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MOYEN-ORIENT - "L'Etat islamique, menace mondiale" Un entretien avec Jean-Pierre Filiu, spécialiste du djihadisme. Le monde a les yeux braqués sur la guerre en Irak contre les troupes de l'EI qui revendiquent la décapitation du journaliste James Foley. Mais c'est en Syrie que cette guerre va bientôt s'étendre...

Quelle menace représente l'Etat islamique ?

Elle est sans précédent, incomparablement plus dangereuse qu'Al-Qaïda, qui n'a jamais contrôlé un territoire aussi important (un tiers de l'Irak, un tiers de la Syrie aujourd'hui). Avec l'Etat islamique, nous avons plusieurs milliers de terroristes fanatisés, sous l'autorité d'un chef unique, ayant une expérience de situations de violence extrême, et une cohérence organisa- tionnelle, qui leur permet d'accomplir le pire. Et ce pire est à venir.

Que voulez-vous dire ?

Le continent européen, avec la tuerie du Musée juif de Bruxelles (quatre morts, le 24 mai dernier), n'a eu qu'un avant-goût de ce qui pourrait se produire. Mais nous réfléchissons toujours par rapport à la précédente guerre, alors que l'Etat islamique a un coup d'avance. Et il connait très bien nos organisations, et nos peurs, sur lesquelles il a joué avec l'assassinat barbare de James Foley. Il a désormais ce territoire, un armement pris à l'armée américaine, via l'armée irakienne, au moins un milliard de dollars de trésor de guerre.

En juin, ils ont proclamé un califat de la terreur : ce n'est plus l'Etat islamique "en Irak et au Levant", mais juste l'Etat islamique, qui affirme une vocation mondiale. En outre le gouvernement israélien lui a offert durant tout l'été, avec les massacres de Gaza, un nombre important de recrues. L'Etat islamique est une menace globale sur la sécurité mondiale.

Quelle réponse apporter ?

Elle doit être multiforme, comme le propose la France. Il faut un consensus international, impliquant la Russie et les Etats-Unis, et l'ensemble des Etats de la région. On en est encore très loin, et en attendant, ils continuent de s'étendre : on ne parle que de l'Irak, alors qu'ils sont déjà à Alep.

Après l'Irak, la Syrie ?

Ils y on replié l'essentiel de leurs armements et de leurs commandos de choc. Et tandis que l'on enregistre des victoires très ponctuelles au barrage de Mossoul, ils préparent la bataille d'Alep, dont ils ont été éjectés en janvier par les révolutionnaires. Mais les Américains ont fait en Irak les mêmes erreurs que les Russes en Syrie : ils ont fait confiance à une armée classique, car ils ne croient pas dans ce qu'on appelle "les forces non-étatiques". Et c'est comme cela que l'on arrive à ce que 20 000 djihadistes étrillent un million de soldats irakiens. Recueilli par Francis Brochet

Ces dernières 24 heures

Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux cherchaient hier une riposte à l'Etat islamique, après l'onde de choc provoquée par la décapitation d'un journaliste américain et l'échec d'une opération de libération d'otages en Syrie. Le président François Hollande a appelé à une large mobilisation internationale. "Ce n'est pas simplement un groupe terroriste comme hélas on en a connu, dispersé, éparpillé, avec plusieurs chefs, c'est une entreprise terroriste qui a décidé d'asservir, d'annihiler, d'anéantir", a-t-il déclaré lors d'une visite à la Réunion?.

Les Etats-Unis procèdent déjà à des frappes aériennes contre les djihadistes dans le nord de l'Irak depuis le 8 août, et le président Obama a promis la poursuite de leur engagement : "quand les Américains sont visés quelque part, nous faisons ce qui est nécessaire".