la Tribune du lundi 13 octobre 2014
SYRIE - Daech renforce ses positions à Kobané. Des milliers de civils menacés. Les djihadistes de Daech (organisation Etat islamique, ou EI) ont envoyé hier des renforts vers Kobané, où les forces kurdes leur opposent une résistance farouche. Délogés vendredi de leur QG, les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) ont depuis repoussé des assauts de Daech sur plusieurs fronts de la troisième ville kurde de Syrie, où la bataille a tourné à la guérilla urbaine.La situation reste toutefois à l'avantage des djihadistes, plus nombreux, mieux armés et qui contrôlent environ 40 % de la ville.
Au moins 34 morts en Turquie dans des émeutes
Mais la défense acharnée des forces kurdes a contraint les djihadistes à faire venir des renforts en provenance de Raqa et Alep, leurs bastions du nord syrien - y compris des homme qui n'ont pas beaucoup d'expérience du combat. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, si Daech n'arrive pas à prendre Kobané, cela va porter un coup dur à son image : "Ils ont mis tout leur poids dans cette bataille".
Les défenseurs de Kobané, eux, ne peuvent recevoir de renforts car la Turquie bloque la frontière, empêchant notamment des Kurdes de ce pays de se porter au secours de leurs camarades assiégés. Cette attitude d'Ankara a provoqué ces derniers jours des émeutes pro-kurdes en Turquie, entachées par la mort d'au moins 34 personnes. Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a toutefois confirmé hier que son pays allait renforcer les capacités militaires de l'opposition modérée syrienne afin d'en faire une troisième force entre le régime de Damas et les djihadistes.
PROCHE-ORIENT - La Turquie en première ligne face à l'EI. Les djihadistes en passe de conquérir Kobané en Syrie.
Les ambiguïtés d'Ankara
La colère Kurde est provoquée par l'attitude ambiguë de la Turquie face à EI-Daech. Ankara a rejoint la coalition mise en place pour les Etats-Unis contre les djihadistes, mais refuse d'intervenir à Kobané, à sa frontière, pour les empêcher de conquérir la ville. "La Turquie ne peut pas envoyer, seule, des troupes au sol", affirme le gouvernement.
En réalité, le régime turc, dirigé par un islamiste "modéré", Recep Tayyip Erdogan, a deux craintes : celle de donner des aides aux Kurdes, qui réclament plus d'autonomie en Turquie même (où ils sont 10 millions, soit 14 % de la population totale) et celle de venir en aide au régime syrien de Bachar al-Assad, ennemi juré d'Erdogan.
Une "zone tampon" ?
La Turquie plaide pour l'instauration d'une sone "tampon" entre sa frontière et les islamistes, qui pourrait accueillir les réfugiés qui fuient les combats... mais qui aurait aussi comme résultat de figer la présence islamiste. Une zone tampon soutenue par François Hollande, mais jugée illusoire sur le terrain.
Les Américains et l'Otan affirment que sa création n'est pas à l'ordre du jour. Et pour Moscou toute création d'une telle zone nécessite le feu vert de l'Onu. Pendant qu'on tourne en rond sur le plan international, Daech progresse à Kobané. Les troupes islamistes possèdent, contrairement aux Kurdes, des blindés et des armes modernes.
Les Américains multiplient les frappes aériennes, mais reconnaissent que celles-ci ne suffiront pas à faire plier Daech. Les djihadistes ont fait évoluer leur tactique depuis le début des bombardements, le 8 août dernier. Ils ne se déplacent plus en convois, ne plantent plus de drapeaux sur leurs positions et se fondent dans la population.
A Kobané, 300 000 habitants ont déjà pris la fuite, dont 200 000 en Turquie. De gré ou de force, le pays est entraîné dans la spirale de la guerre. Avec une cocotte-minute kurde au bord de l'explosion.
SYRIE - Le père franciscain relâché et assigné à résidence. Le père franciscain, otage d'Al-Nostra (branche syrienne d'Al-Qaïda engagée dans la guerre contre le régime) a été relâché et placé en résidence surveillée au couvent dont il est responsable a fait part hier l'ordre religieux. Ce curé syrien de Qounya, 62 ans, avait été capturé avec une vingtaine de chrétiens dans la nuit de dimanche à lundi dans ce village proche de la frontière turque sous contrôle d'Al-Nosra. On ignore ce qu'il est advenu des autres villageois.
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