le Progrès du mercredi 5 avril 2017
"Tout attentat ayant lieu dans notre pays est un défi lancé à tous les Russes". Il y a plusieurs années que le terrorisme islamiste "défie" le pays de Vladimir Poutine. Avec l'intervention russe en Syrie, la menace n'a cessé de grandir ces derniers mois, des cellules djihadistes ont été régulièrement démantelées depuis trois ans. Pour l'attentat dans le métro de Saint-Pétersbourg, dont le bilan s'élevait hier soir à 14 morts et une quarantaine de blessés, un suspect a été identifié : Akbarjon Djalilov, russe, âgé de 22 ans, mais originaire du Kirghizistan, ex-République soviétique de 5 millions d'habitants, coincée entre le Kazakhstan et la Chine.
Ce sont les services secrets de cette République qui ont d'abord révélé cette identité. Ce n'est pas véritablement une surprise: ce petit pays, très montagneux et pauvre, a produit un contingent de près de 600 combattants en Syrie et en Irak (4 700 pour la Russie et l'Asie centrale au total). Sylvie Lasserre, spécialiste de la région, décrivait déjà le Kirghizistan en juin 2015 comme "un havre pour l'islamisme fondamental en Asie centrale", et les Kirghiz, comme "des proies de choix pour Daech". Les services secrets russes les surnomment les "djihadistes des steppes".
Essor du fondamentalisme
On retrouve la trace de ces djihadistes dans de nombreuses opérations terroristes menées ces dernières années. Au printemps dernier, à l'attentat à l'aéroport Atatürk d'Istanbul, plusieurs hommes étaient originaires du Kirghizistan. L'auteur de l'attaque meurtrière du Nouvel An, toujours à Istanbul, était un Ouzbek de 34 ans, hébergé par des complices kirghizes.
En Russie, les ressortissants d'Asie centrale peuvent entrer librement. Ils seraient à peu près deux millions à travailler essentiellement dans le bâtiment, la restauration ou le transport.
Parmi ces ex-états de feu l'URSS, le Kirghizistan semble l'un des plus perméables à l'extrémiste islamiste d'origine sunnite. Ainsi, la Tablighi Jemaat ("association pour la prédication"), mouvement rigoriste du début du XXe siècle qui milite pour un islam fondamental, aurait pignon sur rue, notamment dans le sud du pays, vers Osh, ville native de Akbarjon Djalilov, et dans la vallée de Ferghana, entre Ouzbékistan et Kirghiszistan.
Ce fondamentalisme attire de très nombreux jeunes du pays, souvent pauvres et sans horizon, alors qu'il est proscrit dans les pays voisins pour son côté sectaire et prosélyte. Si ce mouvement ne prêche pas directement le djihad, de nombreux terroristes de l'Europe de l'Ouest (les Français Hervé Djamel Loiseau, Zacarias Moussaoui par exemple, et même les jeunes de Lunel) sont passés par le "tabligh" avant de se radicaliser.
La chute de l'Union soviétique aurait accéléré "l'islamisation" du pays, toujours selon Sylvie Lasserre : de 39 mosquées en 1991, notamment financées par l'Arabie Saoudite, le pays en compterait aujourd'hui 2 000. Xavier Frère
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