le Progrès du vendredi 15 avril 2016
SOCIAL - GRÈVE GÉNÉRALE. À MAYOTTE, "ON SE SENT VRAIMENT OUBLIÉS"
La grève générale depuis le 30 mars pour réclamer "une égalité réelle" avec la métropole se double de violences perpétrées par des jeunes. L'île de Mayotte, département français depuis 2011 et le plus jeune de France (avec une moyenne d'âge de 17 ans) est-elle au bord de l'insurrection ? À 8 000 km de Paris, la grève générale, déclenchée le 30 mars pour revendiquer "une égalité réelle" avec la métropole, et plus de moyens pour l'éducation et dans la lutte contre l'insécurité, n'a pas faibli ces dernières heures.
Le préfet Seymour Morsi a exprimé sa volonté de faire lever les barrages qui ont empêché tout déplacement sur ce "caillou" de 374 km2. Plusieurs dizaines ont été levés hier par les forces de l'ordre. Mais l'issue du conflit semble très incertaine, tant la crise a pris ces derniers jours des accents violents.
10 novembre 2015
"Des jours où l'on veut s'en aller"
L'archipel, sur lequel vivent 220 000 Mahorais (dont un quart sous le seuil de pauvreté), est "asphyxié", décrit cette métropolitaine jointe hier, qui a créé son entreprise de loisirs sur l'île. "Il y a deux mouvements différents : les grévistes syndicaux pacifiques, et les émeutiers, des jeunes qui font du racket aux barrages, armés de machettes, de fusils de pêche, de tronçonneuses".
Cette mère de famille, bloquée chez elle depuis dix jours, avoue avoir "peur" : "Les renforts ne sont pas suffisants, tout le monde est dépassé par les événements, on se sent vraiment oubliés". Le contexte actuel pourrait même conduire sa petite société à la "faillite", craint-elle : "Quand Mayotte est devenue un département, je me suis dit que j'arrivais au bon moment. Maintenant, il y a des jours où l'on veut s'en aller".
Il y a quelques mois, la Cour des comptes avait fustigé la "fuite en avant" de la départementalisation. En 2014, François Hollande avait effectué une visite officielle, suivi de Manuel Valls en juin 2015. Dans le cadre du projet stratégique "Mayotte 2015", le premier ministre avait alors déclaré que la France avait "une grande ambition pour Mayotte", les priorités étant "la santé, la sécurité", dont l'immigration clandestine. Sans oublier le lourd volet éducation. "Il y a actuellement peu d'élèves dans les établissements, en raison des barrages" expliquait hier depuis Mayotte, Michael Henni, délégué CGT "Educ'action", "on est arrivé à un stade où tout le monde est bloqué : c'est le seul moyen d'être entendu !".
Le département d'outre-mer manque cruellement de fonctionnaires. "Les gens avec des compétences ne veulent plus venir même s'ils sont payés double", estime le représentant syndical. Mayotte devient, d'après-lui, "un territoire abandonné" : "Aucun Français métropolitain n'accepterait la situation que l'on vit ici, y compris dans la vie quotidienne. Les Mahorais sont Français et ils n'ont pas les mêmes droits que le Français de base, ce n'est pas normal. Xavier Frère
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