Franceinfo - le dimanche 5 mai 2019
Interdite de monter dans le bus parce qu'elle portait une jupe ? Ce que l'on sait des accusations à l'encontre d'un chauffeur de la RATP
La RATP a ouvert une enquête interne et le conducteur a été identifié et auditionné
Un bus de la RATP dans un dépôt de la porte d'Orléans, à Paris, le 16 novembre 2017. (MAXPPP)
Que s'est-il passé mardi près des Buttes-Chaumont à Paris entre un chauffeur de bus de la RATP et une jeune femme de 29 ans ? Une enquête interne est en cours à la régie des transports pour savoir pourquoi la jeune passagère s'est vu refuser l'accès à un bus de la ligne 60, mardi 30 avril. Le conducteur a été auditionné. Et l'affaire a vivement fait réagir après la diffusion des accusations du père de la jeune femme qui affirme que le chauffeur a refusé de laisser monter sa fille en raison de sa tenue.
L'accusation d'un père de famille
"Ce type, qui conduit un bus payé par mes impôts, a empêché ma fille, titulaire d’un passe Navigo valide et donc en règle, qui n'a jamais rien eu à se reprocher de monter… Juste parce qu’elle portait une jupe !" C'est l'accusation lancée dans Le Parisien, vendredi 3 mai, par Kamel Bencheikh, poète algérien qui vit à Paris.
Selon lui, sa fille Elise attendait le bus 60 avec une amie, mardi en fin de soirée, à l'arrêt Botzaris, près du parc des Buttes-Chaumont, dans le 19e arrondissement de Paris. A l'arrivée du bus, le chauffeur se serait arrêté avant de redémarrer sans ouvrir ses portes, selon le récit de la jeune femme qui a couru jusqu'à un feu rouge pour demander des comptes au conducteur. Il lui aurait répondu : "Tu n'as qu'à bien t'habiller", en visant la jupe courte portée par la jeune femme.
Le père de famille a publié un post mercredi sur Facebook pour dénoncer cette situation. Mais celui-ci, qui débutait par "je revendique mon islamophobie" et qui présentait le chauffeur comme "un barbu de type maghrébin", a été supprimé du réseau social. Au Parisien, il expliquait vouloir déposer une plainte samedi et être déterminé à "aller jusqu'au bout"pour que "la RATP s'excuse publiquement".
Une enquête et un appel à témoins de la RATP
Dès vendredi, la RATP a fait savoir sur Twitter qu'elle avait lancé "une vérification" et que le conducteur allait être "entendu très vite", promettant des "sanctions appropriées" si les faits étaient "avérés".
Dimanche, la RATP indique avoir ouvert une "enquête interne" et avoir auditionné le chauffeur. La régie explique également avoir tenté de contacter Kamel Bencheikh pour obtenir "un signalement complet", nécessaire pour "la poursuite de la procédure". Par ailleurs, un appel à témoins a été lancé sur les réseaux sociaux.
Le groupe explique qu'il s'agit de trouver des personnes susceptibles d'apporter un éclairage sur les faits, "les bandes de vidéosurveillance n'étant exploitables que pendant 48 heures et dans le cadre d'une enquête judiciaire". Or, pour l'instant, aucune plainte n'a encore été notifiée à la RATP.
La version du chauffeur
Le machiniste, qui travaille depuis quatre ans à la RATP, a été auditionné par sa hiérarchie samedi, indique son employeur. Il ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés "tels qu'ils ont été présentés dans la presse". Il reconnaît seulement "une faute de service", pour "avoir refusé d'ouvrir les portes" de son bus aux deux jeunes femmes à la station Botzaris, dans le 19e arrondissement de Paris, mais pas pour les raisons invoquées. La RATP ne donne pas d'autres informations sur le contenu de son audition.
Une sanction ?
La Régie autonome des transports parisiens précise dimanche avoir ouvert"une procédure disciplinaire", "qui pourra aller jusqu'à la révocation". Mais pour l'instant, l'enquête interne se poursuit. Selon nos informations, le conducteur, qui n'avait pas d'antécédent, a été temporairement relevé de son poste.
De vives réactions politiques
Avant même la procédure ouverte par la RATP, les accusations de Kamel Bencheikh ont vivement fait réagir la classe politique. Vendredi, Valérie Pécresse, présidente LR de la région Ile-de-France demandait "toute la lumière sur cette affaire", dénonçant des "faits scandaleux" s'ils étaient "avérés".
Samedi, un communiqué commun de la ministre des Transports, Elisabeth Borne, et la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, estimait que "si les faits étaient confirmés", ils "nécessiteraient des sanctions exemplaires". Les deux ministres affirment "suivre avec la plus grande attention le déroulement de cette enquête".
A droite et à l'extrême droite, sans attendre les conclusions de l'enquête, des responsables politiques ont dénoncé "l'islam politique" qu'il faudrait "éradiquer" ou demander à la RATP de lourdement sanctionner le chauffeur, qualifié d'"islamiste".
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