le Progrès du dimanche 23 octobre 2016
POLITIQUE - BLOCAGE SUR LE CETA
Avis de tempête sur le commerce mondial
Non, ce n'est pas une histoire belge, mais "un changement de tendance" dans l'histoire des échanges commerciaux et de la mondialisation, qui menace déjà la croissance.
L'image est facile : l'entêtement de 3,6 millions de Wallons bloquant la volonté de plus de 500 millions d'Européens de signer un accord avec le Canada... Trop facile. Certes, le veto wallon menace bien de déclencher une tempête sur le commerce mondial. Mais les nuages s'accumulent depuis déjà des années.
La dernière alerte date du vote britannique pour le Brexit, le 23 juin. "C'est le retour de bâton de la mondialisation", diagnostiquait aussitôt l'économiste Nouriel Rubini. Le scrutin a provoqué un changement de Premier ministre, et de politique. Après David Cameron, champion de l'ouverture au monde, Theresa May a lancé devant le congrès du Parti conservateur : "Si vous vous sentez citoyen du monde, vous n'êtes citoyen de nulle part".
Rien de neuf, là encore. Ce discours domine depuis des mois outre-Atlantique. Hillary Clinton, naguère partisane du libre-échange, s'oppose désormais à la ratification du traité de libre-échange avec les pays du Pacifique (TPP). Et son concurrent Donald Trump propose des barrières douanières contre les marchandises venues de Chine, et une muraille de béton contre les hommes venus du Mexique.
Les causes du revirement sont multiples. La plus citée est l'explosion des inégalités depuis la crise de 2008, pointée par la patronne du FMI (Fonds Monétaire International) Christine Lagarde. N'oublions pas la réticence ou l'incapacité des dirigeants à lever le voile sur les négociations commerciales.
Lagarde contre les inégalités
Résultat : la croissance du commerce mondial est tombée d'un rythme de 7 % à moins de 2 % cette année, selon l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce). "Il ne s'agit pas d'une simple inflexion", mais d'un "changement de tendance", affirme Sébastien Jean (Cepii, centre d'étude sur l'économie mondiale? qui pointe "la résurgence du protectionnisme" favorisée par la crise économique et les frustrations qu'elle génère.
Ainsi prend forme un cercle vicieux. La crise attise la demande de protectionnisme dans les populations, bientôt suivies par leurs dirigeants - comme François Hollande, contempteur du traité avec les États-Unis (TTIP) après l'avoir défendu. Et les freins mis au commerce constituent en retour, selon le FMI, "une menace exceptionnelle pour la croissance mondiale"...
Ne tirons donc pas sur les Wallons. D'ailleurs, s'ils finissent par dire "oui", d'autres pourraient à leur tour dire "non". Qui jurerait qu'il y a aujourd'hui une majorité de députés français pour approuver le Ceta ? Francis Brochet
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