la tribune du dimanche 15 mars 2015
RECHERCHE - Les chercheurs n'en finissent pas d'explorer nos crânes. La 16e semaine du cerveau se tient du 16 au 26 mars. Les chercheurs sont mobilisés simultanément, dans une trentaine de villes en France et dans 62 pays, pour présenter au grand public le progrès des neurosciences dans une société qui vieillit.
1 million de personnes souffrent en France de maladies neuro-dégénératives, affections chroniques invalidantes. 850 000 personnes sont touchées par la maladie d'Alzheimer, plus 150 000 par la maladie de Parkinson et plus de 85 000 par la sclérose en plaques.
"Les grands enjeux concernent les pathologies en rapport avec l'allongement de la durée de vie, ou encore les pathologies liées à l'environnement et à la qualité de vie. Nous avons en charge au moins en partie les réponses que la société pourra apporter au vieillissement". André Nieoullon, professeur de neurosciences
Que se passe-t-il dans nos têtes ? Quand on va bien et quand on la perd ? La recherche en sait de plus en plus sur les tempêtes sous nos crânes : nos pensées, nos comportements, nos maladies. la connaissance du cerveau et les technique d'explorations, à l'exemple des progrès phénoménaux de l'imagerie cérébrale, avancent vite et les scientifiques en savent plus sur le fonctionnement du plus complexe des organes. Cette connaissance des esprits est essentielle : les neurosciences, dont la spécialité est d'étudier le cerveau et le système nerveux, apparaissent comme un champ de recherche central.
Un milliard d'humains sont affectés
Les troubles neurologiques affectent près d'un milliard de personnes dans le monde. Maladie d'Aszheimer, de Parkinson, sclérose en plaques, accidents vasculaires cérébraux, dépressions, addictions, déficiences sensorielles... : le retentissement social est considérable pour les malades et leurs familles en raison des handicaps moteurs, intellectuels et psychiques qui en résultent.
Les accidents cardio-vasculaires cérébraux sont la première cause de handicap chez l'adulte, devant la maladie de Parkinson qui touche deux personnes sur 1 000. La dépression est la deuxième affection la plus fréquente au monde selon l'Organisation mondiale de la santé, atteignant 6 % de la population des pays occidentaux.
La maladie d'Alzheimer et les autres pathologies neurodégénératives, caractérisées par un vieillissement prématuré et sélectif des cellules nerveuses, progressent tandis qu'on vit plus longtemps. Pour la France, où l'espérance de vie a gagné près de quinze ans au cours des 50 dernières années, on prévoit qu'une fille sur deux qui naît aujourd'hui sera centenaire. En 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Environ 85 000 personnes souffrent de démences de type Alzheimer aujourd'hui en France. Elles devraient être 1,3 million en 2020 selon l'Inserm. Après 85 ans, deux personnes sur dix sont touchées.
Les neurosciences sont donc au coeur de la problématique du vieillissement. "Comprendre et traiter les maladies et les traumatismes du système nerveux constitue un enjeu majeur à l'échelle mondiale pour le XXIe siècle. Aujourd'hui, la médecine soulage. Demain, il faut prévenir, guérir et réparer", souligne l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, cellule de recherche internationale installée à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris.
Les enjeux médicaux sont centraux dans l'approche des maladies neurologiques et des troubles psychiatriques, pour développer les traitements, guérir les affections du cerveau, aider les patients porteurs d'affection chroniques invalidantes. Nathalie Chifflet
La médecine a-t-elle enfin percé le mystère des "possédés" du diable ?
Identifiée en 2007, une forme rare d'encéphalite plonge les malades dans un cauchemar digne de l'Exorciste. Les recherches sur cette maladie pourraient aider à comprendre d'autre pathologies du cerveau.
La jeune femme allongée sur le lit convulse, agitant bras et jambes en mouvements désordonnés. Sa bouche est tordue, ses yeux révulsés. En proie à des hallucinations visuelles et auditives, elle lâche des paroles incompréhensibles. "ça ne vous rappelle rien ?", glisse le Pr Jérôme Honnorat, neurologue au CHU de Lyon. Cette scène filmée dans une chambre d'hôpital semble en effet tout droit sortie du film l"Exorciste ou des histoires de "possédés" du Diable.
Quelques mois plus tard, la furie est sagement assise sur son lit, ses longs cheveux blonds impeccablement peignés. Ce n'est pas en brandissant un crucifix que le Pr Honnorat est parvenu à ce miracle mais grâce à une immunothérapie.
Cinquante cas par an
Car c'est une maladie auto-immune qui a frappé cette jeune femme, une forme très rare d'encéphalite - 50 cas par an en France - dans laquelle des auto-anticorps s'attaquent à des récepteurs du glumate (NMDA), le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. En identifiant ces antigènes en 2007, l'Espagnol Josep Dalmau a-t-il découvert un mal qui a conduit au bûcher des centaines de "sorcières" ? Car cette encéphalite frappe surtout les femmes jeunes (entre 15 et 35 ans) qui souffrent parallèlement d'un tératome, une tumeur à l'ovaire.
Tout aussi intriguant, les crises sont souvent précédées, quinze jours plutôt, d'une infection ORL. Mais la maladie touche également des malades atteints de cancers métastasés ou des enfants. Chez ses derniers, le virus de l'herpès est souvent trouvé et la maladie s'exprime surtout par des crises d'épilepsie alors que les adultes sont davantage touchés par les troubles psychiatriques.
Enigme psychiatrique
La moitié des patients se retrouvent ainsi en psychiatrie où leurs cas soulèvent des énigmes, tandis que les autres sont soignés en réanimation pour des troubles associés (méningites, difficultés respiratoires...). Grâce à une diagnostic désormais fiable, la maladie est mieux repérées. Aux Etats-Unis, elle a été médiatisée par la journaliste Susannah Cahalan qui a tenté de reconstituer, dans son livre Brain on fire ("Cerveau en feu"), ce "mois de folie" dont elle ne garde aucun souvenir, à l'instar de tous les autres malades. Si les traitements guérissent 80 % des patients à deux ans, les crises peuvent aussi disparaître spontanément. Elles récidivent dans 10 % des cas, parfois vingt ans plus tard.
Mais pourquoi le corps de ces patients s'est-il soudainement mis à fabriquer ces auto-anticorps ? C'est ce qu'essayent de comprendre l'équipe "neuro-oncologie et neuro-inflammation" du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, et le Centre de référence national de ces encéphalites, dirigés par Jérôme Honnorat. Soutenu par la Fédération pour la recherche sur le cerveau et la Fondation LCL, ces travaux pourraient apporter un éclairage nouveau sur d'autres pathologies psychiques car les canaux perturbés par les auto-anticorps sont aussi suspectés de jouer un rôle dans la schizophrénie et l'autisme. Sylvie Montaron
Une éponge
Le cerveau pèse un plus d'un kilo. Masse de tissu spongieux d'environ 1 300 g, il contrôle notre corps, aussi bien les battements cardiaques que l'activité sexuelle, les émotions, l'apprentissage et la mémoire. Il est le siège de la pensée. C'est lui qui contrôle les réponses du système immunitaire dans les maladies et détermine les réponses aux traitements médicaux.
100 milliards de neurones
Le cerveau est un super-ordinateur bien plus hyper-connecté que n'importe quel réseau social. Le système nerveux comprend plus de 100 milliards de neurones reliés par des millions de kilomètres de "câbles", les connecteurs. Le nombre de contacts entre les neurones varient de 10 000 à 100 000 milliards.
380 millions de malades
Selon l'organisation mondiale de la santé, les maladies du système nerveux représentent plus du tiers des maladies dans les pays riches. En Europe, 380 millions de personnes sont concernées par ces pathologies qu représentent 35 % de morbidité. 23 % d'années de vie en bonne santé sont perdues à la suite de maladies cérébrales.
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