Franceinfo - le mardi 30 avril 2019
Excès de vitesse, vente sur internet, taille des pommes... Notre quotidien en dix réglementations européennes
L'Europe régit plusieurs éléments de tous les jours, qui touchent à l'alimentation, la culture, les transports ou encore les animaux
Préparation d'une tartine de miel (illustration). (MARC OLLIVIER / MAXPPP)
'Europe semble parfois déconnectée de notre quotidien. Pourtant, bon nombre de décisions prises à Bruxelles concernent des pans très concrets de notre vie, dans notre assiette, nos poubelles, nos placards... Alors que nous nous apprêtons à voter pour renouveler le Parlement européen, connaissez-vous ces dix réglementations ?
1 - Pas de frontières pour les infractions routières
Vous pensiez pouvoir aller en Allemagne et conduire à toute vitesse sans risquer une amende ? Perdu ! Depuis 2015, une directive permet aux pays membres de l'Union européenne d'échanger leurs informations sur les infractions routières et les immatriculations. La France a conclu un accord avec 16 autres États. Huit infractions au Code de la route sont visées, de l'excès de vitesse à l'oubli de la ceinture de sécurité, en passant par la circulation en sens interdit et le franchissement de feu rouge. Le non-paiement du stationnement n'est pas concerné. Le retrait de points n'est pas prévu par la directive.
Le titulaire de la carte grise du véhicule concerné reçoit l'amende, au tarif pratiqué par le pays dans lequel l'infraction a été commise. Il a la possibilité de contester, s'il n'était pas au volant par exemple, ou argumenter qu'il ne comprend pas le document si celui-ci n'est pas écrit en français. Cette mesure est positive pour les finances publiques françaises. En effet, 21% des véhicules flashés pour excès de vitesse en France sont immatriculés à l'étranger, alors qu'ils ne représentent que 5% à 6% du trafic.
2 - L'indemnisation en cas de retard des avions ou des trains
Depuis 2004, un règlement européen impose aux compagnies aériennes certaines obligations, pour les vols au départ ou à l'arrivée d'un pays de l'Union européenne. Les sociétés doivent par exemple prendre en charge l'ensemble de vos frais (repas, nuits d'hôtel, transports) à partir de deux heures de retard pour les moyens courriers et de quatre heures pour les longs courriers.
Si votre avion est carrément annulé à moins de deux semaines du départ, ou si on refuse de vous embarquer car le vol est surbooké, on doit vous proposer un autre vol ou rembourser votre billet, avec en plus une indemnité forfaitaire qui peut aller jusqu'à 600 euros. Il faut des "circonstances extraordinaires", comme une guerre civile ou une éruption volcanique pour que les compagnies aériennes y échappent. Ce même genre de règles s'applique aux voyages en train dans chacun des pays européens, une partie du billet est remboursée à partir d’une heure de retard.
3 - Le calibrage des fruits et légumes
La Commission européenne établit un certain nombre de normes très précises pour la taille de certains aliments, par exemple pour les citrons, les pommes et les pêches : ces fruits ne doivent présenter aucun trou. Si c'est le cas, ils peuvent toujours être utilisés dans des produits transformés, comme les compotes. L'objectif affiché est de protéger les consommateurs européens de produits frelatés ou sous-dimensionnés. L'aspect de dix fruits et légumes est ainsi sévèrement réglementé. Ces mesures s'inscrivent dans une norme générale, moins stricte, édictée par la commission économique des Nations unies.
Entre les années 1990 et 2010, ces normes ont concerné jusqu'à 36 fruits et légumes. Elles accompagnaient la mise en place du marché commun. Ainsi, une banane à la courbure anormale ne pouvait pas être vendue sous le nom de banane. En 2011, ces règles ont été assouplies. Désormais, les concombres ont eux aussi le droit d'avoir une courbure. En revanche, la pizza margherita, elle, a un label "spécialité traditionnelle garantie" : elle doit être souple, de forme arrondie, mesurer maximum 35 centimètres de diamètre et avoir des bords surélevés.
4 - Le miel et les abeilles
Le miel est lui aussi l'objet d'une réglementation européenne. Il faut dire que c'est le troisième produit alimentaire le plus exposé aux fraudes. Il est par exemple souvent coupé avec du sirop de sucre. L'Union européenne a donc défini le miel comme "une substance sucrée naturelle produite par les abeilles de l'espère Apis mellifera à partir du nectar ou de sécrétions de plantes". Ce produit ne doit donc pas être transformé.
Son origine devra bientôt être mentionnée sur l'étiquette : soit le pays soit le continent de production. En effet, il sera toujours possible de mélanger du miel espagnol à du miel italien. En revanche, il est désormais interdit d'utiliser trois néonicotinoïdes, des insecticides jugés les plus dangereux pour ces insectes. Le glyphosate, lui, est toujours autorisé pour l'instant.
5 - La qualité des aliments
Teneur en glucose, additif E162, traces d'arachide... La liste et la quantité des ingrédients des aliments préparés sont réglementées de manière très précise : cela doit être inscrit en police d'écriture Helvetica Bold , d'une taille comprise entre 11 et 25 points (des dérogations existent si l'emballage est petit). Ces informations sont exigées par l'Europe, sur les produits commercialisées dans le continent, que vous achetiez du yaourt en Grèce ou des pâtisseries au Portugal. Il existe également des tests d'évaluation, pour déterminer la dose journalière admissible pour chaque additif alimentaire, pour savoir jusqu'à quelle dose il peut être consommé quotidiennement et durant toute la vie, sans effet indésirable pour la santé.
L'origine du produit doit aussi être indiquée, ou en tout cas une référence qui permet de retracer son parcours, ce qui permet de rappeler les lots sur lesquels il y aurait un problème sanitaire. C'est aussi pour cela que l'Europe réglemente la température des plats préparés, comme la paella qu'on achète sur le marché : froide, elle doit être maintenue sous les 4 degrés, chaude, elle doit être conservée au-dessus de 63 degrés, c'est le meilleur moyen pour lutter contre les bactéries.
6 - La garantie des appareils électriques et la vente sur internet
La durée de garantie de vos appareils électriques neufs est de deux ans minimum, depuis une directive européenne de 2016. Pour les produits d'occasion, la durée est fixée à six mois. Pendant cette durée, il est possible d'échanger votre produit, ou de le faire réparer sans frais. Il faudra cependant (et c'est parfois là que cela devient problématique) que vous puissiez prouver que c'est bien un "défaut de conformité" (c’est-à-dire un problème d'origine) et que ce n'est pas vous qui l'avez cassé. Vous pouvez (si vous en avez le courage) réclamer une expertise, aux frais du vendeur.
La vente à distance a aussi été réglementée au niveau européen : si vous commandez un objet ou un service par internet (dans n'importe quel pays de l'Union européenne), vous avez le droit de vous rétracter pendant 14 jours. Attention, cette règle ne s'applique que pour l'achat d'un produit auprès d'un professionnel, pas un particulier.
7 - Un programme dédié au cinéma européen
Depuis 1981, le programme Media de l'Union européenne permet de financer des œuvres cinématographiques des Etats-membres. Avec une enveloppe de 840 millions d'euros dédiée à l'audiovisuel sur sept ans, il aide à financer 800 films et 2 000 cinémas. Ainsi, le film français Le Grand Bain, l'œuvre italienne Dogman et la série télévisée française Versailles en ont bénéficié. D'autres secteurs de l'audiovisuel, comme le festival international du film de La Rochelle, reçoivent également des subventions grâce à ce programme.
L'Union européenne agit aussi directement sur la programmation des chaînes de télévision. Ainsi, une directive les oblige à consacrer la moitié de leur temps de diffusion à des créations européennes. Les services de vidéos à la demande doivent aussi proposer un panel de productions européennes : hors de question de ne proposer que des productions américaines, par exemple.
8 - Les conditions d'élevage des poules
L'Union européenne a pris des réglementations concernant l'élevage et notamment celui des poules pondeuses. C'est très précis : une poule de batterie doit disposer de 750 centimètres carrés au sol, ce qui représente un carré de 27 centimètres de côté, soit à peine plus qu'une feuille A4. Dans cet espace, une mangeoire, un système pour boire, un nid et une litière doivent être installés, précise l'UE. Ces prescriptions datent de 2009 : avant cela, la norme n'était que de 550 centimètres carrés au sol.
Pour aider les consommateurs à connaître les conditions dans lesquelles ont été élevées les poules dont ils achètent les œufs, l'Europe a également mis en place des codes sur les coquilles : 0 pour un œuf bio, 1 pour une poule élevée en plein air, 2 pour un animal élevé au sol et 3 pour les élevages de batterie, en cage. Ce système de code est mis en place depuis 2004.
9 - La protection d'espèces animales et végétales
L'Union européenne a pris des mesures pour protéger des centaines d'espèces dans tout le territoire européen. Depuis 1994, la directive "Habitats, faune et flore" classe les espèces selon leur situation : "protégées", "en danger d'extinction", etc. L'objectif est de préserver leur espace de vie et leur période de reproduction, en évitant notamment les grosses infrastructures. Il existe cependant des dérogations pour prioriser un intérêt public majeur par rapport à ces espèces.
Grâce à (ou à cause de, c'est selon) cette directive, le Stade brestois a dû renoncer à son projet d'installation d'un centre d'entraînement, situé sur une zone occupée par "l'escargot de Quimper". Cette espèce rare, mesurant trois centimètres, est menacée à l'échelle mondiale. C'est aussi cette directive qui a permis la création des zones Natura 2000, des secteurs dans lesquels des espèces animales et végétales peuvent se réfugier. Cela représente près de 20% de la superficie de l'Union européenne, soit le plus grand réseau écologique du monde, mais seulement 13% du territoire français.
10 - Le plastique, pas automatique
La réglementation sur les sacs en plastique fait partie des quelques directives européennes dont on a beaucoup parlé. Un texte de 2015 oblige les pays à prendre des mesures pour en réduire l'usage : chaque habitant devra utiliser moins de 40 sacs par an à l'horizon 2025. Ensuite, chaque pays adopte sa propre stratégie : la France a par exemple décidé de les rendre payants. Une dizaine d'autres produits à usage unique, comme les pailles, touillettes, cotons-tiges, seront interdits à partir de 2021 (la France voulait dès 2020, mais s'est finalement alignée sur l'échéance européenne).
L'Europe s'est aussi intéressée au contenu de nos poubelles. En mai 2018, l'Union a posé comme objectif qu'au moins 55% des déchets devront être recyclés à l'horizon 2025. Les États et municipalités peuvent aussi actionner le principe du "pollueur-payeur", inscrit dans les traités européens depuis 1986, applicable aux entreprises comme aux particuliers : plus on jette de déchets non-recyclables, plus on paie, la "tarification incitative" arrive ainsi dans certaines villes françaises.
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