Franceinfo - le vendredi 12 juin 2020
Colston, Churchill, Colomb... Quelles sont les figures historiques que les antiracistes veulent faire tomber de leur piédestal ?
Ces personnages autrefois considérés comme des héros cristallisent aujourd'hui la colère et la défiance de ceux qui luttent pour l'égalité des droits et la fin du racisme
La vague d'indignation suscitée par la mort de George Floyd, un homme noir mort asphyxié alors qu'il était plaqué face contre terre par un policier blanc fin mai aux Etats-Unis, a relancé le combat des militants antiracistes déterminés à supprimer de l'espace public les symboles du passé colonial. Au Royaume-Uni, en Belgique ou encore aux Etats-Unis, qui sont ces figures historiques de l'esclavage et de la traite des Noirs qui attisent aujourd'hui la colère ?
Edward Colston, marchand d'esclaves
Dimanche 7 juin, c'est la statue d'Edward Colston, marchand d'esclaves de la fin du XVIIe siècle qui a financé de nombreuses institutions de Bristol, dans le sud-ouest de l'Angleterre, qui est tombée de son piédestal avant d'être jetée à l'eau par des manifestants. A Bristol, plusieurs lieux publics portent le nom d'Edward Colston, comme deux écoles, une rue, une avenue et même... un petit pain, le Colston Bun. Une salle de concert, le Colston Hall, est également baptisée en son honneur et a reçu des artistes aussi prestigieux que les Beatles, David Bowie ou Elton John. Cette dernière a promis une nouvelle appellation pour l'automne et va d'ores et déjà retirer toutes les signalisations extérieures l'identifiant.
Colston "est un homme responsable de l'envoi de 100 000 personnes d'Afrique vers les Caraïbes pour devenir esclaves, dont des femmes et des enfants à qui on marquait la poitrine du nom de sa compagnie", a estimé le chef de l'opposition, le travailliste Keir Starmer. L'association de protection du patrimoine Historic England a dit reconnaître que la statue était "un symbole d'injustice" : "Nous ne pensons pas qu'elle doive être réinstallée."
Le maintien de cette statue du marchand d'esclaves de la fin du XVIIe siècle, qui a financé de nombreuses institutions à Bristol, faisait débat depuis des années, sans avoir été tranché. L'artiste Banksy, originaire de la ville, a proposé de la remettre sur son socle et d'y adjoindre des statues de bronze des manifestants la déboulonnant.
Winston Churchill, héros de guerre aux propos controversés
A Londres, ce n'est ni plus ni moins que la statue de l'ancien Premier ministre conservateur et héros de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill, dont divers propos sur les questions raciales avaient suscité la controverse, qui a été prise pour cible le même week-end. L'inscription "Etait un raciste" a été apposée sous son nom sur le socle, provoquant des réactions indignées dans la classe politique et la presse conservatrice.
Les militants antiracistes reprochent de longue date à Winston Churchill des déclarations très dures envers différents peuples dits alors "non-civilisés". On notera notamment cette déclaration, alors qu'il ordonne à la Royal Air Force, au tournant des années 1920, d'utiliser du gaz toxique contre les rebelles kurdes dans le nord de l'Irak : "Je ne comprends pas cette attitude délicate à l'égard de l'utilisation du gaz. Je suis fortement en faveur de l'utilisation de gaz toxiques contre les tribus non-civilisées."
Une autre déclaration raciste et lapidaire est attribuée à Churchill, lors de la famine du Bengale en Inde en 1943 : "Je hais les Indiens. C'est un peuple bestial, avec une religion bestiale", a-t-il déclaré à Leo Amery, le secrétaire d'Etat pour l'Inde et la Birmanie.
Cecil Rhode, suprémaciste blanc et colonisateur
Dans la ville universitaire d'Oxford, des milliers de manifestants se sont rassemblés mardi 9 juin, pendant les funérailles de George Floyd, au pied d'une statue de Cecil Rhodes, magnat minier et homme politique colonisateur, actif notamment en Afrique du Sud au XIXe siècle. Ils ont scandé "Faites la tomber !" et "Décolonisez" avant de se recueillir en silence, assis et poings levés, face au monument.
Rhodes fut l'un des artisans de l'expansion coloniale de l'Empire britannique en Afrique australe. Sous sa sculpture, qui domine l'Oriel College, l'un des établissements de la prestigieuse université, une inscription rend hommage à ce suprématiste blanc, qui a donné une partie de sa fortune à l'université. Sur internet, les pétitions pour faire retirer la statue foisonnent. L'une d'elles cumule déjà plus de 120 000 signatures.
Robert Miligan, planteur esclavagiste
Une statue de Robert Milligan, un planteur esclavagiste du XVIIIe siècle, a été déboulonnée sur ordre des autorités municipales mardi à Londres, où le maire Sadiq Khan a engagé une réflexion sur les rues et statues rendant hommage à des personnages ayant participé à la traite des Noirs.
La statue, érigée devant le Musée des docklands, faisait depuis longtemps l'objet d'une controverse et la municipalité a jugé qu'elle n'était plus acceptable pour la communauté locale. "La diversité de notre capitale est sa plus grande force, pourtant, nos statues, le nom des rues et des espaces publics reflètent une époque révolue", a estimé Sadiq Kahn.
"C'est une vérité désagréable, notre nation et notre ville doivent une grande part de leur richesse au commerce des esclaves et notre espace public en porte le témoignage, la contribution de beaucoup d'autres est largement passée sous silence", a regretté le maire de Londres.
Léopold II, ancien roi de Belgique
En Belgique, une statue de l'ex-roi Léopold II, figure controversée du passé colonial du pays, a été retirée d'un square à Anvers mardi après avoir été vandalisée. Elle a été transportée dans les réserves du Musée Middelheim, où son état doit être "examiné", selon le musée. Elle restera "probablement" dans les collections de l'établissement, connu pour ses sculptures en plein air, a affirmé un porte-parole de la mairie de la cité portuaire.
La statue du roi avec sa longue barbe et sa veste à épaulettes a été vandalisée la semaine dernière, comme plusieurs autres à travers le pays. Elle a été partiellement incendiée et recouverte de peinture rouge, couleur symbolisant le sang versé par les Congolais lors de la violente colonisation belge du Congo.
Surnommé "le roi bâtisseur", celui qui a régné de 1865 à 1909 est "un héros pour certains, mais aussi un bourreau", "il a tué plus de 10 millions de Congolais", a accusé le groupe Réparons l'Histoire, dont la pétition concernant les statues de Bruxelles avait recueilli mardi plus de 64 000 signatures.
Christophe Colomb, navigateur à l'origine de la colonisation
Aux Etats-Unis, ce sont les statues de Christophe Colomb qui sont prises pour cible. A Boston, une statue du célèbre navigateur, qui se trouvait dans le North End Park, a été décapitée avant d'être retirée quelques heures plus tard par la municipalité.
En Virginie, dans la ville de Richmond, une statue de Christophe Colomb a été également déboulonnée mardi. Selon le Richmond Times-Dispatch, plusieurs personnes se sont réunies en début de soirée et ont utilisé des cordes afin d'arracher la statue de son socle avant de la jeter dans un lac.
Aux Etats-Unis, les représentations de Christophe Colomb sont souvent au cœur de polémiques. Le navigateur est en effet considéré par une partie des Américains comme l'un des premiers auteurs du génocide des Indiens d'Amérique et le facilitateur de la traite des Africains. En 2006, une statue le représentant à Boston avait été décapitée. Elle avait été dégradée à nouveau en 2015 et les mots "Black Lives Matter" avaient été inscrits sur son socle.
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