Franceinfo - le vendredi 4 janvier 2019
"Rassurez-vous, on va quitter la Tunisie" : la peur des Subsahariens victimes d’agressions racistes à Tunis
La communauté subsaharienne résidant en Tunisie sollicite la protection des autorités de ce pays. Elle dénonce des agressions racistes répétées, des violences physiques et verbales devenues leur lot quotidien. Dans l’indifférence générale et malgré l’adoption d’une loi pénalisant les discriminations
En arrivant en Tunisie, Anthony Gianni, un jeune Subsaharien était excité de découvrir ce nouveau pays et sa culture. Il a très vite déchanté. C’est triste à dire, témoigne-t-il sur sa page Facebook, mais ça m’a pris à peine un mois pour réaliser que ma couleur de peau posait problème.
"J’ai arrêté de compter les insultes, les moqueries et les gestes de discrimination dus à ma peau. Mais c’est rien, comparé à mes amis qui se sont fait gifler dans le métro sans que personne ne réagisse, ou comparé à ceux qui se sont fait égorger un 25 décembre ou qui ont pris des coups et blessures… Rassurez-vous, on va quitter votre beau pays", écrit-il sur sa page Facebook.
Jeune père de deux enfants poignardé à mort
Anthony Gianni est en deuil, comme l’ensemble de la communauté subsaharienne de Tunis, après l’agression qui a coûté la vie au président de l’association des Ivoiriens en Tunisie, Falikou Coulibaly. Agé de 33 ans, ce jeune père de deux enfants a été poignardé à mort le 23 décembre 2018 dans la capitale tunisienne.
"Il y a derrière cet acte, une connotation raciste et barbare… L’Etat doit garantir notre sécurité en Tunisie, car ce beau pays doit être une terre d’accueil et non un tombeau pour les étrangers", plaide Mack Arthur Yopasho, président de l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie.
Les agressions à connotation raciste se sont multipliées
Dans certains quartiers de Tunis, la communauté subsaharienne vit la peur au ventre. Les agressions à connotation raciste se sont multipliées ces dernières années, comme le rappelle Saadia Mosba, militante antiraciste tunisienne.
"Le 7 décembre 2016, à Tunis, une jeune Ivoirienne échappe in extremis à une tentative d’égorgement. Dix-sept jours plus tard, à la veille de Noël, deux étudiantes congolaises sont poignardées en plein centre-ville à 11 heures du matin…Ces victimes ont survécu mais elles ont gardé de douloureuses séquelles physiques et psychologiques. Quant à l’agresseur, il avouera ne pas supporter de voir des Noirs parler une autre langue entre eux. Il ne sera pas inquiété par la justice car considéré comme malade", se rappelle-t-elle dans une tribune publiée dans le journal Le Monde.
Le racisme anti-noir, un sujet tabou dans la société
Mais le sujet reste tabou dans une société qui a du mal à reconnaître l’existence du racisme. Alors que les Tunisiens noirs peinent, eux aussi, à retrouver leur juste place dans la société. Dans la mémoire collective, constate la militante antiraciste tunisienne Saadia Mosba, le Noir est arrivé en Afrique du Nord asservi, les chaînes aux pieds. Chose que certains Tunisiens ne manquent pas de leur cracher à la figure.
«Quoi que vous fassiez, n’oubliez surtout pas que vous êtes arrivés ici en tant qu’esclaves, que nous achetions pour quelques pièces», leur lancent-ils.
Saadia Mosba raconte la mésaventure d’un douanier tunisien noir, en vacances avec sa famille dans le centre du pays, où il a été agressé dans son hôtel par un serveur qui refusait de le servir à cause de la couleur de sa peau. Le douanier a terminé ses congés à l’hôpital.
Pour combattre la bête immonde, il faut un travail en profondeur, dès le plus jeune âge à l'école, afin que le Tunisien noir ne soit plus cette tache de naissance que l'on porte sur le visage ou qu'on veut oublier ou faire disparaître ans une tribune publiée par Le Monde
Dans cette Tunisie, pourtant réputée naguère pour son hospitalité, sa tolérance et son ouverture, le nombre d'étudiants subsahariens a considérablement baissé ces dernières années. Ils sont passés de 12 000 en 2010 à seulement 4000 lors de la rentrée 2016-2017. Le racisme, désormais banalisé dont ils seraient victimes, avec son lot de violences physiques et verbales, serait l’une des causes de ce désenchantement.
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