Franceinfo - le mardi 16 juillet 2019
François de Rugy "aurait dû tirer les conséquences dès nos premières informations", selon Edwy Plenel, qui estime que le ministre s'est "entêté"
François de Rugy a annoncé son intention de déposer une plainte en diffamation contre Mediapart, après les révélations du journal en ligne qui l'ont conduit à la démission. Le président et cofondateur de Mediapart, Edwy Plenel, affirme à franceinfo que lui et sa rédaction ne font "que leur travail", au nom du "droit de savoir"
Emmanuel Macron a accepté mardi la "décision personnelle" de démissionner de François de Rugy, désormais ancien ministre de la Transition écologique, après plusieurs révélations du journal en ligne Mediapart. L'ex-numéro 2 du gouvernement a annoncé qu'il porterait plainte pour diffamation. François de Rugy "aurait dû tirer les conséquences dès nos premières informations, il s'est entêté", a déclaré, mardi 16 juillet à franceinfo, Edwy Plenel, président et co-fondateur du site Mediapart.
franceinfo : Comment réagissez-vous à cette plainte de François de Rugy ?
Edwy Plenel : Tant que nous n'avons pas reçu cette plainte, il n'y a pas à réagir. Évidemment, nous sommes tout à fait fermes sur nos informations. La démission de François Rugy est provoquée par une nouvelle enquête Mediapart qui va être mise en ligne immédiatement, pendant que je vous parle.
Nous avons transmis hier soir de nouvelles questions à M. François de Rugy, qui concernaient l'utilisation de ses indemnités de mandat quand il était député d'Europe Ecologie-Les Verts, la façon dont il les a utilisées, à la fois pour payer la cotisation de son parti et pour d'autres dépenses. C'étaient des questions très précises et ils nous ont promis une réponse à 13 heures, une deuxième à 14 heures. Et finalement, à 14h30, c'est l'annonce de sa démission.
Nous, nous faisons notre travail au service de l'intérêt général. M. de Rugy est le mieux placé pour le savoir. Il a promis la probité, notamment dans l'utilisation de l'argent public par les élus. à franceinfo
Il aurait dû tirer les conséquences dès nos premières informations, il s'est entêté. Le fait qu'il se soit entêté fait que de nouvelles informations nous ont été fournies. Nous les avons vérifiées, recoupées. Elles nous sont fournies par qui ? Par des gardiens de la République, des gens qui, comme nous, les citoyens, considèrent que quand on est responsable, quand on incarne un intérêt public, on doit être exemplaire.
Sur quoi portent les nouvelles révélations de Mediapart concernant François de Rugy ?
Ces nouvelles révélations portent sur l'utilisation, contrairement à ce que lui-même préconisait, à des fins qui ne sont pas forcément d'intérêt général, ni liées à son mandat d'élu, des indemnités qu'il avait comme élu.
Il y a une façon très simple de résoudre tout ça. Premièrement, de rendre transparente l'utilisation des frais par les parlementaires. Deuxièmement, d'accroître le contrôle de l'utilisation de ces frais, ce qui n'est pas le cas actuellement. Enfin, si l'on parle des questions de travaux dans des bâtiments, des appartements de la République, que ce ne soit pas au bon vouloir des ministres, mais que ce soit évidemment fait par des autorités indépendantes.
Depuis une semaine, vous distillez les informations, il y a des révélations quasiment tous les jours sur François de Rugy, qui parle d'un lynchage médiatique. Comprenez-vous cette réponse ?
Je ne comprends pas cette réponse, pas plus que je ne comprends la phrase du président de la République qui parle de République de la délation ou du président responsable de la République en marche qui parle de tribunal médiatique. Il faudrait que nos dirigeants retrouvent un peu de bon sens et de culture démocratique. Nous sommes la presse, dans le cadre de droits fondamentaux, droit de savoir du citoyen, la Constitution, la Déclaration des droits de l'homme, la loi de 1881...
La vérité, ce n'est pas l'Etat qui en est propriétaire. Nous sommes aussi là pour établir des faits d'intérêt public, selon les règles professionnelles de notre métier. à franceinfo
Contrairement à votre formule, nous ne distillons pas. Nous avons publié une première enquête, une deuxième enquête qui concernait la directrice de cabinet de M. de Rugy. Il se trouve que M. de Rugy, avec une très grande inélégance, a décidé de ne rien faire la concernant mais de démissionner cette préfète, qui sait qu'elle a fait une erreur mais qui est une femme tout à fait respectable. Que s'est-il passé ? Des gens ont dit "comment est-ce possible ?" Et c'est comme ça qu'il y a des lanceurs d'alerte au coeur de l'Etat. [...] M. de Rugy a le droit de se défendre, a le droit de poursuivre Mediapart en diffamation bien sûr, et nous ferons face comme nous l'avons toujours fait.
Quand on a une fonction publique, on ne peut pas la prendre en otage pour se défendre de manquements personnels. à franceinfo
Nous, nous faisons notre travail, dans le cadre des lois fondamentales de la République, de ce droit de savoir. Il est assez inadmissible, pour dire vrai, que dans une démocratie, au lieu de se féliciter du rôle d'intérêt général de la presse, on bouc-émissaire les journalistes quand simplement ils font leur travail et ne se contentent pas de faire des commentaires ou des éditoriaux.
A découvrir aussi
- le Progrès du mardi 23 juin 2015
- Franceinfo - le dimanche 10 mars 2019
- Franceinfo - le mercredi 22 mai 2019
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 59 autres membres