millions de contrôles aux frontières
Au niveau européen, en grande partie grâce à l'impulsion de la France, les choses avancent : outre l'étroit travail de coordination politique et judiciaire franco-belge qui a permis les récentes arrestations, le Parlement européen a enfin adopté le PNR, qui permettra de mieux détecter les mouvements djihadistes. Nous continuons également les contrôles renforcés à nos frontières : depuis six mois, 33 millions de personnes ont été contrôlées dans les deux sens sur l'ensemble de nos frontières, et 17 500 individus n'ont pas été admis sur le sol français.
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"Il faut continuer de vivre normalement"
L'Euro de football, mais aussi les plages comme en Tunisie, les festivals d'été constituent des cibles. Quelles mesures spécifiques ?
Il faut continuer de vivre normalement sinon nous organiserions la victoire des terroristes. Ces grand événements doivent avoir lieu. Mais bien entendu nous les entourons d'une mobilisation exceptionnelle pour assurer le plus haut niveau de sécurité possible. C'est une des raisons pour lesquelles nous prolongerons l'état d'urgence jusqu'au 26 juillet, c'est-à-dire après la fin de l'Euro de football et du Tour de France.
Pour chacun de ces rendez-vous, nous travaillons depuis des mois avec les organisateurs et les élus des villes concernées pour y parvenir. Nous avons organisé des dizaines d'exercices de simulation, notamment dans les fan-zones, avec l'ensemble des forces opérationnelles et des secours. J'ai présenté un nouveau schéma national des forces rapides (Raid, GIGN, BRI) pour intervenir au plus vite en tout point du territoire en cas d'attaque.
Vous avez demandé aux autorités du culte musulman de s'impliquer dans la prévention de la radicalisation. Que vous répondent leurs dirigeants, que proposent-ils ?
Nous travaillons en étroite collaboration avec les responsables de l'islam de France pour lutter contre la radicalisation. Le Conseil français du culte musulman prend de nombreuses initiatives, comme en témoigne la création d'un conseil théologique chargé d'élaborer un contre-discours pour répondre efficacement à la propagande djihadiste qui se répand notamment sur internet. Et parmi les 80 mesures présentées lundi par le Premier ministre, plusieurs concernent ce volet. Les voix modérées de l'islam de France, qui sont de loin les plus nombreuses, doivent continuer de se faire entendre. Nous serons aux côtés de ceux qui prônent l'apaisement et l'adhésion aux valeurs de la République.
"Les policiers méritent le respect et la gratitude de nos compatriotes"
Applaudis en janvier 2015, accusés de violences dans les manifestations en 2016, : les policiers se disent au bout du rouleau. Que répondez-vous à ce malaise ?
Les policiers et les gendarmes sont engagés sur tous les fronts depuis des mois : lutte antiterroriste, sécurité quotidienne des Français, lutte contre l'immigration irrégulière dans le contexte de crise migratoire internationale, maintien de l'ordre dans les manifestations. 18 000 d'entre eux ont été blessés l'année dernière et 8 ont perdu la vie. Depuis deux mois, plus de 300 ont été blessés en protégeant le droit de manifester. Ils méritent le respect et la gratitude de tous nos compatriotes.
Les violences à leur encontre sont inacceptables, et je ne les accepterai jamais. Les quelques-uns qui ont manqué à leur déontologie, et qui doivent être sanctionnés, ne doivent pas occulter le travail formidable de l'immense majorité d'entre eux, qui sont exemplaires. Et ce gouvernement joint les actes aux paroles en soutenant les forces de l'ordre comme aucun autre ne l'avait fait auparavant : 9 000 postes de policiers et de gendarmes recréés sur le quinquennat, de nouveaux équipements partout en France, comme ceux que je viens d'inaugurer dans la Loire aujourd'hui, et 865 millions d'euros pour revaloriser leurs carrières. Nous le leur devons, eu égard à leur dévouement pour assurer la sécurité.
L'esprit d'union nationale se dilue, comment rétablir la confiance ?
Dans les circonstances particulières que notre pays traverse, et notamment la menace terroriste, j'aimerais que l'union nationale se manifeste sur la durée, parce que l'essentiel est en jeu. C'est ce que le président de la République a rappelé. Je crois à la notion essentielle de respect, une éthique de la responsabilité. Et aux valeurs de la République qu'il faut à chaque instant soutenir. C'est ma boussole. Recueilli par Pascal Jalabert
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