la Tribune du jeudi 9 octobre 2014
SYRIE/IRAK - Dangereux poker menteur à Kobané. Daech sur le point de prendre la ville Kurde aux portes de la Turquie. La victoire de Daech qui se dessine face aux Kurdes dans la bataille de Kobané en Syrie exporte le conflit en Turquie et en Europe et démontre l'insuffisance de la stratégie des frappes aériennes. Un tournant.
Le Pentagone le reconnaît : "les frappes aériennes ne suffiront pas à repousser les forces de Daech". Six attaques de l'US Air force hier on repoussé des groupes d'assaillants. Mais rue par rue, les djihadistes avancent vers une inexorable victoire face aux miliciens kurdes. Selon le général Martin Dempsey, plus haut gradé américain, "les djihadistes deviennent plus adroits dans l'utilisation des appareils électroniques, ne se déplacent plus dans de longs convois et n'établissent pas de quartiers généraux visibles et identifiables pour les avions et dans la ville ils sont au milieu de civils". La prise imminente par Daech de cette ville du Kurdistan syrien à la frontière turque, où l'on compterait entre 400 et 500 tués, est un tournant dans la guerre.
Cette bataille exporte le conflit. En Turquie d'abord : de violents heurts ont opposé la police à des manifestants kurdes réclamant au gouvernement d'envoyer les chars au secours des combattants kurdes syriens débordés par l'offensive. Bilan : au moins 18 morts, 200 blessés. Pour la première fois depuis plus de vingt ans, les autorités d'Ankara ont dû imposer un couvre-feu strict dans six provinces du pays peuplées en majorité de Kurdes.
Partout en Europe, la diaspora kurde se mobilise. En France, cela se limite à des manifestations ponctuées de quelques incidents. Mais en Allemagne où la communauté est importante, plus d'une vingtaine de personnes ont été blessées dont quatre gravement dans des heurts entre Kurdes et militants islamistes dans la nuit de mardi à mercredi : à Hambourg, peuplée de 35 000 Kurdes, la police n'a pu contenir quelque 400 participants à ces combats de rue, dont certains armés de bâtons et d'armes blanches.
Le gouvernement turc réclame une offensive terrestre. Il est prêt à envoyer ses chars mais à la condition que la coalition arabo-occidentale participe aussi. En posant ce préalable, le président islamo-conservateur Erdogan sait que rein ne bougera car il n'est pas question pour Obama de déployer des troupes au sol et pour les autres de s'aventurer en Syrie. Même l'Iran et la Russie appellent à sauver Kobané mais en associant... le régime syrien.
Impossible pour les Occidentaux et les monarchies du Golfe. Pendant le poker menteur, les djihadistes avancent. Comment en sortir ? François Hollande a proposé d'examiner une zone tampon entre Syrie et Turquie, principe défendu depuis longtemps par Ankara. Washington répond que "la solution n'est pas l'étude". Et ajoute qu'en Syrie, il n'existe pas sur le terrain d'allié solide. On en revient à la même question : qui enverra des chars d'assaut et des troupes au sol en Syrie ?
A découvrir aussi
- la Tribune du mercredi 8 octobre 2014
- la tribune du mardi 21 octobre 2014
- la tribune du dimanche 1er février 2015
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 59 autres membres