Franceinfo - le mardi 15 janvier 2019
En direct du monde. A Tunis, un arrêté municipal polémique impose l'usage de l'arabe sur les enseignes des magasins
La maire de Tunis a pris la décision d'utiliser prioritairement l'arabe sur les enseignes des commerces. Une décision qui suscite une vague d'indignation sur les réseaux sociaux
Au moment où la Tunisie commémorait les huit ans de la révolution de Jasmin, un arrêté municipal, qui devait passer quasiment inaperçu, a ébranlé la capitale Tunis. La municipalité oblige désormais les commerçants et les restaurateurs à utiliser prioritairement l’arabe sur leurs enseignes, sous peine de sanction financière. Une mesure qui a déclenché une vive polémique.
La place de l'Islam en question
Derrière l’affaire de la langue, il y a une question encore plus fondamentale : celle de la place de l’islam dans la société tunisienne. Cette polémique montre combien la Tunisie est divisée sur le sujet. Il y a d’un côté ceux qui estiment que cette mesure défend l’identité arabe et, de l’autre, il y a tous ceux qui militent pour une Tunisie ouverte sur le monde et qui voient cette nouvelle mesure comme une menace, celle de l’islamisation de la société tunisienne.
Cette polémique a démarré par un post Facebook d'Ahmed Bouazzi, membre du conseil municipal de Tunis, qui annonce fièrement sur son mur que l’assemblée municipale a voté à la quasi-unanimité que l’arabe devra être utilisé pour toutes les enseignes commerciales de la capitale, alors qu'aujourd'hui le français est encore très présent. Ce que déclenche Ahmed Bouazzi, c’est une déferlante de réactions outrées sur les réseaux sociaux. "La charia est la nouvelle dictature islamiste", dénonce un internaute. Un autre choisit l’ironie : "Je vous trouve trop conciliant avec 'la pourriture francophone' : une simple amende pour les punir est trop clémente. Je suggère que l'on fouette publiquement les contrevenants".
Une mesure votée démocratiquement
Cette indignation face à la mesure, votée démocratiquement, est aussi liée au maire de Tunis. Souad Abderrahim a été élue à la tête de la capitale en mai dernier. Elle est la première élue démocratiquement de l’histoire de la Tunisie. Membre du parti islamiste Ennahda, elle ne porte pas le voile. Tous ceux qui se méfient comme de la "peste islamiste" avaient déjà alors avalé de travers.
Ce décret est selon eux, la preuve que Souad Abderrahim joue un double-jeu et démontre qu'elle n’est pas progressiste, comme elle le prétend. Ces détracteurs estiment qu’elle veut transformer la Tunisie en bastion des Frères musulmans. Une internaute résume : "Cette mesure, votée au parlement municipal monopolisé par les islamistes, montre les limites de la démocratie". La maire, elle, reste ferme. Elle s’appuie sur l’article 39 de la Constitution, où il est inscrit que l’État doit "veiller à la consolidation de la langue arabe".
Polémique sur fond de campagnes électorales
L'année 2019 en Tunisie est marquée par des élections législatives et présidentielle, ce qui ne calme en rien les esprits. La campagne a déjà démarré et le parti conservateur Ennahda est celui qui est le mieux positionné pour l’emporter. Surtout, il n'a pour l'instant presque pas d'adversaire. Le parti Nida Tounès qui a remporté la dernière présidentielle est en lambeau, dévoré par des querelles internes.
D’ici la fin de l’année, les enseignes de la capitale auront donc été modifiées, c’est l’arabe qui dominera. Reste à voir si le parti Ennahda fera le raz-de-marée que bon nombre d’observateurs anticipent déjà.
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