la tribune du lundi 16 avril 2015
SOCIETE - Les réseaux sociaux, des "amis" trop envahissants ? Spécialistes, médecins et le chanteur Stromae mettent en garde. Ils occupent une telle place dans le quotidien qu'ils finissent par réduire le temps consacré à sa propre personne et à son entourage. L'excès de réseau social restreint le champ de la vie privée qui avec la capture permanente de données devient de moins en moins privée.
120 minutes : c'est le temps maximum que les adolescents devraient passer chaque jour devant un écran, selon les recommandations de l'Académie américaine de pédiatrie. On en est loin. En France, les 12-17 ans passent en moyenne 4 h 30 devant un écran.
Le petit oiseau de Twitter avale, Barack Obama, la reine d'Angleterre et Stromae lui-même à force d'occuper leur temps et leurs pensées. A sa façon et avec son talent, le chanteur belge dégingandé lance l'alerte : à trop passer de temps sur les réseaux sociaux, l'individu perdrait son identité, son intimité, sa personnalité. Attention, "addiction" préviennent les psychologues, "sursocialisation" traduisent les sociologues.
Personnalité de référence de la toile avec une moyenne de 60 tweets envoyés par jour, omniprésent sur les réseaux sociaux notamment Instagram (photos), animateur d'un blog, Guy Birenbaum témoigne ans une livre ("Vous m'avez manqué", édition les Arènes) des excès du trop connecté. Il a été soigné pour une dépression et l'hyper-connexion a été diagnostiquée comme l'une des raisons de son basculement, parmi d'autres (pas la seule). Facebook, Twitter, Instagram et les autres réseaux sociaux moins usités sont devenus des compagnons envahissants qui modifient les rythmes de sommeil, habitudes alimentaires et relations familiales.
Nos habitudes modifiées
Selon les données recueillies par les opérateurs télécoms, 75 % des usagers des réseaux sociaux se connectent dès le réveil et 68 % le sont dans le quart d'heure qui précède le coucher. Dans les transports en commun, smartphones et tablettes ont délogé consoles de jeux et magazines. "A quand la tablette chez le coiffeur et dans la salle d'attente du dentiste", s'inquiète un témoin du documentaire "Digital Detox", diffusé récemment sur Canal +. Le journaliste Pierre-Olivier Labbé a vécu trois mois sans internet ni smartphones : "J'ai vite distingué deux sortes d'Internet : l'utile, qui manque tout de suite et demande de se réorganiser totalement : faire un virement bancaire, prendre un billet de train... Et l'Internet social - Facebook, Twitter... qui me prenait beaucoup, beaucoup de temps".
Des études sont lancées pour mesurer leur impact sur la vie de couple et de famille. Les enseignants s'alarment du manque de dialogue entre parents et enfants, de la disparition du repas de famille, chacun restant scotché à l'écran. Le réseau social distendrait le lien entre générations : débats et contacts s'organisent autour de personnes de mêmes générations, de mêmes milieux sociaux, ayant les mêmes centre d'intérêt. Dans certaines grandes entreprises comme... IMB, numéro un de l'informatique, les directions donnes des consignes : "Le week-end, vous coupez vos mail pro et vous évitez de retrouver vos collègues de bureaux sur les réseaux sociaux".
Données personnelles
Au-delà des usages et des abus, les réseaux sociaux exhibent données personnelles et habitudes de vie. Facebook connaît les habitudes de navigation de ses utilisateurs, à la fois sur son site, mais également en dehors, ce qui lui permet de vendre de la publicité ciblée. Des chercheurs de l'université de Louvain et de l'université libre de Bruxelles viennent de révéler "que pendant qu'un utilisateur connecté sur Facebook visite un autre site avec des éléments sociaux, Facebook, reçoit son identifiant Facebook, celui de son navigateur et l'adresse de la page visitée. Quand il se déconnecte, Facebook continue de tracer s'il n'éteint pas l'ordinateur". Encore un bout de vie privée qui s'envole.
Un impact sur l'activité sexuelle ?
Une étude très sérieuse du professeur David Spiegelhalter de l'université de Cambridge sur la sexualité des Britanniques montre que la fréquence des rapports dans les couples hétérosexuels ne cesse de baisser depuis l'avènement d'internet et des réseaux sociaux.
Selon les travaux, de cinq rapports toutes les quatre semaines en 1990, la moyenne a chuté à 4 dès les années 2000 et se réduit maintenant à trois. Pendant les périodes de vacances, la fréquence remonte légèrement. "Pendant les périodes d'activité professionnelle, le temps réservé à la vie familiale et intime s'est réduit du fait de la connexion avec le monde", estime ce chercheur qui, en revanche, ne note pas le même phénomène pour les couples homosexuels. Les réseaux sociaux auraient facilité les rencontres et la formation de nouveaux couples. Or, plus le couple est récent, plus la fréquence des relations sexuelles est élevée. A terme, le décalage entre hétérosexuels et homosexuels devrait donc être récupérée.
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