Google où le droit à l'oubli
SOCIETE - Le droit à l'oubli sur internet, un vrai casse-tête. Des milliards d'informations susceptibles de nuire à des individus ou des entreprises restent accessibles sur le Web. La Cour européenne de justice demande au moteur de recherche Google de respecter le droit à l'oubli des citoyens qui le demandent. Techniquement et sans passer par les tribunaux, cela s'annonce compliqué.
Quel internaute n'a jamais tapé son nom, celui de son voisin, de son collègue sur Google pour voir ce qui "remontait" sur l'écran ? "De bonnes choses, de moins en moins bonnes et parfois n'importe quoi", constatent les experts en "e-réputation". Ce terme désigne l'image d'une personne, d'une entreprise ou d'une marque sur internet.
Pour le moment, tout est permis ou presque
Car le Web n'efface rien. Les informations, les données qui remontent sont déterminées par les algorithmes (programmes informatiques) du moteur de recherche Google, utilisé par 90 % des internautes en Europe.
Impossible d'échapper à Google, grand maître du Web ? Tout citoyen bénéficie en théorie du droit à l'image et du "droit à l'oubli". En clair : des choisir les informations privées qu'il autorise à devenir publiques. Voeu pieux à l'époque d'internet ?
Jusqu'à présent, ce droit à l'oubli s'est appliqué au fil des décisions de justice, le plus souvent intentées par des personnes ayant eu des ennuis judiciaires commerciaux (redressement judiciaire), ou pénaux et ayant bénéficié de non-lieu, de relaxes ou bien dont la peine est prescrite ou purgée. La Cour européenne de justice a demandé à Google de faire respecter ce droit pour tout ce qui relevait de la vie privée.
Techniquement difficile à appliquer
Reste à appliquer la décision. Pas simple techniquement. Google a donc ouvert un formulaire de demande de droit à l'oubli que tout le monde peut remplir (lire repères). Il devra masquer des centaines des milliers de pages; "Comment Google pourra-t-il traiter ces centaines de milliers de demandes qui chacune prendront du temps, ne serait-ce que pour vérifier l'identité du demandeur ? Cela semble impossible !", s'interroge Olivier Andrieu, éditeur du site spécialisé Abondance.
Pas de règle précise
Pour le moment, Google ne communique pas sur la méthode qu'il emploiera, mais constate que le nombre de formulaires enfle. Car le non-référencement reste soumis à son appréciation. "Il y a des gens qui veulent faire tout déréférencer, une photo ou un commentaire qu'ils n'aiment plus. Très peu de ces demandes seront jugées légitimes par Google", indique Albéric Guigou, dirigeant d'une agence spécialisée dans ces litiges.
La Cour européenne lui laisse en outre le droit de rejeter la demande des personnes morales (entreprises) et de toute personnalité publique. En clair, l'actrice Julie Gayet n'a aucune chance de voir son idylle avec le président de la République disparaître de la toile. Et cette prof d'anglais filmée un peu éméchée dans une soirée privée et qui s'est battue pendant deux ans pour que disparaisse la vidéo qui remonte en tapant son nom ? Elle a demandé une mutation.
Droit à l'information
"Rien n'empêche Google de considérer un obscur conseiller municipal, un patron ou un délégué syndical d'une entreprise, un dirigeant d'association comme une personnalité publique", s'étonne le juriste Alan Poort. Autre obstacle : le cofondateur de Google, Larry Page, oppose droit à l'oubli avec droit à l'information et... créations d'emplois. Il s'inquiète dans le quotidien britannique Financial Times : "Ce droit à l'oubli peut nuire à la prochaine génération de start-up du net et renforce le poids des gouvernements répressifs". En attendant, l'oubli reste virtuel. Pour Olivier Andrieu, il est déjà trop tard : "Le vrai droit à l'oubli est la suppression du contenu. Les moteurs peuvent oublier, mais le web n'oubliera pas.
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