la Tribune du mardi 10 mars 2015
EUROPE - Vers une armée européenne ? Après l'appel de Jean-Claude Juncker. Les menaces actuelles sur l'Europe incitent les dirigeants européens à réfléchir non seulement à de nouvelles stratégies communes de sécurité intérieure mais aussi d'intervention extérieure.
L'appel de Jean-Claude Juncker pour la création d'une armée européenne n'a pas vraiment fait l'effet d'une bombe, car cette intention n'est pas réellement nouvelle. Mais avec la double menace (terrorisme islamiste et offensive russe à l'Est de l'Ukraine) qui pèse sur le continent européen, la réflexion semble s'accélérer.
"Notre avenir, en tant qu'Européens, passera un jour par une armée européenne", a ainsi martelé le président de la Commission européenne, affirmant qu'une telle armée "aiderait à mettre au point une politique étrangère et de sécurité commune".
Trop de différence
En 1954 déjà, soit neuf ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, une première tentative avait été entreprise, en vain. En 2007, lors du cinquantenaire de l'Union européenne, Angela Merkel avait dit souhaiter la réalisation d'une force armée européenne unie. Et il y a quelques jours, l'Espagnol Javier Solana, ancien secrétaire général de l'Otan, a encore plaidé pour "une intégration de la défense européenne". S'il existe déjà un grand nombre d'initiatives de coopération militaire une "intégration" est-elle possible ?
"Il est difficile de croire que l'on arrivera à une vision commune et à une politique consensuelle des Européens", a estimé récemment sur diploweb Nicole Gnesotto, spécialiste des questions stratégiques au sein de l'UE et auteur de faut-il enterrer la défense européenne ? (La Documentation française) : "Les différences sont si nombreuses que la surprise est plutôt que l'on soit malgré tout parvenu, depuis douze ans, à un consensus minimal sur la défense dans l'UE".
Les élargissements successifs de l'OTAN n'ont-ils pas ralenti les projet d'armée commune ?
"L'Otan reste, pour une majorité d'Etats européens, l'organisation de défense prioritaire, quel que soit l'état de la menace à l'encontre de leurs intérêts", selon la professeur. Dans la crise ukrainienne, par exemple, l'OTAN fait figure de rempart contre les velléités russes. Ces dernières années, certaines opérations extérieures (Bosnie, Congo) ont parfois permis de rassembler les forces européennes, mais cette osmose reste rare. On le constate en Afrique, où la France, malgré ses appels, monte presque seule au front.
Enfin, cette force partagée par les 28 pays serait un moyen de rationaliser les dépenses militaires, dont les budgets sont en chute libre. En Grande-Bretagne, plutôt hostile au départ à cette idée de défense commune, le budget militaire pourrait ainsi être réduit de 10 % dans les cinq prochaines années, a-t-on appris hier, et le nombre de combattants être réduit à 50 000. Soit, selon des experts, le plus bas effectif depuis la guerre d'indépendance des USA au XVIIIe siècle. De quoi peut-être changer son fusil d'épaule sur une armée européenne... Xavier Frère
Deux puissances militaires
Avec tous les pays européens, on peut estimer le nombre de personnels militaires d'active à environ 1,7 million (dont 240 000 hommes pour la France, 220 000 pour le Royaume-Uni). Près de 4 % de ces forces sont déployées à l'étranger pour des opérations extérieures. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont près de 15 % de leur GI en poste hors-USA.
Les dépenses militaires combinées des 28 Etats membres de l'Union s'élèvent à 194 milliards d'euros (USA : 520 milliards), soit 1,61 % du PIB de l'Union européenne. La France et le Royaume-Uni, principales puissances militaires globales et seuls Etats membres de l'Union disposant de la dissuasion nucléaire, représentent 40 % du budget de la défense total de l'Europe, 50 % de ses capacités militaires et 70 % de ses dépenses de recherche et développement militaires.
Au cours des dernières années, plusieurs initiatives de coopération militaire ont abouti : la brigade franco-allemande, l'Eurocorps installé à Strasbourg (Allemagne, France, Belgique, Espagne, Luxembourg), le Centre européen du transport aérien stratégique à Eindhoven, le Corps germano-néerlandais, le Centre de coordination de l'évacuation par la mer, le Korps Nord-Ost (Allemagne, Danemark, Pologne)...
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