L'Arabie saoudite a autorisé les femmes à conduire, brisant un tabou dans ce royaume ultraconservateur régi par une vision rigoriste de l'islam, qui continue d'imposer d'autres restrictions.
La communauté internationale a salué la décision historique du royaume saoudien qui était jusqu'ici le seul pays au monde à interdire le volant aux femmes.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres et le président américain Donald Trump y ont vu une avancée pour les femmes dans ce grand Etat arabe souvent critiqué pour son déficit en matière des droits de l'Homme.
"Les bonnes nouvelles en provenance d'Arabie saoudite se succèdent", a noté le ministre d'Etat aux Affaires étrangères des Emirats arabes unis, Anwar Gargash.
Mardi soir, le roi Salmane a ordonné la délivrance de permis de conduire "indifféremment aux hommes et aux femmes", selon un décret qui a résonné comme un séisme dans le royaume.
Cette mesure, réclamée depuis 1990 par des militantes dont certaines ont été arrêtées pour avoir défié l'interdiction, doit entrer en vigueur à partir de juin 2018.
En attendant, les agences concernées devront procéder "à tous les changements nécessaires dans les réglementations en vigueur" et développer les infrastructures pour accueillir "des millions" de candidates au permis de conduire, a expliqué l'ambassade saoudienne à Washington.
"Je suis sous le choc, je ressens une très grande joie", a lancé Haya Rakyane, employée de banque de 30 ans installée à Ryad. "Je ne m'attendais pas à une telle décision avant 10 ou 20 ans", a-t-elle déclaré à l'AFP.
- Autres restrictions -
"C'est un jour très heureux ! Je n'y crois pas encore, je n'y croirai pas avant de le voir de mes propres yeux", a affirmé Chatha Dousri, employée de la compagnie pétrolière Aramco à Dahran (est) qui dit avoir conduit à l'intérieur du complexe résidentiel fermé où elle habite mais jamais sur la voie publique.
De nombreuses femmes de l'élite saoudienne, qui pouvaient conduire à Londres ou à Dubaï mais pas à Ryad, avaient tenté de braver cette interdiction en Arabie saoudite mais avaient été systématiquement arrêtées.
"C'est la concrétisation du courage de militantes qui ont fait campagne pendant des années", a dit Amnesty International.
Les femmes font encore l'objet de sévères restrictions en Arabie où elles sont notamment soumises à la tutelle d'un homme de leur famille --généralement le père, le mari ou le frère-- pour faire des études ou voyager.
Dans le cadre d'un plan de réformes économiques et sociales à l'horizon 2030 pour limiter sa dépendance au pétrole, Ryad semble assouplir certaines mesures imposées aux femmes.
- Possibles résistances -
Samedi, les Saoudiennes ont été autorisées, alors que la mixité est interdite dans l'espace public, à célébrer la fête nationale dans un stade, une première dans le pays.
Ryad tente prudemment de promouvoir des formes de divertissement malgré l'opposition des ultraconservateurs dans un royaume où la moitié de la population a moins de 25 ans.
L'un des représentants de cette frange, Saad al-Hijri, a été suspendu de prêche récemment pour avoir affirmé que les femmes ne pouvaient être autorisées à conduire car elles n'ont que "le quart" du cerveau d'un homme.
Le ministère saoudien de l'Intérieur a insisté dans une série de tweets sur le fait que la "majorité des oulémas" n'était pas contre cette décision.
Mais il a en même temps averti que les autorités "n'hésiteront pas à prendre toute mesure pour préserver la sécurité et la stabilité" du pays.
- Coût économique -
En novembre dernier, le prince et milliardaire saoudien Al-Walid ben Talal, connu pour son franc-parler, avait lancé un vibrant appel pour que les femmes obtiennent le droit de conduire.
Il avait déploré le "coût économique" découlant du fait que les femmes en Arabie saoudite dépendent, pour se déplacer, de chauffeurs privés "étrangers" ou de taxis. Et si un mari trouve le temps de conduire son épouse, cela suppose qu'il s'absente de son travail, réduisant sa productivité, avait-il regretté.
Les tentatives d'alléger les restrictions visent aussi à masquer des critiques sur une récente campagne de répression, estiment des analystes.
Les autorités ont arrêté ce mois-ci une vingtaine de personnalités, dont des prédicateurs influents et des intellectuels réformateurs.
Des analystes affirment que nombre de ces dissidents critiquaient la politique étrangère musclée du jeune prince héritier Mohammed ben Salmane (32 ans), comme le boycott du Qatar, ainsi que certaines réformes comme la privatisation d'entreprises publiques et la réduction des subventions de l'Etat.